Quand le Cameroun censure pour le compte du Congo
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Le journaliste camerounais Elie Smith a été empêché par la police camerounaise de participer à une émission de débat portant sur la démocratie en Afrique, et particulièrement sur le Congo. Une mesure de censure supplémentaire qui succède à son expulsion du pays l'année dernière, et dont les autorités camerounaises se rendent complices.
Le 22 octobre vers 20h00, le journaliste camerounais Elie Smith a été empêché de participer à l'émission Le Débat de la chaîne privée camerounaise Equinox TV, basée à Douala. Alors qu'il s'apprêtait à entrer dans les studios, il a été arrêté par le responsable de la Sûreté régionale et emmené au poste de police. Là, le chef de la Sûreté régionale lui a dit avoir reçu des instructions de la Présidence pour l'empêcher de participer au débat prévu ce soir là et qui portait sur les démocraties en Afrique et le rôle de l'opposition.
Selon le journaliste, pendant son arrestation, il a été questionné sur ses activités au Congo et les raisons de son expulsion. Les policiers lui ont également demandé de ne pas parler de la situation au Congo à l’approche du référendum constitutionnel prévu le dimanche 25 octobre.
«Non content d'avoir neutralisé ou expulsé l'essentiel des journalistes indépendants de son pays, le Congo va maintenant au delà de ses frontières empêcher les journalistes de travailler, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières.Cette arrestation représente un acte de censure de la chaîne de télévision Equinox TV et une persécution supplémentaire du journaliste Elie Smith qui a déjà payé un lourd tribut personnel à son engagement journalistique. Il est déplorable que les autorités camerounaises se fassent l'homme de main de leur voisin congolais.»
Elie Smith a été expulsé manu militari du Congo-Brazzaville le 26 septembre 2014, sur décision du ministre de l'Intérieur. Il y travaillait alors depuis plusieurs années et était employé par la télévision MNTV. Cette mesure est intervenue seulement deux semaines après le braquage de sa maison et le viol collectif de sa sœur par des hommes qui, selon les confrères du journaliste, agissaient sur les ordres des autorités congolaises. Selon eux, la liberté de ton du journaliste dans son émission phare, La Grande interview, dérangeait régulièrement le pouvoir en place.
Une journaliste congolaise d'origine malienne, qui avait été la première à dénoncer cette attaque, Sadio Kanté, avait, elle, été expulsée quelques jours plus tôt et forcée de s'exiler au Mali, un pays où elle n'avait jamais vécu.
L'émission de débat a finalement été déplacée sur une autre chaine de télévision, Canal 2 Infos et le journaliste a pu y participer. L'émission a porté essentiellement sur le référendum au Congo Brazzaville. Elle est disponible ici.
En septembre 2015, Elie Smith nous informait que les personnes arrêtées au Congo dans le cas du viol de sa sœur avaient toutes été relâchées sans procès. L'avocat engagé pour contester l'expulsion du journaliste et porter plainte pour les violences endurées par Elie Smith et sa sœur a subi des intimidations qui l'ont contraint d’abandonner le dossier.
Pour rappel, à l'heure où nous écrivons ces lignes, le signal en FM de RFI est toujours coupé au Congo Brazzaville, et ce depuis le début des manifestations le 20 octobre dernier.
La liberté de l'information dans les pays d'Afrique centrale, tels que le Cameroun ou le Congo, est régulièrement menacée. Suspensions à long terme de journaux causant leur asphyxie économique, expulsions de journalistes ou interpellations abusives : les moyens ne manquent pas pour faire taire une presse trop critique.
A titre d'exemple récent, le 15 septembre dernier à Yaoundé, François Fogno Fotso, directeur de publication du journal Génération Libre, a été arrêté par la police et détenu pendant 10 jours pour avoir simplement pris des photos de la police en train d'arrêter des représentants de la société civile. Il doit comparaître le 28 octobre 2015 pour «rébellion simple et non respect aux injonctions de l'autorité.»
Le Congo-Brazzaville et le Cameroun occupent respectivement les 107ème et 133ème places sur 180 pays au Classement 2015 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on
20.01.2016