Il y a tout juste trois ans, le président Hosni Moubarak avait fait la promesse de modifier les lois pour mettre fin à la possibilité de prononcer des peines de prison à l'encontre de journalistes poursuivis dans le cadre de leur profession. Trois ans plus tard, Reporters sans frontières rappelle que les changements attendus n'ont toujours pas eu lieu.
Il y a tout juste trois ans, Galal Aref, nouvellement élu président du Syndicat des journalistes égyptiens, annonçait une grande nouvelle : Hosni Moubarak l'avait contacté par téléphone et s'était officiellement engagé à mettre fin à la possibilité de prononcer des peines de prison à l'encontre des professionnels des médias poursuivis dans le cadre de leur profession. Il promettait ainsi une véritable réforme des lois régissant les délits de presse.
Trois ans ont passé, mais rien n'a changé : les journalistes risquent toujours la prison malgré un semblant de réforme en 2006.
L'article 48 de la Constitution égyptienne garantit la liberté de la presse. Mais celle-ci est limitée par une kyrielle de lois qui, en pratique, font du principe une exception. Outre la possibilité légale de condamner les journalistes à des peines de prison ferme, l'état d'urgence, en vigueur depuis l'arrivée de Hosni Moubarak au pouvoir en 1981, permet le maintien en détention, sans charge, de toute personne soupçonnée de troubler l'ordre public, pour une période de six mois, ou plus dans certains cas.
Le Syndicat des journalistes égyptiens n'a pas attendu les promesses du Président pour se mobiliser en faveur d'une refonte du droit de la presse. Dès décembre 2000, le syndicat avait déposé à l'Assemblée du Peuple (la Chambre basse du Parlement) un projet de loi, resté lettre morte. L'engagement d'Hosni Moubarak, le 23 février 2004, a été vu, dès lors, comme l'occasion de relancer le débat sur la mise en place d'un cadre législatif véritablement respectueux du travail des professionnels des médias.
Et pourtant, malgré les promesses du chef de l'Etat, la situation des journalistes ne s'est pas améliorée. Des peines de prison ont été prononcées à l'encontre de nombreux journalistes pour des délits de presse. Ce fut le cas pour Abdel-Nasser Al-Zouhairi, du quotidien indépendant Al-Masry Al-Youm, condamné en appel à un an de prison ferme pour diffamation le 23 février 2006. Sa peine a finalement été annulée le 3 mars à l'issue de négociations entre le syndicat et le ministère de l'Information.
Au cours des trois dernières années, le Syndicat des journalistes égyptiens a présenté inlassablement son projet de loi : en février 2004, puis à la suite des élections législatives de 2005, et à trois reprises en février, mars et avril 2006. Mais l'Assemblée du Peuple n'a toujours pas examiné ce texte qui préconise, notamment, la suppression des peines de prison pour les délits de presse dans toutes les lois concernées et la fixation d'un plafond pour les amendes, afin que celles-ci ne puissent être utilisées comme moyen de provoquer la faillite de médias ou de journalistes.
En revanche, le 19 juin 2006, un projet de loi a été présenté au Parlement par le gouvernement. Loin de répondre aux attentes des professionnels des médias, ce texte ne tient aucun compte des propositions du syndicat et va même jusqu'à introduire un nouveau délit passible de prison : l'insulte caractérisée par des accusations de corruption. La corruption est un sujet tabou en Egypte et l'introduction d'une telle infraction revient à empêcher toute enquête sérieuse sur ce thème.
La réaction de la presse égyptienne a été immédiate et s'est traduite par une forte mobilisation. Le 9 juillet 2006, de nombreux journalistes et défenseurs des droits de l'homme ont manifesté devant l'Assemblée du Peuple, tandis que 24 journaux et magazines se mettaient en grève et suspendaient leur publication en signe de protestation.
Le délit “d'accusation de corruption” a finalement été retiré du projet de loi. La réforme s'est limitée au final à amender le code pénal, sans toucher aux autres lois. Si la possibilité de condamner à des peines de prison a été supprimée pour certains délits, il ne s'agit en fait que d'infractions tombées en désuétude et jamais utilisées par les tribunaux.
Trente-cinq délits restent passibles de peines de prison ferme, dont l'insulte envers un chef d'Etat étranger ou le président Moubarak, et la diffamation. Dans la nouvelle loi, le plafond de certaines amendes a été doublé. Or dans le cas d'une condamnation à une très forte amende, un journaliste peut être emprisonné pour dettes s'il se retrouve dans l'impossibilité de s'acquitter immédiatement de la somme due.
Aujourd'hui, des journalistes sont poursuivis en justice pour des articles et ils risquent la prison. Ainsi, Ibrahim Issa et Sahar Zaki, respectivement rédacteur en chef et journaliste de l'hebdomadaire Al-Dustour, ont été condamnés en première instance à un an de prison et 10000 livres égyptiennes d'amende (1400 euros) pour “diffamation” envers Hosni Moubarak. Les deux hommes attendent le verdict de la cour d'appel du Caire.
Les journalistes égyptiens travaillant pour des médias étrangers ne sont pas épargnés. Howayda Taha, journaliste de la chaîne satellitaire qatarie Al-Jazira, est actuellement poursuivie pour “atteinte à l'intérêt national et à la réputation du pays”. Elle avait mené des recherches pour un documentaire sur la torture dans les geôles égyptiennes. Son procès est en cours. Le verdict sera rendu en l'absence de la journaliste, retournée au Qatar dès sa libération sous caution le 14 janvier 2007.