Renforcement de la surveillance des médias et d'Internet sous l’ère Thein Sein

Trois mois après l'élection de Thein Sein à la tête de la Birmanie, la liberté de la presse et la liberté de l’information sur Internet sont toujours bafoués. Alors que le Président a déclaré qu'il respectait "le rôle des médias en tant que quatrième pouvoir", les condamnations de journalistes à de lourdes peines, les suspensions de journaux et les descentes de police dans les cybercafés illustrent l’inflexibilité du régime qui reste constant dans sa politique d'intimidation et de contrôle. Surtout, tout un train de mesures vient durcir le contrôle de la junte dans l’utilisation du Net. "Thein Sein vient d'annoncer, le 16 avril 2011, une amnistie générale des prisonniers condamnés à la peine de mort, mais cette mesure ne s’applique pas aux deux mille prisonniers politiques birmans. Les déclarations de bonne intention visent à masquer les récentes actions entreprises par le pouvoir, pour renforcer le verouillage de l’information," a déclaré l'organisation. “Les autorités sont clairement inquiètes des risques de contagion du Printemps arabe. De nouvelles régulations sont destinées à intimider les internautes birmans et à les couper du monde extérieur. Des réflexes inacceptables alors que la Birmanie brigue la présidence de l’ASEAN, dont la charte mentionne le respect des libertés fondamentales, la promotion et la protection des droits de l'homme et la promotion de la justice sociale. Nous appelons les membres de l’ASEAN, dont l’Indonésie assume cette année la présidence, à faire pression sur la Birmanie pour qu’elle se mette en conformité avec les principes de l’organisation régionale", a ajouté l'organisation. Reporters sans frontières a appris, le 12 mai 2011, la suspension par le Burma's Press Scrutiny and Registration Division (PSRD, organe de censure) de l'hebdomadaire True News, pour une durée de quinze jours. Le journal, basé a Rangoon est accusé d'avoir publié de fausses informations sur l'opérateur de téléphonie mobile du ministère des postes et telecommunications (MCPT). Selon The Irrawady, True News est accusé par le MCPT d'avoir faussement déclaré que toute personne en Birmanie qui possède un téléphone mobile GSM de détail coutant 1,5 millions de kyats (US 1.830 $), pourrait désormais payer un supplément de 50.000 kyats (60 $) pour recevoir un second téléphone mobile. L'article du journal citait notamment Zaw Min Oo, un ingénieur en chef des télécommunications du MCPT. Selon un reporter de True News, ayant souhaité garder l'anonymat, d'autres articles, ayant gêné les autorités seraient à l'origine de la suspension. Par ailleurs, les cybercafés, déjà régis par des directives draconiennes émanant du ministère des Postes et Télécommunications, et qui prévoient notamment la conservation des données personnelles des clients, de leur historique de navigation et leur mise à disposition des autorités, etc, doivent désormais faire face à davantage de restrictions. L’utilisation de disques durs externes, clés USBs et CDs dans les cybercafés est désormais interdite, tout comme l’utilisation des services de téléphonie sur Internet (VoIP) pour appeler l’étranger. Selon le ministère, ces services occasionneraient des pertes de revenus pour l’Etat. Dans les faits, une telle mesure vise à isoler davantage les dissidents et à gêner les internautes dans leurs échanges. Elle frappe notamment de plein fouet les utilisateurs de services comme Skype, Gtalk, Pfingo et VZO et s’explique par la difficulté pour les autorités de surveiller ces communications. L'organisation s'est procurée un exemplaire de ces directives, diffusée par le ministère par email en mai 2011, et dont les modalités d’application demeurent floues. Traduction: Règles pour les propriétaires de centres d'accès public (CAP, cybercafé) 1) Les renseignements personnels des utilisateurs des CAP tels que le nom, numéro de carte nationale d'identité, numéro de passeport (si l'utilisateur est étranger), adresse de contact, numéro de téléphone etc., doivent être enregistrés. 2) Les archives de service de tous les utilisateurs des CAP (date, heure, capture d'écran, URL) doivent être soumises une fois par mois à la Direction de la Communication. 3) L'utilisation d'Internet pour les appels internationaux est interdite car elle est illégale et non autorisée par le ministère de la Communication. 4) Les CAP ne sont pas autorisés à utiliser des logiciels, des programmes et des technologies interdites par le Ministère des Postes et Télécommunications, par la Direction de la Communication et le ministère de la Communication. Les CAP doivent aussi s'assurer que de tels logiciels, programmes et technologies ne soient pas utilisés par leurs clients. 5) Les utilisateurs des CAP doivent être informés au moyen d'un avis écrit que la cybercriminalité (piratage, distribution du virus, balayage de ports, etc) et la visualisation, la copie et la distribution de médias qui ne sont pas en conformité avec la culture de la Birmanie, sont interdites. 6) Les ordinateurs des CAP ne sont pas autorisés à disposer d'un un lecteur de disquette, d'un lecteur de CD, d'un port USB ni d'autres disques externes. 7) Les titulaires de licence de CAP sont tenus d'autoriser des inspections par les fournisseurs de services de CAP, par les fonctionnaires du ministère et de la direction, et par les autorités locales. 8) La location ou le transfert de licence de CAP est interdite. Les propriétaires peuvent demander la permission de la direction s'ils veulent changer l'emplacement du CAP ou les technologies utilisées. 9) Les propriétaires peuvent soumettre une demande de renouvellement de licence de CAP trente jours avant la date d'expiration. Les frais de renouvellement et les frais annuels doivent être prépayés. Les propriétaires qui n'ont pas payé dans le temps seront condamnés à une amende de 30.000 kyats par mois de retard. La licence sera révoquée si le paiement requis n'est pas effectué dans les quatre vingt dix jours. 10) En cas de perte ou de dommage du document original (de la licence), une copie de celui-ci peut être délivré contre paiement. 11) La loi de développement des ordinateurs doit être respectée et les restrictions stipulées par l'arrêté-WAN n° 3 / 2002 du ministère des Postes et Télécommunications, doivent être respectées. Les arrêtés et les directives émis par les ministères du gouvernement, le ministère de la Communication et la Direction de la communication, doivent être respectées. Les personnes en infraction ne verront pas seulement leur licence de CAP révoquée, mais seront aussi punis selon les lois en vigueur. 12) Les informations qui pourraient nuire à la sécurité et à l'intérêt de l'État ne doivent pas être divulguées. Les auteurs de fuites de telles informations seront punis en vertu de la Loi sur le secret d'Etat (State Secret Act). Fin 2010, les autorités se sont données les moyens de couper l’accès de la population à Internet, lors de toute crise politique et sociale, sans être affectées. Grâce à la réorganisation des fournisseurs d’accès, le nouvel Internet birman, décrit comme un progrès par le gouvernement, ne sert en réalité qu’à renforcer la surveillance et la répression, tout en réservant une connexion plus rapide et de meilleure qualité aux membres du régime. Reporters sans frontières et la Burma Media Association ont rendu public, en novembre 2010, un rapport exclusif sur le sujet, intitulé "Le portail Web national : développement ou répression ?". La législation birmane sur Internet est déjà l’une des plus répressives au monde. L’Electronic Act, adopté en 1996, concerne Internet, la télévision et la radio. Cette loi interdit notamment l’importation, la possession et l’utilisation d’un modem sans permission officielle, sous peine d’être condamné à quinze ans de prison et/ou à une forte amende pour "atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’unité nationale, à la culture, à l’économie nationale, à la loi et à l’ordre". Trois net-citoyens, Zarganar, Nay Phone Latt, et Kaung Myat Hlaing ("Nat Soe"), croupissent à ce jour en prison pour s’être exprimés librement en ligne. La Birmanie fait partie des “Ennemis d’Internet” désignés par Reporters sans frontières. Selon Amnesty International, la Birmanie compterait plus de deux mille deux cents prisonniers politiques. La Democratic Voice of Burma compte dix-sept de ses journalistes emprisonnés dans les geôles birmanes. Soutenue par Reporters sans frontières, l'organisation a récemment lancé une campagne pour appeler la libération de ces Vidéo journalistes (VJ).
Publié le
Updated on 20.01.2016