Le 5 février 2015, le Parlement de la République serbe de Bosnie a adopté une loi sur l’ordre public et la paix. Plusieurs dispositions de cette loi criminalisent les messages qui “perturbent l’ordre social” sur le web.
Cette nouvelle loi étend la définition de l’espace public aux réseaux sociaux.
Les articles 7 et 8 criminalisent ainsi les messages sur les réseaux sociaux qui menaceraient l’ordre public, comporteraient des symboles, des images, des dessins ou des textes indécents et offensants ou un contenu gênant, insultant ou appelant à des comportements grossiers ou insolents. Ainsi, quelqu’un qui posterait des contenus sur les réseaux sociaux à même de “troubler l’ordre public” pourrait faire
l’objet d’une amende de 300 marks bosniaques (environ 150 euros). Ceux qui offenseraient ou menaceraient d’autres personnes font face des amendes allant jusqu’à 800 marks (407 euros), c’est-à-dire presque l’équivalent du salaire moyen en Bosnie-Herzégovine, et à 30 jours de prison.
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Cette loi risque de faire disparaître toute opinion critique envers le gouvernement de la République serbe de Bosnie. Elle ouvre la voie à des restrictions légales en termes de liberté d’expression sur les réseaux sociaux, explique Lucie Morillon, directrice des Programmes de Reporters sans frontières.
Si la loi est interprétée de manière à sanctionner et limiter la liberté de l’information et de l’expression libre en ligne, elle menace la diffusion d’opinions qui ne conviendraient pas au gouvernement.”
Cette nouvelle loi rompt avec Article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme. Si ce dernier tolère certaines restrictions à la liberté d’expression, elles doivent se limiter à “des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire”.
Ces nouveaux amendements font craindre l'apparition d’un climat d’autocensure au sein des utilisateurs des réseaux sociaux. Cette loi instaure par ailleurs un précédent néfaste dans la région.
Ces derniers mois, les actes de répression visant les médias se sont d’ailleurs multipliés. Lundi 29 décembre,
la police a perquisitionné les locaux du portail d’information Klix.ba à Sarajevo. Elle recherchait la provenance d’un enregistrement dans lequel la Première ministre de la République serbe de Bosnie, Željka Cvijanović,
reconnaissait avoir acheté des voix pendant les élections.
La Bosnie-Herzégovine figure à la 66ème place sur 180 dans
l'édition 2015 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.