Le 11 février 2008, la troisième audience du procès des assassins de Hrant Dink s'est ouverte à Istanbul. "Nous regrettons que les conditions ne soient pas réunies pour la manifestation de la vérité. Certains accusés se sentent en droit de ne pas répondre aux questions des parties civiles, d'autres sont absents sans explication".
Le 11 février 2008, la troisième audience du procès des assassins de Hrant Dink s'est ouverte au tribunal de Besikta, à Istanbul. Dans la continuité des précédents débats, les avocats de la famille Dink ont interrogé les suspects afin de déterminer la responsabilité éventuelle de membres des forces de l'ordre dans l'assassinat du journaliste turco-arménien. Ils ont été confrontés au refus de l'un des principaux responsables de l'attentat, Erhan Tuncel, de répondre à leurs questions ainsi qu'à l'absence de Coskun Igci, 19e accusé de ce procès et témoin majeur.
“Reporters sans frontières réitère son soutien à tous ceux qui exigent de la justice qu'elle accomplisse son travail. Nous regrettons que les conditions ne soient pas réunies pour la manifestation de la vérité. Certains accusés se sentent en droit de ne pas répondre aux questions des parties civiles, d'autres sont absents sans explication. Dans ces circonstances, nous doutons que les juges parviennent à établir une fois pour toutes la responsabilité et la culpabilité des différents acteurs”, a déclaré l'organisation.
Avant la reprise du procès qui se déroule à huis clos, les journalistes ont été, pour la première fois, autorisés à visiter la salle d'audience. Ils ont ainsi pu prendre connaissance du système d'enregistrement installé à la demande des parties civiles. Celui-ci doit permettre de dresser le procès-verbal de tous les témoignages et rend possible l'interrogatoire de suspects ou de témoins en dehors du prétoire.
Erhan Tuncel, l'un des principaux accusés, a refusé de répondre aux questions des avocats de la partie civile. Il s‘est contenté de répéter qu'il avait “ fait tout ce qu'on lui avait demandé de faire”. Il a interpellé la veuve du journaliste, Rakel Dink, déclarant : “Elle se prend pour une sainte.” Il a néanmoins donné les noms de trois officiers de police de Trabzon avec lesquels il était en contact : Engin Yilmaz, Mumduh Abi et Mühittin Zenit.
Yasin Hayal, un autre accusé, s'est soumis à l'interrogatoire des avocats de la famille Dink. Il a affirmé qu'Erhan Tuncel avait organisé avec lui l'attentat contre un Mc Donald's de la ville de Trabzon en 2004, pour lequel Yasin Hayal avait été condamné. Il a ajouté qu'il avait hésité à protéger une nouvelle fois son complice dans l'assassinat de Hrant Dink, mais que la révélation de ses activités d'informateur de la gendarmerie l'avait convaincu de le dénoncer. Le jeune homme a déclaré qu'Erhan Tuncel l'avait mis en contact avec de nombreuses personnes, dont des membres de l'état-major tchétchène. Pendant l'audience, il a dû être rappelé à l'ordre. Il adressait des sourires et faisait signe de la main aux membres de la famille présents dans la salle.
L'absence de Coskun Igci, son beau-frère, a été remarquée. Son témoignage avait été déterminant dans le procès de deux officiers de la gendarmerie de Trabzon, poursuivis pour “abus de fonction”, qui s'est ouvert le 22 janvier 2008. Coskun Igci avait déclaré avoir travaillé en tant qu'informateur et avoir tenu régulièrement informés les deux gendarmes des préparatifs de l'assassinat de Hrant Dink. Yasin Hayal lui aurait confié connaître l'adresse de la rédaction d'Agos et être déterminé à abattre lui-même Hrant Dink. Coskun Igci avait affirmé avoir transmis cette information aux gendarmes. Il avait ajouté avoir toujours agi conformément à leurs instructions.
Ainsi, Joost Lagendijk, député européen et président de la délégation à la commission parlementaire mixte UE-Turquie, a fait part de son mécontentement. “ Je suis là pour veiller à ce que justice soit faite. Nous remarquons que ceux qui étaient avertis du projet d'assassinat de Hrant Dink au sein de la gendarmerie et de la police, ne sont pas sur le banc des accusés (...). Les promesses du gouvernement ne se sont pas concrétisées. Nous sommes à bout de patience”, a-t-il déclaré.
Un collectif comptant dix-huit personnalités dont des universitaires, des parlementaires et des journalistes, a également donné une conférence de presse. Ses membres ont rappelé qu'il était primordial “d'essuyer la tache” que constitue l'assassinat du journaliste afin que les personnes ne soient plus prises pour cibles en raison de leurs opinions en Turquie. Ils ont également qualifié de “devoir minimum”, l'élucidation de tous les soutiens dont les assassins avaient bénéficié.
Cinq cents personnes environ ont manifesté sur la place avoisinant le tribunal, réclamant elles aussi justice pour le journaliste assassiné.