Quatre journalistes libérés, le combat continue pour tous les autres
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Reporters sans frontières accueille avec une grande joie la remise en liberté conditionnelle des journalistes d’investigation Ahmet Sik et Nedim Sener, ainsi que des chroniqueurs d’OdaTV, Muhammet Sait Cakir et Coskun Musluk. Ces libérations ne doivent cependant pas masquer le prolongement de la détention d’une centaine de professionnels des médias.
« Nos pensées vont bien évidemment à ces journalistes et à leurs proches, qui voient enfin se terminer un cauchemar absurde de plus d’un an. Ils ne sont cependant pas encore acquittés, et les autres protagonistes du procès OdaTV restent en détention, tout comme plusieurs dizaines d’autres journalistes dans différentes affaires », a rappelé Reporters sans frontières
« De par leur notoriété, l’arrestation d’Ahmet Sik et Nedim Sener a contribué à rappeler au monde la difficulté d’exercer la profession de journaliste en Turquie. Mais en aucun cas la mobilisation ne doit faiblir suite à leur libération. Le flou et le caractère répressif de la Loi antiterroriste et d’une vingtaine d’articles du Code pénal, le recours systématique à la détention préventive, sont plus que jamais des problèmes actuels. La situation s’est même considérablement aggravée au cours de ces derniers mois. Nous appelons une nouvelle fois la justice et les autorités à prouver leur bonne volonté par des libérations massives et des réformes de fond », a déclaré l’organisation.
Le 12 mars 2012, à l’issue de la onzième audience du procès OdaTV, la 16e chambre de la cour d’Assises d’Istanbul a ordonné la libération conditionnelle des quatre journalistes, emprisonnés depuis le 6 mars 2011. Contre l’avis du procureur, le président du tribunal, Mehmet Ekinci, a fait valoir la longue période déjà passée en détention et la possibilité d’un allègement des charges.
Les journalistes ont été remis en liberté vers 22 heures à la prison de haute sécurité de Silivri (nord d’Istanbul). Ils ont été accueillis à leur sortie par leurs proches, le correspondant de Reporters sans frontières Erol Önderoglu, ainsi que des représentants d’autres organisations et médias turcs.
« Un jour, ceux qui ont fomenté ce complot, les policiers, procureurs et juges qui l’ont mis en oeuvre, seront à leur tour incarcérés dans cette prison, a déclaré Ahmet Sik. (…) Que tout le monde sache que de toutes ces pressions et persécutions, sortira un avenir où nous continuerons de combattre et d’espérer. » « Vous ne pouvez pas emprisonner la réalité, a ajouté Nedim Sener. (…) Mon premier article sera consacré à Hrant Dink, et je vais vous surprendre. »
Prochaine audience le 18 juin
Contrairement à leurs collègues, le propriétaire du site OdaTV, Soner Yalçin, le professeur Yalçin Küçük, le directeur de la publication Baris Pehlivan, le directeur de l’information Baris Terkoglu et le chroniqueur Müyesser Ugur sont maintenus en détention. La prochaine audience du procès se tiendra le 18 juin 2012.
Le coordinateur de l’information Dogan Yurdakul, qui avait été remis en liberté conditionnelle le 22 février dernier pour des raisons de santé, n’a pas assisté à la dernière audience, tout comme les accusés Mümtaz Idil et Iklim Ayfer Kaleli. Les fichiers informatiques saisis sur les ordinateurs du siège d’OdaTV à Istanbul ont été envoyés au Conseil scientifique de recherche TÜBITAK pour analyse. Plusieurs rapports d’expertise indépendante avaient conclu que ces fichiers avaient été introduits sur les ordinateurs par des virus.
Dans sa déposition à l’audience, l’avocat d’Ahmet Sik, Me Fikret Ilkiz, avait à nouveau souligné la faiblesse du dossier d’accusation et dénoncé des pratiques judiciaires contraires aux principes de la CEDH et du Conseil de l’Europe. « Nous avons attendu un an pour connaître vos accusations. Maintenant c’est à notre tour d’accuser. Les éléments invoqués contre mon client sont pratiquement les mêmes à ce jour que lors de son arrestation, le 3 mars 2011. Mon client n’a été interrogé et accusé que sur la base de ses relations, de ses sources d’informations et de sa vie privée, et ce en tant que journaliste. Comment expliquez-vous qu’il puisse déstabiliser le régime par le biais de son livre? Celui-ci a été publié avec le soutien de plusieurs journalistes bien après les élections. A-t-il eu un effet si terrible sur l’AKP ? »
Nouvelles arrestations de journalistes
Non seulement des dizaines de journalistes se trouvent toujours en détention provisoire, mais de nouvelles arrestations continuent de se produire chaque mois, visant notamment la presse pro-kurde. Lors d’une conférence de presse organisée le 12 mars 2012 à Diyarbakir (Sud-Est), l’agence DIHA (Dicle Haber Ajansi) a rappelé que 27 de ses collaborateurs étaient actuellement emprisonnés.
Après la correspondante de DIHA Gülsen Aslan, incarcérée le 21 février 2012 à Batman (Sud-Est), la reporter Özlem Agus a ainsi été placée en détention le 9 mars à la prison Karatas d’Adana (Sud).
De nombreux autres professionnels des médias sont régulièrement interpellés. Zeynep Kuris, correspondante de DIHA à Mersin (Sud), a été interpellée le 14 février puis remise en liberté trois jours plus tard. Le 16 février, Ismet Mikailogullari a été lui aussi libéré après trois jours de garde à vue à Diyarbakir. Ali Bulus, reporter de Mersin interpellé avec Özlem Agus, a également été remis en liberté. Il avait retrouvé la liberté le 26 décembre 2011 après sept ans et demi d’emprisonnement pour « appartenance au PKK ».
Publié le
Updated on
20.01.2016