Renforcement du contrôle sur les médias à six semaines des élections

A la veille de la tenue des élections législatives prévues en novembre prochain, Reporters sans frontières dénonce une véritable régression de la situation de la liberté d’expression en Egypte. Le retour à des pratiques qui avaient disparu est plus qu’inquiétant. Sous couvert de vouloir « protéger l’intérêt public », les autorités mettent en place des mécanismes de contrôle en vue de censurer l’information diffusée avant les législatives, mais également la présidentielle de 2011. Elles entendent également délivrer un message fort à l’ensemble de la société : tout, désormais, sera sous sa surveillance.

Campagne de fermeture de chaînes satellitaires diffusées sur Nilesat depuis le 11 octobre

L’opérateur Nilesat a suspendu temporairement douze chaînes satellitaires pour avoir fait la promotion de la violence, de la haine raciale, de médecins charlatans, de la superstition, a annoncé le ministre de l’Information, dans un communiqué daté du 19 octobre 2010. Vingt autres chaînes auraient reçu des avertissements. Le communiqué établit la liste des douze chaînes interdites: Safa TV, Ayat TV, Al-Athar, Ahlulbayt, Marah Al-Khalij, Rayhana TV, Al-Ruqya, Aalam Hawaa, Email@TV, Mara7 TV, Strike TV, Live TV. Celles ayant reçu des avertissements sont : Alghadeer, Sada Al-Islam, Bedaya, Al-Fajr, Al-Majd, Wasla, Al-Sufiya, Al-Anwar, Al-Qeethara, Mawaheb, Jordan Medical TV, Samad, Mersal TV, Sahm TV, Al-Hakeka, Al-Emarah, Ghinwa, Al-Zahabiya, Hawas TV, Hi TV. Pour les autorités, ces chaînes encouragent les idées religieuses extrémistes, incitent à l’intolérance entre les différentes composantes de la société égyptienne. « Certaines de ces chaînes incitent de manière explicite au meurtre, ce qui montre bien la nécessité de l’intervention de l’Etat afin de garantir l’ordre social et protéger la société de tentations extrémistes », a déclaré le ministre, avant d’ajouter que certaines chaînes diffusent des programmes pour lesquels elles n’ont pas reçu d’autorisation. Toutefois, il semblerait que la liste des chaînes ne s’arrête pas à celles mentionnées par le ministère. Plusieurs, telles que Al-Sehha Wal-Jamal, Al-Khalejeya, Al-Nas TV, Al-Hafez , Al-Hekma TV , Al-Atheer TV , Wesal TV, Al-Rahma TV, seraient également concernées par de telles fermetures. Alors que d’autres, que le ministère déclare avoir suspendues, restent accessibles … tel est le cas de Ahlulbayt, Strike TV et Live TV… Par ailleurs, l’Autorité de régulation des télécommunications sous l’égide du ministère de l’Information a exigé que neuf chaînes satellitaires obtiennent une autorisation de la part de l’Union égyptienne de la radio et la télévision (ERTU) pour continuer à diffuser leurs programmes via les unités de retransmission SGN. En se rendant à l’ERTU, les représentants de ces chaînes ont appris qu’ils devaient placer leurs SGN dans des lieux fixes et permanents, et leurs bureaux de l’Egyptian Media Production City, dans la cité du 6 Octobre, prérequis indispensables pour qu’elles puissent se voir attribuer des fréquences par l’Autorité de régulation. De telles obligations constituent des entraves importantes à la liberté des chaînes d’utiliser leur équipement comme elles le souhaitent.

Campagne de censure de SMS

En outre, les autorités se sont lancées, depuis le 11 octobre 2010, dans une campagne de contrôle des SMS, une forme de censure déguisée. Les entreprises qui recourent à des envois massifs de messages SMS sur les téléphones portables doivent désormais obtenir une autorisation auprès de l’Autorité de régulation des télécommunications. Les fournisseurs de contenus – partis politiques ou services d’informations par exemple – devront faire de même et s’acquitter d’une licence dont le prix s’élèverait à près de 88 000 dollars. Mahmoud El-Gweini, conseiller du ministre égyptien des Télécommunications, a justifié ces mesures auprès de l’agence Associated Press, le 12 octobre 2010, par le souci d’ « organiser » le système, d’éviter que les utilisateurs reçoivent des SMS sur des sujets sensibles comme les tensions religieuses ou les mouvements boursiers. Il a nié toute tentative d’infléchir l’activité politique. Reporters sans frontières considère ces restrictions comme dommageables à la liberté d’expression, alors que l’on recense près de 60 millions d’utilisateurs de messages portables en Egypte. Elles pourraient avoir des conséquences directes sur le travail des organisations de défense des droits de l'homme, qui utilisent les envois de SMS pour rendre publics des cas de violations. Le contrôle des SMS est mis en place à des fins de contrôle des flux d’informations, de la diffusion des mouvements de contestation sociale et des efforts de mobilisation de l’opposition.

Des journalistes licenciés

Alaa Sadeq présentait une émission sur la chaîne Nile Sport. C’était avant qu’il ne critique publiquement l’échec du ministre de l’Intérieur à garantir la sécurité dans les stades de foot, le 3 octobre dernier. Au cours du match qui a opposé, au stade du Caire, l’équipe égyptienne d’Al-Ahly à l’équipe tunisienne l’Espérance sportive de Tunis dans le cadre de la demi-finale de la coupe d’Afrique des Champions 2010, des supporters ont arraché leur siège avant de les lancer contre les forces de l’ordre. Au cours de l’émission « Thelalon Wa Adwaa » (Lights and Shadows), diffusée sur la chaîne sportive gouvernementale Nile-Sport, Alaa Sadeq, ancien footballeur, avait critiqué à l’antenne « l’incompétence pour maintenir l’ordre et la sécurité au cours d’un match de football ». Le journaliste avait par la suite été suspendu par le ministre de l’Information Anas El-Feqqi. Reporters sans frontières rappelle que Ibrahim Issa, éditeur en chef du quotidien Al-Dostour, a été licencié le 4 octobre. Sa mise à pied fait suite à la volonté du journaliste de publier, en fin de semaine, un article de l’ancien secrétaire général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et candidat potentiel de l’opposition pour l’élection présidentielle de 2011, Mohammed ElBaradei, intitulé : "Guerre d’Octobre : au-delà de la victoire". Egalement présentateur du programme télévisé Baladna bel Masry !!, Ibrahim Issa a été limogé dans le même temps de son poste, sans qu’aucune raison soit avancée. http://fr.rsf.org/egypte-un-journaliste-exclu-du-champ-07-10-2010,38504.html
Publié le
Updated on 20.01.2016