Paul Kamara, directeur et fondateur du quotidien For di People, a été condamné pour "diffamation séditieuse" envers Ahmad Tejan Kabbah. Reporters sans frontières condamne fermement ce qui ressemble à la "sévère punition d'une voix discordante". L'organisation demande à la MINUSIL, la mission locale des Nations unies, d'intervenir pour faire libérer ce journaliste et pour encourager le gouvernement de la Sierra Leone à dépénaliser les délits de presse.
Reporters sans frontières proteste fermement contre le verdict rendu par la Haute Cour de Sierra Leone, condamnant à quatre ans de prison le fondateur et directeur du quotidien For Di People, Paul Kamara, dans un procès pour « diffamation séditieuse » qui l'opposait au chef de l'Etat.
« Paul Kamara, qui n'a cessé d'être harcelé par la machine judiciaire, doit être libéré immédiatement, a déclaré Reporters sans frontières. Au terme d'un procès riche en arguties juridiques, cette très lourde condamnation ressemble à la sévère punition d'une voix discordante en Sierra Leone plus qu'à une décision juste, supposée maintenir l'ordre public. »
« Le gouvernement d'Ahmad Tejan Kabbah, non content d'avoir ignoré les appels des journalistes sierra-léonais à abroger la loi liberticide qui vaut aujourd'hui à Paul Kamara cette lourde peine, continue d'en faire usage contre la presse critique, a ajouté l'organisation. Puisque la résolution 1562 du Conseil de sécurité de l'ONU assigne, entre autres tâches, à la mission locale des Nations unies, la MINUSIL, de 'surveiller et promouvoir le respect des droits de l'homme', nous appelons celle-ci à encourager le gouvernement de Sierra Leone à dépénaliser les délits de presse, comme l'ont fait d'autres pays d'Afrique. »
Le 5 octobre, selon les informations de Reporters sans frontières, la Haute Cour numéro 2 de Freetown présidée par le juge Bankole Rachid a condamné Paul Kamara à deux peines cumulables de 2 ans de prison. La directrice de l'imprimerie John Love Printers, Brima Sesay, a été condamnée à deux peines de six mois d'emprisonnement cumulables ou une amende de 10 000 leones (environ 5 euros). Lovette Charles, propriétaire de l'imprimerie, et Joseph Charles, gérant, ont été acquittés.
Contrairement à ce qu'affirmaient les premières informations reçues par Reporters sans frontières, le journal n'a pas été suspendu, mais la cour a émis la recommandation que le quotidien For di People soit interdit de parution pour une période de six mois. L'instance régulatrice des médias, l'Independent Media Commission, doit encore se prononcer. Après l'audience, Paul Kamara a été transféré à la prison centrale de Freetown.
L'article incriminé avait été publié dans l'édition du 3 octobre 2003 de For di People et s'intitulait « Speaker of Parliament challenge ! Kabbah is a true convict ! » (« Défi au porte-parole du Parlement ! Kabbah est un vrai inculpé ! »). Celui-ci rapportait qu'en 1968, une commission d'enquête avait reconnu l'actuel président de la République, alors ministre de l'Economie, coupable de fraudes. For di People avait alors qualifié d'anticonstitutionnelle la position du porte-parole du Parlement, selon laquelle le statut du chef de l'Etat l'immunise contre toute condamnation.
Paul Kamara, dont les relations tendues avec les autorités sont anciennes, a été condamné en vertu de la loi sur l'Ordre public de 1965, dont l'Association des journalistes de Sierra Leone (SLAJ) demande en vain l'abrogation. Celle-ci pénalise la diffamation et tient pour responsables de ce « crime » non seulement les journalistes, mais également les imprimeurs et les vendeurs des publications poursuivies.