Quand Mouammar Khadafi fait la loi au Maroc

Reporters sans frontières dénonce la condamnation en première instance, le 29 juin 2009 par le tribunal de Casablanca, de trois quotidiens marocains, Al-Jarida Al-Aoula, Al-Ahdath Al-Maghribia et Al-Massae, à verser, ensemble, la somme de trois millions de dirhams (270 000 euros) de dommages et intérêts pour “atteinte à la dignité d’un chef d’État. Le jugement a été rendu à l’appui de l’article 52 du code de la presse, suite à la publication de tribunes d’opinion critiquant le président libyen Mouammar Kadhafi. « Depuis quand un chef d’État étranger vient-il interférer dans une décision judiciaire d’un État ? Non seulement cette condamnation, qui va au-delà de ce que prévoit le code de la presse marocaine, met en péril la survie de ces trois journaux, mais elle vise à museler toute critique à l’égard de chefs d’État étrangers. Nous espérons qu’un tel jugement sera infirmé en appel », a déclaré l’organisation. En mai 2009, sous la pression des autorités libyennes, une plainte a été déposée par le ministère marocain de la Justice contre Ali Anouzla, directeur du journal Al-Jarida Al-Aoula, Mohamed Brini et Mokhtar Labzioui d’Al-Ahdath Al-Maghribia, ainsi que contre Rachid Nini et Youssef Meskine, du quotidien Al-Massae, pour « outrage » au président libyen. Au cours de l’audience du 15 juin devant le tribunal de Casablanca, Maître Ali Belkadi, avocat marocain chargé de représenter les intérêts de Mouammar Kadhafi, avait demandé aux trois journaux le versement de 90 millions de dirhams (8 millions d’euros) à titre de “dommages et intérêts“. (Lire le communiqué du 16 juin 2009) « C’est une première au Maroc », a confié Mohamed Brini à Reporters sans frontières. « Cette condamnation pose le problème de l’indépendance de la justice marocaine à l’égard de pressions étrangères. Dans le cas présent, le chantage semble avoir eu raison de l’État de droit », a-t-il ajouté en exprimant son intention de faire appel de la décision.
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Updated on 20.01.2016