Recrudescence des violences contre les journalistes indépendants au Kurdistan irakien

Depuis la tenue des élections régionales au Kurdistan irakien le 25 juillet 2009, Reporters sans frontières constate une recrudescence des atteintes à la liberté de la presse et des violences contre les journalistes indépendants, et ce de la part des deux formations politiques qui contrôlent la région. Le 19 janvier 2010, le journaliste freelance Sabah Ali Qaraman a été victime d’une tentative d’assassinat. « Je rentrais à la maison vers 17 heures en voiture avec un ami, quand j’ai vu une jeep grise nous suivre, avec à son bord quatre hommes armés et cagoulés. J’ai pu reconnaître le chauffeur, un ancien du PUK (Union patriotique du Kurdistan, menée par l’actuel président irakien, Jalal Talabani). Quand ils sont descendus de la voiture, j’ai compris qu’ils voulaient me kidnapper. Nous avons réussi à leur échapper et à prendre la fuite », a déclaré le journaliste à Reporters sans frontières. Sabah Ali Qaraman, 28 ans, vit dans le district de Kifri, à 200 km au sud-est de Suleymanieh. Il est connu pour ses articles critiques à l’égard du PUK, Union patriotique du Kurdistan, menée par l’actuel président irakien, Jalal Talabani, et du KDP, Parti démocratique kurde, dirigé par Massoud Barzani. «Je sais qu’ils veulent me tuer parce que je suis très critique, dans mes articles, sur les agissements du PUK, notamment en matière de corruption. Ils veulent me réduire au silence. Mais jusqu’à mon dernier souffle, je ne changerai en rien ni ma manière de travailler, ni ma liberté de ton et de critique. Le système politique, corrompu tel qu’il existe au Kurdistan, doit changer », a-t-il ajouté. Suite à la tentative d’enlèvement, Sabah Ali Qaraman a porté plainte contre cet ancien du PUK, Umer Nuri Darwesh. La police a officiellement commencé son enquête, mais l’homme est toujours en liberté. Le journaliste Ihsan Mullah Fuad, collaborateur du journal kurde indépendant Awene (Miroir) a quant à lui été arrêté par la police à Kifri, alors même qu’il réalisait une enquête pour son journal. « Alors que je préparais un article pour mon journal, j’ai téléphoné à la compagnie d’électricité du district, afin d’obtenir un complément d’informations. Le directeur a refusé de répondre à mes questions. Je lui ai renvoyé un message lui disant que j’étais journaliste et que j’avais des questions à lui poser dans le cadre d’une enquête. Mais le directeur de la compagnie a porté plainte contre moi et la police est venue m’arrêter », a déclaré Ihsan Mullah Fuad à Reporters sans frontières. « Ils m’ont traité comme un terroriste, alors même que la loi sur la presse du Kurdistan stipule qu’on ne peut pas arrêter les journalistes. Au tribunal, un agent de la police a déclaré qu’il trouvait regrettable mes articles sur les violations des droits de l’homme par les forces de police. » Anwar Bazgr, membre du Syndicat des journalistes, confirme qu’arrêter et menotter un journaliste est contraire au code de la presse en vigueur au Kurdistan. Ihsan Mullah Fuad a été relâché après l’abandon des poursuites par le directeur de la compagnie d’électricité. Le 17 janvier, Qadr Nadr, journaliste freelance et éditorialiste pour de nombreux sites d’informations et journaux au Kurdistan, a été violemment pris à partie et menacé par des partisans de la section du PUK en Suède, alors qu’il participait à un séminaire à Stockholm. Qadr Nadr a déclaré à Reporters sans frontières avoir porté plainte contre ces cadres du parti. Reporters sans frontières rappelle également le cas de l’agression, le 29 octobre 2009 à Erbil, de Nabaz Goran, directeur de publication du journal bimensuel indépendant en langue kurde Jihan (Monde).
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Updated on 20.01.2016