Révélations sur la Commission de l'information et des médias : Reporters sans frontières demande la démission de son président
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Reporters sans frontières appelle Tafataona Mahoso, le président de la Commission de l'information et des médias (MIC), organisme de régulation de la presse au Zimbabwe, à démissionner, après les révélations faites par un membre démissionnaire de son comité directeur sur le caractère purement politique des décisions du premier responsable de cette commission. Dans une déclaration écrite transmise à la Haute Cour, le journaliste Jonathan Maphenduka raconte notamment comment la MIC, après avoir accepté d'accorder une licence de publication au propriétaire du quotidien disparu Daily News, a finalement cédé aux pressions de la Central Intelligence Organisation (CIO), les services de renseignements, pour revenir sur sa décision.
« Déjà notoirement fidèle au gouvernement, la MIC a désormais fait la preuve de sa totale dépendance vis-à-vis du pouvoir, a déclaré Reporters sans frontières. Ses membres, qui peut-être se faisaient encore des illusions sur l'indépendance de cet organisme, devraient prendre acte publiquement de cet état de fait et s'en désolidariser. Quant à son président, Tafataona Mahoso, il est désormais démasqué. Il doit partir. »
Jonathan Maphenduka, représentant des journalistes dans le bureau de la MIC jusqu'à sa démission, le 18 août 2005, a déposé un affidavit (déclaration écrite), le 22 novembre, auprès du cabinet d'avocats Gill, Godlonton and Gerrans. Cette déclaration a été déposée auprès de Rita Makarau, juge de la Haute Cour de Harare, chargée de se prononcer sur la plainte déposée en juillet 2005 contre la MIC par l'Associated Newspapers of Zimbabwe (ANZ), société éditrice du Daily News et du Daily News on Sunday, après le rejet de sa demande de licence.
L'ancien journaliste du quotidien progouvernemental Chronicle décrit comment la demande de licence déposée par l'ANZ a tout d'abord été acceptée par le bureau de la commission, lors d'une réunion, le 16 juin 2005. Le président de la MIC, Tafataona Mahoso, aurait alors décidé de reporter l'annonce de la décision « pour consulter des autorités supérieures », raconte Jonathan Maphenduka. Tafataona Mahoso aurait expliqué qu'il était notamment nécessaire de « clarifier » l'organigramme « confus » de l'ANZ avant de prendre une décision finale. Jonathan Maphenduka explique qu'en dépit de ses demandes, il n'a jamais reçu les minutes de la réunion du 16 juin.
Deux jours plus tard, lors d'une nouvelle réunion de la MIC, il avait été demandé aux membres du bureau d'approuver ces minutes, alors même que Jonathan Maphenduka, pour sa part, ne les avait jamais reçues. Tafataona Mahoso et la conseillère juridique de la MIC, Daphne Tomana, avaient alors demandé aux membres du bureau de revenir sur leur décision du 16 juin et de refuser sa licence à l'ANZ. « Je suis toutefois convaincu que l'approche et la décision finale qui en a résulté sont purement politiques », ajoute Maphenduka dans son affidavit.
Le journaliste a démissionné de son poste à la MIC un mois plus tard, pour protester contre la manière « mal conseillée et contre-productive » dont ses décisions étaient prises. Dans une déclaration concurrente, le président de la commission a nié avoir reçu sa démission et affirme que la raison pour laquelle il avait « apporté le scandale » au sein de la MIC était qu'il avait « des intérêts » dans l'ANZ.
Cette controverse a soulevé une vive polémique au Zimbabwe, car la MIC, qui se targuait de son indépendance vis-à-vis du pouvoir, s'est révélée en réalité de plus en plus dépendante du gouvernement. Il est ainsi apparu que les salaires des membres de son bureau étaient payés par le Département des entreprises d'Etat et de l'indigénisation, une branche du bureau du Président.
L'interminable bras de fer judiciaire entre le quotidien indépendant Daily News et le gouvernement du Zimbabwe avait connu un premier dénouement le 14 mars 2005, après que la Cour suprême avait « annulé » l'interdiction de parution prononcée en septembre 2003 par la MIC. Cette dernière était alors contrainte de statuer une nouvelle fois sur la demande de licence de l'ANZ dans un délai de 60 jours, expirant le 15 mai. Pourtant, la MIC avait attendu les 16 et 17 juin pour examiner officiellement cette demande, ainsi que celle de l'hebdomadaire The Tribune, suspendu pour un an en juin 2004. Après deux jours de débats, le président de la MIC s'était refusé à tout commentaire, affirmant que les journaux concernés connaîtraient l'arrêt de la commission lorsqu'« ils auront pris leur décision », sans préciser à qui il faisait référence. Le 18 juillet, la MIC avait finalement rendu public son refus de délivrer une licence à l'ANZ, une décision immédiatement contestée par la direction de la société éditrice devant la Haute Cour de Harare.
The Daily News et son édition dominicale avaient été interdits en septembre 2003. Une bataille judiciaire s'était alors engagée entre l'ANZ et la MIC qui, de tribunal en tribunal, était remontée jusqu'à la Cour suprême en février 2004, laquelle avait attendu un an avant de statuer. Confrontée à d'énormes difficultés financières et pour ne pas exposer ses journalistes à des arrestations, la direction du Daily News avait décidé de cesser sa parution en attendant l'arrêt de la plus haute juridiction du pays.
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20.01.2016