Réforme du code de la presse : Reporters sans frontières salue des avancées mais s'inquiète des insuffisances des amendements proposés
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Reporters sans frontières a salué les avancées contenues dans les amendements au code de la presse mais appelle à de nouvelles modifications protégeant les journalistes bahreïnis.
Reporters sans frontières a adressé, le 26 juin 2008, un courrier à Jehad bin Hassan Bukamal, ministre bahreïni de l'Information, dans lequel l'organisation a salué les avancées contenues dans les amendements au code de la presse mais s'est inquiétée de certaines insuffisances. Des amendements au décret-loi n°47 de 2002 ont été présentés en mai dernier par le gouvernement au Parlement, qui devrait les étudier lors de sa prochaine session, à partir du mois d'octobre. Malgré de vraies améliorations, les journalistes bahreïnis continuent de risquer la prison pour leurs écrits et les décisions administratives permettant de fermer des sites Internet sont toujours d'actualité.
“Si les amendements qui ont été apportés au décret-loi n°47 de 2002 sur la presse reçoivent globalement notre approbation, quelques interrogations persistent. Les réformes envisagées en matière de droit de la presse vont dans le bon sens. Elles amendent la législation en vigueur en supprimant presque partout les peines de prison qui figuraient dans ce texte, ainsi que certaines infractions. Par ailleurs, elles font intervenir dans plusieurs articles un juge à la place des seules autorités administratives pour veiller au bon fonctionnement des entreprises de presse. Ces initiatives sont favorables à l'épanouissement et au renforcement d'une presse indépendante dans le royaume”, a écrit Reporters sans frontières.
“Plusieurs articles de la loi sont modifiés dans un sens favorable à la liberté de la presse. Les peines de prison sont supprimées en cas de distribution d'une publication sans licence, avant qu'elle ne soit octroyée ou après qu'elle a été supprimée ou annulée (articles 16 et 86). Nous saluons la suppression de l'article 21 qui prévoyait la saisie de publications étrangères. Et si la distribution de ces publications reste soumise à une autorisation, le refus peut désormais donner lieu à un recours (article 17). De même, en vertu de l'article 4 alinéa 5, le refus d'accorder une licence à un imprimeur doit être motivé. Il est par ailleurs susceptible de recours alors qu'un tel refus n'est soumis à aucun contrôle dans la loi actuellement en vigueur. De plus, en ouvrant les activités d'imprimerie, d'édition, de presse, etc. aux résidents non bahreïnis (article 7), en ouvrant aux étrangers, quoique avec des restrictions, la possibilité d'entrer dans le capital d'une société publiant un journal (article 45), ou encore en raccourcissant le délai d'attribution d'une licence (article 51), cette réforme réduit les obstacles à la création de nouvelles publications. Mais en même temps, nous ne pouvons que déplorer le maintien des licences, assorties du dépôt d'une garantie financière, octroyées par le ministère de l'Information après approbation du Conseil des ministres, condition aujourd'hui sine qua non pour la publication d'un journal”, a ajouté l'organisation.
“De même, la protection apportée par l'article 19, qui fait passer sous le contrôle du juge l'interdiction de distribution d'une publication, est aléatoire puisque la saisie administrative continue à précéder la décision de justice. Nous pensons qu'aucune publication ne devrait être saisie ni aucun site Internet fermé avant qu'un juge n'examine la plainte à son encontre. A ce titre, la mise en place d'une chambre spécialisée aurait l'avantage de confier ces dossiers à des magistrats informés du mode de fonctionnement de la presse et conscients de ses enjeux.
Par ailleurs, l'abrogation des articles 68, 69,70, 71 et 72, qui, au premier regard, paraît favorable aux journalistes, risque, sans le dire, d'amener les juges à appliquer le code pénal dans certaines affaires de presse. Ces articles sanctionnaient notamment la critique du chef de l'Etat, l'atteinte aux fondements de la religion officielle du Bahreïn, la publication d'informations portant atteinte à l'unité nationale, à la vie privée, à la dignité des personnes ou encore outrageant un chef d'Etat arabe entretenant des relations avec le royaume. Toutes ces dispositions limitaient considérablement les droits des journalistes. Mais leur suppression ne constituera pas une avancée tant que d'autres textes de loi pourront être utilisés pour condamner les journalistes. Dans l'attente d'une réforme plus globale du code pénal bahreïni, il nous semble plus prudent de réintroduire ces articles dans le code de la presse, en les assortissant non plus de peines de prison mais d'amendes proportionnées aux offenses subies par les victimes et en supprimant toute référence au code pénal”, a déclaré Reporters sans frontières.
“L'article 5 exclut les publications électroniques de la loi sur la presse. Or, il nous apparaît peu nécessaire de mettre en place une loi spécifique sur Internet. Le décret-loi n°47 de 2002, modifié, pourrait être appliqué à l'ensemble des publications de presse quelle que soit leur nature. Enfin, nous tenons à vous rappeler notre attachement à la libéralisation de l'audiovisuel. L'élargissement du champ des libertés, auquel vous œuvrez, ne pourra aboutir sans mettre fin au monopole de l'Etat dans ce secteur”, a conclu l'organisation dans son courrier au ministre de l'Information.
Trois journalistes de l'hebdomadaire Al-Wefaq, organe de presse du principal groupe d'opposition du même nom, ont été convoqués le 28 juin 2008 par les services de sécurité de l'Etat. Ils n'ont été libérés que le lendemain. Le rédacteur en chef Sayyed Taher, les journalistes Adel Al-Ali et Mohammd Naaman sont poursuivis pour “incitation à la haine contre le gouvernement”, “outrage contre le régime” et “publication d'informations suscitant le confessionnalisme”. Selon le député d'Al-Wefaq, Khalil Al-Marzooq, le parquet n'aurait présenté aucune preuve, ni même aucun article aux trois hommes avant de les inculper. Les journalistes auraient été interrogés sur leur lien avec le site Internet Awaal.net, fermé, le 24 juin 2008, sur ordre du ministère de l'Information. Deux autres sites, Shams Albahrain et Mamlakat Albahrain Forums ont été fermés à la même date en raison de leur “caractère sectaire”. Le ministère de l'Information s'est appuyé sur l'article 19 du décret-loi n°47 de 2002, l'autorisant à interdire toute publication portant “atteinte au régime, à la religion officielle de l'Etat, aux bonnes mœurs, ou aux différentes confessions de façon à troubler la paix publique”. Actuellement, au moins 24 sites Internet sont bloqués au Bahreïn par décision administrative.
Par ailleurs, le gouvernement de Manama a affiché son désir de mettre en place une commission chargée de surveiller les sermons délivrés dans les mosquées du royaume ainsi que les articles de presse et les forums de discussion sur Internet pour “signaler toute incitation au confessionnalisme”. Du côté de la blogospère, un code d'éthique a été proposé par le blogueur Mahmood Al-Yousif pour “faire appel au sens de l'honneur des internautes” et remédier ainsi aux fermetures intempestives de sites. “La fermeture des plates-formes de discussion sur Internet ou de n'importe quel site, quel que soit son contenu, ne sert que de tremplin vers la célébrité. Ce n'est qu'à travers un débat de société que nous réussirons à faire réellement évoluer les mentalités“, a-t-il déclaré.
Une délégation de Reporters sans frontières s'est rendue à Manama du 9 au 13 février 2008 pour rencontrer des représentants du gouvernement, des membres de l'opposition, des journalistes et des acteurs de la société civile. Lire le rapport d'enquête de la mission.
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20.01.2016