Procès de l’assassinat du journaliste Peter R. de Vries : RSF et FPU appellent les Pays-Bas à montrer l’exemple
Reporters sans frontières (RSF) et Free Press Unlimited (FPU) suivront le procès de l’affaire du journaliste Peter R. de Vries, qui débute au tribunal d’Amsterdam le 23 janvier. Les deux organisations partenaires demandent aux Pays-Bas, classés sixième au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF, de montrer l’exemple en amenant tous les auteurs du crime, y compris le commanditaire, à répondre de leurs actes.
Après des premiers revers, le procès de deux affaires conjointes contre neuf individus soupçonnés d’avoir exécuté et commandité l’assassinat du journaliste spécialiste du crime organisé Peter R. de Vries, débuteront au tribunal d’Amsterdam le 23 janvier prochain. Les deux tueurs présumés, qui ont été arrêtés quelques heures à peine après le crime perpétré le 6 juillet 2021, seront jugés avec les individus soupçonnés d’avoir agi comme intermédiaires et d’avoir facilité l’assassinat.
“FPU suivra attentivement ce procès de l’assassinat de Peter R. de Vries qui a eu un impact indéniable sur le paysage médiatique néerlandais. Cet assassinat – le troisième dans le cadre du procès Marengo, mettant au jour un réseau criminel, – a douloureusement révélé ce que risquent ceux qui se mettent en travers du pouvoir du crime organisé, tels que les journalistes.
“La justice n’a toujours pas été totalement rendue pour les quatre assassinats de journalistes commis dans l’Union européenne entre 2017 et 2021, dont celui de Peter R. de Vries. Les Pays-Bas se situent à la sixième place du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, soit la plus haute de tous les pays concernés. Alors que les procédures de cette affaire reprennent, nous appelons les autorités judiciaires à montrer l’exemple au sein de l’UE en poursuivant tous les protagonistes, y compris le commanditaire de l’assassinat.
Peter R. de Vries a été abattu par un fusil de chasse à Amsterdam le 6 juillet 2021, après avoir quitté le studio TV de RTL Boulevard. Il a succombé à ses blessures neuf jours plus tard. Ayant bâti sa carrière sur des révélations inédites, il était l’un des journalistes spécialisés dans la criminalité organisée les plus connus des Pays-Bas. À partir de 2019, il est devenu le confident et le conseiller du “témoin de la Couronne” Nabil B. lors du mouvementé procès Marengo, autour d’une organisation criminelle accusée de gérer, selon les mots du procureur néerlandais, une “machine à tuer” professionnelle. Alors que 17 suspects vont être jugés, l’affaire se concentre sur Ridouan T. et Saïd R., poursuivis pour avoir commandité dix (tentatives d’) assassinats et dirigé l’organisation.
Selon les déclarations officieuses d’un témoin et de l’un des suspects, l’assassinat de Peter R. de Vries aurait été davantage lié à son rôle dans le procès qu’à son travail journalistique. Lors de précédentes audiences, le procureur général a également suggéré la probabilité de ce scénario – notamment en raison du meurtre du frère de Nabil B., en 2018 et de l’un des avocats de Nabil, Derk Wiersum, en 2019.
Impact sur le journalisme néerlandais
Bien que le meurtre de Peter R. de Vries ne soit probablement pas lié à son travail, l’affaire ne peut pas être dissociée de son statut de journaliste et du journalisme néerlandais. Avant même son implication en tant que conseiller, la police avait enregistré une menace de mort envers Peter R. de Vries en lien avec l’affaire Marengo, en avril 2019. Sa qualité de journaliste spécialiste de la criminalité organisée jouissant d’une large audience a selon toute vraisemblance accru la menace qu’il représentait en tant que conseiller au procès. En outre, à cause de son travail de journaliste, Peter R. de Vries n’avait pas accepté de mesures de protection qui auraient pu l’empêcher de mener ses activités ou de rencontrer des sources. Selon une enquête du Bureau de sécurité néerlandais, les autorités responsables n’ont pas collaboré avec Peter R. de Vries et ne lui ont pas proposé de mesures de protection adaptées à son travail – une situation qui concerne plusieurs journalistes néerlandais spécialisés en affaires criminelles, comme l’a documenté une mission pour la liberté de la presse aux Pays-Bas en 2022.
Cette mission, et nos discussions en cours avec des journalistes néerlandais, montrent également l’impact durable de cet assassinat sur la profession et les médias. Il a été largement perçu comme une confirmation que les journalistes sont en danger lorsqu’ils couvrent le crime organisé dans le pays. L’affaire a ainsi détérioré le climat pour les journalistes, et notamment ceux spécialisés en affaires criminelles, déjà sous tension ces dernières années en raison de continuelles menaces et attaques.
Le procès des neuf personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’assassinat du journaliste devrait durer jusqu’au mois de juin 2024.