Raid criminel pour empêcher la première télévision indépendante de la région autonome du Kurdistan de couvrir les événements de Suleimanieh

Dimanche 20 février, à 2h30 du matin (heure locale), à Suleimanieh. 50 hommes armés et masqués parviennent à entrer dans le compound du « German Village ». Direction : les locaux de la chaîne de télévision satellitaire Naliya Radio and Television (NRT). Ils ouvrent le feu sur les gardes, blessant l’un d’eux. Une fois à l’intérieur, ils détruisent l’ensemble du matériel de diffusion avant de mettre le feu au bâtiment. La chaîne n’aura existé que 72 heures et diffusé pendant 17 heures seulement. Lancée le 17 février dernier par la société Naliya, NRT était la première chaîne de télévision indépendante dans la région du Kurdistan irakien. Elle s’était illustrée par sa couverture en direct des manifestations sanglantes de Suleimanieh. Elle avait, entre autres, montré les images de la police tirant sur la foule. Dès le jour même, les responsables de la chaîne avaient reçu des menaces. « Cette attaque criminelle est odieuse et inacceptable. Elle est le fait des ennemis de la liberté d'expression et d’un Kurdistan irakien démocratique. Cette région a besoin de médias pleinement indépendants, qui osent montrer une réalité que les forces politiques, qui dominent la région depuis des décennies, veulent masquer. Nous demandons aux autorités compétentes d’ouvrir une enquête sur ce crime, d’identifier les commanditaires et de les traduire en justice. Les autorités doivent assumer leurs responsabilités et garantir la sécurité des journalistes », a déclaré Reporters sans frontières. Le directeur général de NRT, Twana Osman, a déclaré à Reporters sans frontières : « Nous avions déjà reçu des messages de menace, des coups de téléphone d’intimidation, afin que l’on arrête de couvrir les incidents entourant le mouvement de protestation à Suleimanieh. Nous en avions parlé au Premier ministre, Barham Salih, et à d’autres personnes haut placées. On nous avait assuré que rien ne nous arriverait. Or, tout a été détruit. Tout le matériel technique a brûlé et le bâtiment est hors d’usage. On estime le dommage à 9 millions de dollars américains ». Il ajoute : « Nous n’avons diffusé que 17 heures de programmes. Notre couverture a été neutre. Des milliers de téléspectateurs nous ont regardés, au Kurdistan et dans la diaspora. Les partis qui contrôlent la scène politique de la région n’ont pas supporté notre nouvelle manière de traiter l’information. » Twana Osman pointe clairement du doigt l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) et le gouvernement de la région (KRG) comme responsables. « Le KRG et l’UPK, en tant que parti dominant à Suleimanieh, sont responsables de ce crime, et ce jusqu’à ce que les commanditaires aient été arrêtés. Cette attaque ne vise pas seulement la chaîne NRT, mais l’ensemble de la société civile du Kurdistan. Elle constitue une tentative de cacher la vérité aux citoyens, en le maintenant dans l’ignorance, et de museler les médias indépendants », a-t-il déclaré dans une interview. L’attaque sur la chaîne de télévision satellitaire NRT est le dernier incident en date. Mais il est loin d’être isolé. Reporters sans frontières a recensé un grand nombre d’agressions de professionnels de l’information depuis le début des manifestations que connaît le KRG, le 17 février dernier. * 21 février:
- Ageed Saleem, reporter pour NRT à Duhok, déclare avoir été menacé de mort par une personnalité du Parti démocratique du Kurdistan.


* 20 février :
- Bryar Namiq, reporter pour KNN, a été grièvement blessé par les forces de police et les Asayesh.
- Balen Othman, reporter pour KURDIU, a été agressé et sa caméra détruite.
- Goran Othman, journaliste pour le site d’informations Islamic group, a été agressé.
- Shaswar Mama, reporter pour NRT à Raniya, a été pris à partie par les forces de sécurité.
- Mukhlis Ahmed, reporter pour KURDIU, a été agressé à Raniya.
- Le journal Hawlati a reçu des menaces par téléphone exhortant les journalistes présents dans les bureaux d’Erbil d’évacuer les lieux. Ces menaces font suite à la couverture par le journal des événements de la veille à Suleimanieh.


* 19 février :
De nombreux journalistes ont été empêchés par la police de couvrir les manifestations dans l’enceinte de l’université de Suleimanieh.
- Ara Ibrahim, reporter pour le journal Hawlati, a été pris à partie par la police et frappé à coups de bâton.
- Une équipe de la chaîne KNN a été attaquée par la police.
- Aras Muhammad, rédacteur en chef pour Arasta magazine et Sound Radio, a été blessé par les Asayesh.
- Hardi Salami, reporter pour la chaîne satellitaire Gali Kurdistani, a été blessé à la jambe.
- Wrya Ahmed, reporter pour Payam, a été agressé par des policiers et blessé aux mains et aux jambes.

En parallèle, le comité de sécurité de Suleimanieh a demandé l’arrestation de l’universitaire et intellectuel Dr Faruq Rafeeq. Il avait participé le jour même à une manifestation à Suleimanieh, au cours de laquelle il avait déclaré : « Massoud Barzani, président du Parti démocratique du Kurdistan, devrait s’excuser pour les incidents et morts causés par les supporters de son parti. Les auteurs des tirs mortels et leurs commanditaires devraient être arrêtés et traduits en justice. Et enfin, les Peshmergas devraient quitter la ville. »

* 18 février :
- Lutfi Doski, reporter de KNN à Duhok, a été empêché de filmer les locaux du parti Gorran dans la ville de Duhok.
- L’équipe de la NRT a été empêchée de filmer les manifestations.
- L’équipe du journal Chatr a été contrainte d’effacer les photos des manifestations qu’ils avaient prises.
- L’équipe du journal Hawlati s’est vue interdire de filmer les incidents à Suleimanieh.


* 17 février :
- La radio Gorran a été empêchée de diffuser.
- La police a empêché les journalistes de la chaîne KNN de filmer les incidents.
- Shwan Muhammad, rédacteur en chef du journal Awene, a été insulté par des Peshmergas.
- Rahman Gharib, responsable du centre METRO pour la défense de la liberté de la presse et journaliste à Sumariya News, a été agressé.
- Namo Namiq, directeur des programmes de KNN, a été interpellé pendant quelques heures.
- Bilal Muhammad, reporter pour la radio Nawa, a été agressé, empêché de couvrir les incidents.
- Saman Majed et Bwar Jalal, reporters pour la chaîne satellitaire de l'UPKGali Kurdistan, ont été attaqués.
- Sherko Salayi, reporter pour CNN en arabe, a été agressé.
- Hemin Abdul Latif, reporter pour le site d’informations Destur, a été gravement blessé alors qu’il prenait des photos d’une attaque de manifestants contre le siège local du KDP.
- Les locaux de la chaîne de télévision de KNN à Erbil, et sa station de radio, ont été incendiés.
- Ari Muhammad, photographe de l’agence Metrography a également été blessé.
Publié le
Updated on 20.01.2016