Récit des violations de la liberté de la presse en marge des manifestations de protestation au Bélarus
Organisation :
Au vu de la situation de crise au Bélarus, Reporters sans frontières a ouvert un fil d’actualité sur les violations de la liberté de la presse liées à la couverture des mouvements de protestation pacifique.
21.07.2011 - La répression continue de façon plus ciblée
Des journalistes ont à nouveau été interpellés en marge des « protestations silencieuses » qui se sont tenues dans plusieurs villes du Bélarus le 20 juillet 2011, pour le neuvième mercredi consécutif.
Cependant, les protestations des journalistes contre les abus policiers semblent avoir, dans une certaine mesure, porté leurs fruits. Après avoir reçu les plaintes de trente reporters de l’Association bélarusse des journalistes (BAJ) la semaine dernière (voir ci-dessous), le Procureur général Ryhor Vasilevich avait publiquement averti les forces de l’ordre que les violations des droits des journalistes seraient sanctionnées. En conséquence, à Minsk du moins, la police s’est comportée de manière moins agressive, et a laissé une partie des journalistes présents faire leur travail, tout en leur recommandant de rester éloignés.
Reporters sans frontières prend acte de cette relative modération, qui tranche avec la violence indiscriminée employée lors des précédents rassemblements. Mais derrière ces apparences, la répression continue. Elle se concentre simplement sur les journalistes dépourvus d’accréditation officielle, notamment les correspondants de médias en exil et de sites d’information en ligne.
Deux journalistes qui couvraient les manifestations ont été arrêtés et traduits en justice. Alyaksandra Klimovich, de la chaîne de télévision indépendante Belsat TV, a été condamnée aujourd’hui à 11 jours de prison à Minsk. Son collègue Mikhas Yanchuk a affirmé à Reporters sans frontières que tous les collaborateurs de la chaîne couvrant les protestations avaient été interpellés, dont plusieurs avaient été frappés ou s’étaient fait casser leur matériel. Un photojournaliste du site d’information ex-press.by, Alyaksandr Zyankou, a été arrêté à Barysau (région de Minsk) et condamné à 5 jours de prison.
Au moins trois autres professionnels des médias ont été brièvement interpellés :
-Alisa Pol, correspondante de Radio Racyja à Brest
-Alena Autushka, journaliste d’ex-press.by à Barysau
-Andrey Lyubenchuk, journaliste indépendant à Brest, a été interpellé après avoir réalisé une interview filmée d’un coordinateur de la campagne « Révolution à travers les réseaux sociaux ». L'enregistrement a été saisi.
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15.07.2011 - Interpellations et blocage partiel d'Internet
Lors de “protestations silencieuses” organisées dans plusieurs villes bélarusses mercredi 13 juillet 2011, les professionnels des médias ont été à nouveau pris à partie par les forces de l’ordre. Le réseau social Vkontakte a quant à lui été partiellement bloqué.
Selon les informations de Reporters sans frontières et de la BAJ (Association bélarusse des journalistes), 11 journalistes ont été brièvement interpellés :
-Marya Myalyokhina, Yezhednevnik
-Aleh Hruzdzilovich, RFE/RL
-Zakhar Shcherbakou, BelaPAN
-Pavel Padabed, BelaPAN
-Pavel Mitskevitch, Komsomolskaya Pravda v Belorussii
-Larissa Chirakova, journaliste indépendante
-Tatsyana Huseva, Info-Kuryer
-Alyaksandr Muzhdabalyau, ximix.info
-Alyaksey Trubkin, Radio Raciya. Il a été condamné à payer une amende de 700 000 roubles (100 euros) le 14 juillet par le tribunal de Navapolatsk, après avoir passé la nuit en prison.
-Ales Sushcheuski,Babruiski Rehiyanalny Partal
-Zmitser Lupach, Prefekt Info
La journaliste Grazhyna Shalkevitch, de Radio Raciya, a été condamnée à payer une amende de 1 050 000 roubles (150 euros) pour sa couverture de la manifestation du 6 juillet à Hrodna.
Par ailleurs, le réseau social russophone Vkontakte, qui héberge entre autres le groupe “Révolution par les réseaux sociaux”, a été rendu inaccessible durant plusieurs heures le 13 juillet par certains fournisseurs d'accès à Internet, comme ByFly.
Le 15 juillet, le procureur général Ryhor Vasilevitch a écrit au ministre de l’Intérieur Anatol Kulyashou, pour lui demander d’empêcher les forces de police d’interférer dans le travail des journalistes. Cette lettre fait suit à une pétition envoyée en début de semaine au procureur général par un groupe de journalistes.
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11.07.2011 - Un autre journaliste condamné
Reporters sans frontières a appris la condamnation, le 11 juillet 2011, de Mikhal Karnevitch, correspondant du service bélarusse de RFE/RL, à une amende de 1 050 000 roubles (environ 150 euros) pour “participation à une manifestation illégale”. Le journaliste avait été interpellé le 3 juillet alors qu’il couvrait une manifestation à Hrodna (voir ci-dessous). Selon une technique désormais bien rodée, deux policiers, affirmant avoir interpellé le journaliste, ont témoigné contre lui devant la cour. M. Karnevitch affirme pourtant que ce ne sont pas eux qui l’ont arrêtés. “L’un des policiers a affirmé que je marchais avec les manifestants en frappant dans mes mains, tandis que l’autre a dit ne pas se souvenir s’il m’avait interpellé ou non, mais que mon visage lui semblait familier. Il était incapable de dire comment j’étais habillé, où je me trouvais exactement, quand et comment il a dressé le procès-verbal d’arrestation”, a raconté le journaliste à Reporters sans frontières.
Mikhal Karnevitch craint désormais que le ministère des Affaires étrangères ne révoque son accréditation, et ajoute qu’il lui sera difficile de couvrir les futures manifestations de l’opposition, de peur d’être cette fois-ci incarcéré.
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08.07.2011 - Neuf journalistes condamnés
Reporters sans frontières a appris la condamnation de neuf journalistes le 7 juillet 2011, suite à leur interpellation en marge des “protestations silencieuses” tenues les 3 et 6 juillet à Minsk et dans plusieurs villes du Bélarus.
“Nous dénonçons ces nouvelles condamnations arbitraires et des procès bâclés souvent fondés sur de faux témoignages des forces de l’ordre”, a déclaré l’organisation.
- Yauhen Shapchyts, Belsat (12 jours de prison)
- Ales Asiptsou, BelaPAN (10 jours de prison)
- Syarhey Kavalyou, caméraman freelance (10 jours de prison)
- Vital Zablotski, photographe pour Talaka (1 050 000 roubles - 145 euros)
- Volha Rudnitskaya, Belsat (350 000 roubles - 50 euros)
- Viktar Maslovitch, Bobruisky Kuryer, Viktar Kachan, Bobruisky Kuryer, Syarhey Latsinski, Babruiski Rehiyanalny Portal et Alyaksandr Sushcheuski, Babruiski Rehiyanalny Portal (175 000 roubles - 25 euros)
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07.07.2011-Le pouvoir bélarusse sombre dans l'hystérie
Reporters sans frontières dénonce avec véhémence l’arrestation d’au moins 25 journalistes en marge des “protestations silencieuses” organisées le 6 juillet 2011 à Minsk et dans plusieurs villes du Bélarus.
“Les arrestations massives et quasi-quotidiennes de journalistes doivent immédiatement cesser. A mesure que l’isolement politique et le marasme économique du pays s’accroissent, le régime du président Loukachenko montre son vrai visage. Mais le pouvoir bélarusse ne trouvera pas le salut en sombrant dans une hystérie répressive qui ne fait qu’exacerber les tensions. Il est urgent qu’il entende les appels à la raison de la communauté internationale”, a déclaré Reporters sans frontières.
La plupart des journalistes interpellés ont été relâchés au bout de quelques heures. Ils travaillent pour des médias aussi divers que Belgazeta, Vecherny Grodno, Intex-Press, Nasha Niva, Bretskaya Gazeta, le service bélarusse de RFE/RL, Tok FM, Radio Racyja, Evroradio, les sites d’information Tut.by, Salidarnasts, Yezhednevnik, Ximik.info, l’agence Interfaks ou la chaîne russe NTV. Les journalistes maintenus en détention sont pour la plupart des journalistes freelance ou travaillant pour des sites d’information, ne possédant pas d’enregistrement officiel au Bélarus.
A la connaissance de Reporters sans frontières, au moins 5 journalistes arrêtés lors des manifestations du 6 juillet sont encore détenus par la police, en attente de leur procès. Il s’agit de :
- Syarhey Kavalyou, caméraman freelance.
- Viktar Maslovitch, Bobruisky Kuryer
- Viktar Kachan, Bobruisky Kuryer
- Syarhey Latsinski, Babruiski Rehiyanalny Portal
- Alyaksandr Sushcheuski, Babruiski Rehiyanalny Portal
Palina Zhuraulyova, journaliste pour Vecherny Grodno, a été blessée lors de son arrestation. Elle a porté plainte après l’incident.
L’organisation est sans nouvelle de Volha Rudnitskaya, correspondante de Belsat TV. Elle pourrait également se trouver en garde à vue.
Ales Asiptsou est toujours en détention depuis le 3 juillet, et la date de son procès reste indéterminée. Le procès de Mikhal Karnevitch, correspondant de RFE/RL devrait se dérouler le 7 juillet en fin d’après-midi.
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06.07.2011 - Au moins cinq journalistes condamnés en marge des manifestations pacifiques
Au moins cinq journalistes ont été condamnés à des peines allant de 3 à 12 jours d’emprisonnement pour avoir couvert les “protestations silencieuses” qui se sont tenues dans de nombreuses villes du Bélarus le 3 juillet 2011.
“Ces peines de prison ne cherchent qu’à entraver la diffusion d’informations sur la mobilisation en cours, et à intimider les journalistes tentés de couvrir de nouvelles manifestations. A l’âge d’Internet, pourtant, cette stratégie est vouée à l’échec, a déclaré Reporters sans frontières. Depuis le début de la "révolution à travers les réseaux sociaux", en juin, les journalistes sont systématiquement pris à partie par les forces de l’ordre. Relâchés auparavant au bout de quelques heures, ces condamnations récentes marquent le durcissement de la répression des professionnels des médias. Nous exhortons le gouvernement bélarusse à laisser les journalistes faire leur travail sans risquer d’être passés à tabac ou jetés en prison”.
Le 4 juillet, quatre journalistes présents pour rapporter la manifestation à Hrodna ont été condamnés à de la prison :
- Alyaksandr Dzyanisau, caméraman pour Belsat (10 jours)
- Yury Gumenyuk, correspondant pour le service bélarusse de Polskie Radio (12 jours)
- Andrey Fralou et Mikalay Dzytchenya, journalistes pour Belsat (3 jours chacun)
Le même jour, à Mahiliou, Hanna Ilyina, journaliste pour le site d’information local www.gorad.by, a été condamnée à 6 jours de prison. Mikhail Karnevitch, correspondant du service bélarusse de RFE/RL et Ales Asiptsou, correspondant de BelaPAN, sont encore en attente de leur jugement mais risquent également plusieurs jours de prison.
A Homyel, les journalistes de Silnye Novosti (www.odsgomel.org) ont fait état de pressions de la police locale pour fermer leur site d’information. Le 2 juillet, une officier de police s’est rendu dans les locaux du média et s’en est pris physiquement et verbalement au fondateur du site, Yauhan Suvorau, l’accusant de relayer des appels à la manifestation.
Reporters sans frontières condamne par ailleurs fermement la décision de la Cour suprême confirmant l’avertissement infligé au journal indépendant Narodnaya Volya, qui ouvre la voie à sa fermeture.
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04.07.2011-Journalistes et net-citoyens victimes de la répression des manifestations pacifiques
Au moins quinze journalistes ont été interpellés en marge des manifestations pacifiques organisées dans tout le pays à l’occasion de la Journée de l’indépendance, le 3 juillet 2011. Au total, 300 à 400 personnes ont été arrêtées. Les forces de l’ordre, le plus souvent en civil, ont fait preuve d’une grande violence pour disperser les participants qui exprimaient leur mécontentement en frappant dans leurs mains et en chantant des chansons. A Minsk, elles ont utilisé des gaz lacrymogènes contre les journalistes qui photographiaient et filmaient les événements. Fidèles à la stratégie adoptée depuis le début de ces rassemblements, les autorités avaient également organisé des concerts dans plusieurs villes pour occuper les places centrales et en interdire l’accès aux manifestants.
“Le régime du président Loukachenko a parfaitement compris l’enjeu de la mobilisation sur Internet et s’est lancé dans une véritable guerre de l’information. Les journalistes couvrant les manifestations sont toujours plus nombreux à être arrêtés, et les autorités s’attaquent maintenant directement aux réseaux sociaux. La communauté internationale ne doit pas cesser de rappeler à Minsk que les professionnels des médias doivent être autorisés à remplir leurs obligations professionnelles, et qu’Internet doit être un espace libre”, a déclaré Reporters sans frontières.
La correspondante du service bélarusse de Radio Free Europe/ Radio Liberty (RFE/RL), Halina Abakunchyk, s’est fait arracher sa caméra par un officier de police, mais a réussi à la récupérer. Parmi les journalistes arrêtés à Minsk, Hrodna, Homyel et Mahiliou figurent des correspondants de Evroradio, BelSat, Belorusy i Rynok, BelaPAN, Nasha Niva, de la radio polonaise TOK FM et du journal local Motsnyia Naviny. Si la majorité d’entre eux ont été relâchés quelques heures après leur arrestation, plusieurs doivent être jugés ce lundi 4 juillet 2011, dont Yury Gumenyuk et le correspondant de RFE/RL Mikhaïl Karnevitch à Hrodna, ainsi que le journaliste de BelaPAN Ales Asiptsou à Mahiliou. Alyaksandr Dzyanisau a d’ores et déjà été condamné à dix jours d’emprisonnement ce même jour à Hrodna, tout comme Ihar Bantsar, qui avait organisé un rassemblement illégal en marge du procès de son collègue, le correspondant de Gazeta Wyborcza Andreï Pachobut. Le cameraman de BelSat Syarhey Kavalyou a été arrêté dans l’enceinte du palais de justice où il couvrait le procès de ses collègues arrêtés la veille. On est pour l’instant sans nouvelle de lui, et il est impossible pour l’heure de dire s’il va être relâché ou jugé.
Les autorités avaient pris soin de limiter en amont le nombre de correspondants étrangers susceptibles de couvrir les manifestations. Ainsi, une équipe de la BBC TV qui devait se rendre à Minsk pour filmer les célébrations du 3 juillet a vu ses visas annulés au dernier moment, alors même que ceux-ci avaient déjà été délivrés et que les journalistes avaient obtenu les accréditations nécessaires. Cette décision a été notifiée à Nick Sturdee et Lucy Ash le jour où ils ont approché l’administration présidentielle pour obtenir l’autorisation de filmer le défilé militaire du 3 juillet. “Pourquoi exactement la décision a été prise de nous empêcher d’entrer dans le pays, je ne peux que l’imaginer. Mais dans la mesure où il n’y avait aucune (...) plainte concernant nos précédents reportages, l’hypothèse logique est qu’on veut limiter la couverture de la situation actuelle au Bélarus”, a expliqué Nick Sturdee à Reporters sans frontières.
La “révolution à travers les réseaux sociaux”, largement relayée sur Twitter et l’équivalent russophone de Facebook, Vkontakte, fait tache d’huile depuis maintenant plusieurs semaines. Les “protestations silencieuses”, sans slogans ni banderoles, qui se sont tenues le 3 juillet dans une trentaine de villes, faisaient suite à celles des 15, 22 et 29 juin. Lors de celle du 22 juin, au moins neuf journalistes avaient été arrêtés. Deux d’entre eux, Aleh Hruzdzilovich (RFE/RL) à Minsk et Syarhey Karpenka (BelSat) à Lida, avaient été passés à tabac. Le 29 juin, au moins treize journalistes avaient été arrêtés, deux passés à tabac, et au moins deux cameramen s’étaient fait casser leur matériel.
Devant la montée de la mobilisation, les autorités sont passées à l’offensive sur Internet. Le groupe “Révolution à travers les réseaux sociaux”, qui comportait 216 000 membres, a été fermé par Vkontakte à la veille des manifestations le 3 juillet, avant de rouvrir aujourd’hui. Entre temps, le groupe avait réouvert à une nouvelle adresse, mais ne comptait plus que 11 000 participants. Hier, le site du service bélarusse de Radio Free Europe/ Radio Liberty a été l’objet d’une attaque par déni de service (DDoS), qui l’a rendu inaccessible pendant plusieurs heures.
Le hashtag #2206v1900, lancé à l’occasion des manifestations du 22 juin, continue de se propager sur la toile. Sur le modèle des invitations à la chinoise à “prendre le thé”, certains internautes auraient été invités par la police à des “conversations préventives” afin de les inciter à renoncer à manifester. Fin juin 2011, un activiste en ligne, Evgenii Kutsko, a été condamné à une amende de 700 000 roubles, soit 140 dollars, pour avoir publié sur Internet une article satirique sur l’homme politique Khudyk Andrew. De nombreux blogueurs et médias en ligne, comme euroradio.by, ont malgré tout couvert les manifestations, et Youtube a été largement utilisé pour diffuser les vidéos des événements.
Censurant d’un côté Internet, le gouvernement l’utilise de l’autre pour intimider les manifestants : ainsi, le ministère de l’Intérieur, qui a créé son compte Twitter (@mvd_by) en avril 2011, suivi du Département de la police de Minsk (@GUVD_Minsk), n’a pas hésité à twitter des messages d’avertissement lors des manifestations : “A tout ceux se rendant au square (...): vous aurez à en répondre”. Le fournisseur d’accès bélarusse BelTelecom a quant à lui redirigé les internautes cherchant à se connecter sur Vkontakte vers des sites contenant des logiciels malveillants. Entre début mai et début juin 2011, au moins sept sites ont été fermés sur demande de la police, qui s’est vu attribuer de nouvelles prérogatives par la loi du 1er mars 2011.
(Photo: RFE/RL)
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20.01.2016