Procès à répétition et attaques des forces de sécurité rythment le quotidien des journalistes irakiens
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“ Les journalistes sont les cibles régulières de procès intentés par des responsables politiques. Ils sont également victimes d’agressions, d’autant plus condamnables qu’elles sont souvent le fait de membres de forces de sécurité, notamment des gardes du corps d’importantes personnalités politiques. Ces pratiques, destinées à intimider les journalistes et à censurer la presse, doivent immédiatement cesser. Elles constituent de graves entraves à la liberté d’expression”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le recours aux procédures judiciaires
Le quotidien local Baghdad Al-Akhbariya fait face à des poursuites judiciaires, au tribunal chargé des questions liées aux médias à Rusafa (sud-est de Bagdad), suite au dépôt d’une plainte de la part du directeur général de l'Institut d'ingénierie du ministère de l’Industrie, le 2 juillet dernier. Le journal est accusé d’avoir terni la réputation de l’Institut en publiant une plainte d’un groupe d’employés ainsi que des documents internes dénonçant des pratiques de corruption en son sein. Le plaignant réclame 250 millions dinars irakiens (environ 150 000 d’euros) de dommages et intérêts. Lors de l’audience du 13 juillet, le juge a déclaré la plainte de l’Institut nulle et non avenue, annulant ainsi les poursuites.
Plusieurs journalistes ont assisté à l’audience du procès intenté contre le journaliste Majid Al-Kaabi, le 4 juillet 2011, poursuivi pour un article critiquant l’organisation des pèlerinages à la Mecque, le Hajj et l’Omra. Le président de l’organisation du Hajj et de l’Omra, Sheikh Muhammad Taqi Al-Mawla, exige des dommages et intérêts à hauteur de deux milliards de dinars irakiens (environ 1,2 millions d’euros). Le journaliste a déclaré que son article ne visait aucune personnalité ou parti politique en particulier, expliquant qu’il était du devoir de la presse de rendre public certaines erreurs dans l’organisation du pèlerinage. L’audience a été reportée au 25 juillet prochain.
Qassem Atta, porte-parole du commandement des opérations de Bagdad, a annoncé, le 20 juin 2011, avoir porté plainte contre le quotidien Al-Mada pour “diffamation”, suite à la publication d’articles d’opinion critiquant le comportement des forces de sécurité lors des manifestations. Il a ainsi décidé de poursuivre le rédacteur en chef du journal, Fakhri Karim, et trois journalistes, Daoud Ali, Ali Hussein et Ali Abdel Sada et exigé 8 millions de dinars irakiens (environ 4800 euros) de dommages et intérêts.
Cette plainte fait suite à plusieurs recours en justice déposés, ces dernières semaines, par des responsables politiques en vue de museler la presse. Le président de la Chambre des représentants d’Irak, Oussama Al-Noujaifi, a porté plainte, le 2 juin dernier, contre ce même journal, demandant le montant exorbitant de 150 millions dinars irakiens (environ 90 000 euros) de dommages et intérêts. La plainte visait également trois journalistes du quotidien, Fakhri Karim, Daoud Al-Ali et Ali Hussein, pour leurs articles critiquant le maintien de quotas dans la sélection des parlementaires, le marchandage de postes et les insuffisances de la loi réduisant les salaires des députés.
En outre, le service de presse du ministère de l’Industrie et des Ressources minières a menacé de porter plainte contre la chaîne satellitaire Al-Sharqiya qui, le 10 mai 2011, a accusé le ministère d’être responsable de l'assassinat du directeur général de Al-Ciment, Salam Abdallah, la semaine précédente à Bagdad. Quelques jours avant sa mort, ce dernier avait menacé de rendre public des documents prouvant l’existence de cas de corruption au sein du ministère.
Dans un communiqué de presse publié le 21 mai dernier, Reporters sans frontières avait condamné les poursuites lancées, le 11 mai 2011, par Faraj Haidari, président de la commission électorale irakienne, contre Hashem Hassan, suite à la publication dans Al-Machreq, le 4 mai 2011, d’un article remettant en cause la légitimité et le professionnalisme de la commission, dénonçant plusieurs affaires de corruption et le « gaspillage de l’argent public ». Le 2 juin 2011, Faraj Haidari annonçait le retrait de sa plainte.
L’organisation a également observé de nouveaux types d’intimidations : le 4 juillet dernier, Kadhi Miqdadi a été radié du Syndicat des journalistes, suite à un article critiquant son efficacité.
Attaques perpétrées par les forces de sécurité
Le 3 juillet 2011, dans la province de Kerbala (150 km au sud-ouest de Bagdad), des gardes du corps du Premier ministre Nouri Al-Maliki ont pris à partie plusieurs journalistes et photographes à l’occasion des festivités organisées à Kerbala pour célébrer la naissance de la province, en la présence du Premier ministre Nouri Al-Maliki. Plusieurs correspondants des chaînes satellitaires Al-Sumariyah TV, Al-Iraqiya TV ou Afaq, Al-Masar, et ceux d’agences de presse, comme National Iraqi News Agency, ont été empêchés d’accéder au lieu des célébrations, sous prétexte qu'il n'y avait pas de chiens policiers pour les inspecter. Pour protester, les journalistes ont organisé un sit-in, afin d’obtenir des excuses du Premier ministre... qui a quitté les lieux sans les rencontrer.
Déjà le 15 juin dernier, Hassan Salah Al-Talaqani et Mohamed Saleh Al-Saïdi, deux journalistes travaillant pour l’agence de presse Anba’ Al-Iraq, ont été agressés par le ministre de l’Environnement et ses gardes du corps, dans le centre de Bagdad, alors qu’ils photographiaient une altercation entre le ministre et les passants. Les gardes avaient tiré en l’air pour les faire fuir. Les journalistes avaient ensuite été frappés, leur matériel photo et leurs téléphones portables confisqués.
Reporters sans frontières rappelle que dans un courrier adressé au Premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, le 6 juin dernier, l’organisation avait demandé aux autorités de lever les entraves au travail des journalistes. “Tout acte des forces de l’ordre empêchant le travail des journalistes constitue une entrave intolérable à la liberté d’expression. La liberté de la presse doit être un axe du processus démocratique dans lequel l’Irak est engagé. Nous serons vigilants à ce que le droit à l’information du public soit respecté”, avait souligné l’organisation. Malgré ce rappel, les forces de sécurité avaient empêché certains journalistes de couvrir les manifestations organisées à Bagdad, deux jours plus tard. Plusieurs journalistes avaient été frappés, d’autres menacés place Tahrir. Certains avaient vu leur matériel saisi.
Publié le
Updated on
20.01.2016