Le tribunal de grande instance de Bangui rendra, le 9 août 2004, sa décision sur la plainte en "diffamation" et "injures publiques" déposée contre Maka Gbossokotto, directeur de publication du quotidien indépendant Le Citoyen et correspondant de Reporters sans frontières. L'organisation dénonce un procès partial, sous influence gouvernementale, et demande l'acquittement du journaliste.
Le tribunal de grande instance de Bangui rendra, le 9 août 2004, sa décision sur la plainte en "diffamation" et "injures publiques" déposée contre Maka Gbossokotto, directeur de publication du quotidien indépendant Le Citoyen et correspondant de Reporters sans frontières.
"Il est temps que les juges mettent un terme à cette situation intolérable. Maka Gbossokotto, incarcéré depuis le 8 juillet pour une simple affaire en diffamation, s'est vu refuser, à la surprise générale, sa demande de mise en liberté provisoire au terme de la première audience, le 16 juillet dernier. Ceci constitue une atteinte scandaleuse à la liberté de l'information ", a déclaré Reporters sans frontières.
"Le réquisitoire du procureur, qui réclame une peine de un an de prison, vient nous rappeler que les autorités centrafricaines n'ont pas respecté leurs engagements pris lors de leur arrivée au pouvoir au printemps 2003, de dépénaliser les délits de presse. De plus, il semble évident que le gouvernement exerce son influence sur les juges et que cette affaire privée revêt depuis le début un caractère politique. Dans un contexte où la justice ne peut être rendue dans de bonnes conditions, nous demandons l'acquittement pur et simple du directeur du Citoyen", a ajouté l'organisation.
Maka Gbossokotto a comparu, le 16 juillet, devant le tribunal de grande instance de Bangui. A l'issue de l'audience, le tribunal présidé par Trinité M'Bango-Sangafio a mis son jugement en délibéré au 9 août, rejetant la demande de mise en liberté provisoire déposée par le prévenu.
Le procureur a requis douze mois de prison ferme, assortis d'une amende. Les avocats de M. Gbossokotto, parmi lesquels Me NicolasTiangaye, président du Conseil national de transition (CNT, Parlement centrafricain de transition), ont, quant à eux, réclamé la relaxe de leur client, invoquant notamment la nullité de la procédure.
Le correspondant de Reporters sans frontières est poursuivi par l'ancien directeur général de la Société d'énergie centrafricaine (ENERCA), Jean-Serge Wafio, démis de ses fonctions par le président de la république, pour mauvaise gestion et accusé de détournement de fonds dans différents articles du Citoyen.
Dans cette affaire, le pouvoir centrafricain n'hésite pas à user de son autorité pour influer sur la décison du tribunal de Bangui. Alors que le président François Bozizé ne s'estime "en rien concerné par cette affaire qui oppose deux citoyens", la ministre de la Justice, Hyacinthe Wodobodé, l'a récemment contredit en déclarant publiquement, lors d'un repas organisé à l'ambassade de Chine, que le gouvernement allait demander la condamnation de Maka Gbossokotto à trois mois de prison, avant de le gracier lors de l'anniversaire de l'indépendance de la Centrafrique, le 13 août.
L'incarcération de Maka Gbossokotto a soulevé de nombreuses protestations émanant de la société civile centrafricaine. L'incarcération de ce journaliste est devenu le symbole du durcissement du régime de François Bozizé, qui s'attaque à toutes les voix discordantes, qu'elles soient membres de l'opposition ou journalistes.
Dès le lendemain de son arrestation, les médias privés du pays ont décidé de suspendre pendant une semaine la parution de leurs journaux en signe de protestation. Un sit-in, organisé par le groupement des éditeurs de la presse privée indépendante en Centrafrique (GEPPIC), était également pévu pour le 4 août, mais il a été interdit au dernier moment par le ministre de l'Intérieur, Marcel Malonga, qui avait déployé les forces de l'ordre sur les lieux. Pour autant, une nouvelle manifestation est annoncée pour le 8 août.
Dans le milieu politique, de nombreuses réactions se sont fait entendre. Le Parti Libéral démocrate (PLD), membre de l'opposition, a interpellé "le gouvernement quant aux atteintes répétées à la liberté de la presse qui ont eu pour corollaire l'embastillement de Maka Gbossokotto". Le Parlement centrafricain de transition (CNT), inquiet de la dégradation de la situation politique dans le pays, a lancé "un appel pressant à la communauté nationale et internationale afin qu'elle se mobilise pour faire échec aux vélléités du retour à un ordre politique révolu et rétrograde".