Quinze ans après la mort de Zahra Kazemi, ses tortionnaires bénéficient toujours d’une impunité totale
A l’occasion du 15e anniversaire de la mort de Zahra Kazemi, photographe irano-canadienne décédée des suites de mauvais traitements subis dans la prison d’Evin, Reporters sans frontières (RSF) condamne l’impunité totale dont bénéficient ses tortionnaires. Parmi eux, l’ancien procureur de Téhéran, Saïd Mortazavi, responsable de plusieurs crimes contre des journalistes et journalistes-citoyens, appelé le célèbre 'soldat' du prédateur de la liberté d’information Ali Khamenei.
Il y a 15 ans, la photographe irano-canadienne Zahra Kazemi décédait en prison des suites de ses blessures après avoir été torturée. Elle avait 55 ans. Elle avait été interpellée, le 23 juin 2003, alors qu’elle photographiait des familles de détenus devant la prison d’Evin à Téhéran.
“Le gouvernement iranien est pleinement responsable de la mort de ma mère sous la torture. C’est également très clair et démontrable que le gouvernement iranien a cherché à étouffer l’affaire”, déclarait, le 10 octobre 2014, son fils Stephan Hashemi, à propos du simulacre de justice autour des circonstances du décès de Zahra Kazemi. Dans un procès monté de toutes pièces, le 24 juillet 2004, un des agents du ministère des renseignements avait été inculpé avant d'être innocenté le 16 mai 2005, par la cour d'appel de Téhéran. Les avocats de la famille de Mme Kazemi se sont plaint de ne pas avoir été entendus lors de ces séances, qui se sont déroulées en l'absence de l'accusé. Quant à leurs demandes de convocation de hauts responsables de la justice iranienne, elles n’ont jamais été satisfaites, privant la procédure de témoins clés.
Saïd Mortazavi, l’ex-procureur de Téhéran, est pourtant l’un des responsables de la mort de Zahra Kazemi. Il aurait été arrêté, le 22 avril 2018, pour purger deux ans de prison ferme, accusé de complicité dans la mort de Mohsen Roholamini dans le centre de détention de Kahrizak. Ce fils d’un dignitaire du régime, arrêté le 12 juin 2009, lors des manifestations contre l’élection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad, a été tué en prison avec deux autres détenus, après avoir subi des actes de maltraitance.
RSF rappelle que Zahra Kazemi symbolise les atteintes aux droits fondamentaux perpétrées en Iran depuis 1979 et l’arrivée au pouvoir du clergé. Une femme, journaliste, qui a eu le malheur de vouloir informer l’opinion internationale sur la triste réalité des conditions de détention de la prison d'Evin, symbole de la répression impitoyable exercée par le régime.
15 ans plus tard, la répression se poursuit
Sepideh Moradi, Avisha Jalaledin, Shima Entesari, trois journalistes-citoyennes, collaboratrices du site d’information indépendant Majzooban Nor, ont été condamnées, cette semaine, chacune à cinq ans de prison ferme pour « réunion et complot contre la sécurité nationale » par le 26e chambre du tribunal de la révolution de Téhéran. Leurs collègue Reza Entesari, Kasra Nouri, Mostafa Abdi, Saleholldin Moradi, Sina Entesari, Amir Nouri, Mohammad Sharifi Moghadam, Mohammad Reza Darvishi, Abass Dehghan et Poriya Nouri, ont refusé d’être présentes devant les tribunaux pour protester contre ces procès inéquitables. Arrêtés dans la nuit du 19 au 20 février 2018, elles avaient été brutalement tabassées par les forces de l’ordre et les milices en civil, privées de leurs droits fondamentaux, en dépit de toutes les règles et lois du pays et du droit international.
Outre ces trois collaboratrices de Majzooban Nor, deux autres journalistes Narges Mohammadi et Hengameh Shahidi, et la journaliste-citoyenne Roya Saberi Negad Nobakht sont emprisonnées, ce qui fait de la République islamique de l’Iran, l’une des trois plus grandes prisons du monde pour les femmes journalistes et journalistes-citoyennes avec la Turquie et la Syrie.
Les exemples d’impunité pour les crimes commis contre les journalistes en Iran sont également nombreux. On peut citer les cas d’Ebrahim Zalzadeh, Majid Charif, Mohamad Mokhtari, Mohamad Jafar Pouyandeh et Pirouz Davani, exécutés par des agents du ministère du Renseignement entre septembre et décembre 1998. La journaliste kurde de l’agence de presse Euphrate Ayfer Serçe (2006),du jeune blogueur Omidreza Mirsayafi, (2009), l’ancien journaliste pour Abrar Economie Alireza Eftekhari (2009), de Haleh Sahabi, journaliste et activiste des droits des femmes. Et plus récemment de Hoda Saber, journaliste d’Iran-e-Farda (2011) et de Sattar Beheshti (2012).
L’Iran est 164e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par Reporters sans frontières.