Problème de définition: quand le gouvernement camerounais confond espionnage et reportage

Le journaliste d'investigation camerounais Simon Ateba et le correspondant de RFI Ahmed Abba sont retenus illégalement par les autorités camerounaises et accusés d'espionnage pour avoir fait leur travail de journaliste. Depuis maintenant 6 jours, le journaliste d'investigation camerounais Simon Ateba croupit dans une geôle de Mokolo au Nord du Cameroun. Il a été arrêté alors qu’il quittait le camp de Minawao au Cameroun, où il effectuait un reportage sur les conditions de vie des réfugiés nigérians. Il est accusé d'espionnage par les autorités, alors qu’il les avait pourtant alerté de son intention de faire un reportage. Depuis son incarcération, le journaliste n'a pas eu accès à un avocat ni à ses médicaments, bien qu'il ait déclaré aux autorités carcérales avoir besoin d'un traitement. “Face aux manœuvres dilatoires des autorités camerounaises visant de fait à l'empêcher d'aller dans le camp, le journaliste a trouvé d'autres moyens pour avoir accès à une information d'intérêt public, explique Clea Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Mais il ne faut pas oublier qu’il avait clairement informé les autorités camerounaises de ses intentions dès le début. Est-ce là le comportement d'un espion ? Nous demandons aux autorités camerounaises de relâcher immédiatement Simon Ateba, connu au Nigeria et au Cameroun pour son professionnalisme et qui ne peut en aucun cas être soupçonné d'espionnage! " Ce journaliste reconnu, ancien du journal The News, avait bénéficié, pour accomplir ce reportage, d'une bourse du Centre international pour le reportage d’investigation (ICIR) basé au Nigéria. Malheureusement son cas n'est pas isolé. Un mois plus tôt, c'est le correspondant local de Radio France internationale en langue Haoussa, Ahmed Abba, qui était arrêté. Interpellé le 30 juillet à Maroua où il travaillait, il a passé 15 jours en garde à vue avant d'être transféré à Yaoundé où il est depuis détenu au secret sans que son avocat puisse le rencontrer ou avoir accès à son dossier. Selon RFI, la détention de son correspondant relève aujourd'hui d'une "situation extra-judiciaire", puisque tous les délais légaux pour le présenter à la justice sont maintenant dépassés. La radio demande à ce que l'avocat du journaliste puisse avoir accès à son client et au dossier. "Il est intolérable qu'un journaliste dont le professionnalisme ne peut être remis en cause soit traité comme un dangereux criminel et de plus sorti de tout cadre juridique. Nous demandons que la législation et les droits de ce journaliste soient respectés et qu'il soit libéré au plus tôt", poursuit Reporters sans frontières. Les tentatives de Reporters sans frontières de joindre le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakari, afin de comprendre ce qui est reproché à ces deux journalistes ont été infructueuses. Dans une émission sur la chaîne nationale, le 25 août dernier, Issa Tchiroma Bakari avait tenu des propos à la fois paternalistes et menaçants envers les journalistes. "Vanter l'image de notre nation, chanter la gloire de la nation qui est debout et qui avance en dépit des difficultés, c'est la responsabilité de la presse," n’avait-il pas hésité à déclarer. Les journalistes sont régulièrement intimidés et harcelés au Cameroun. Certains ont été ponctuellement emprisonnés au cours des mois écoulés et d'autres font face à des procédures judiciaires abusives. C'est le cas des journalistes Félix Cyriaque Ebole Bola et Rodrigue Tongue, respectivement des quotidiens Mutations et Le Messager, poursuivis depuis octobre 2014 devant un tribunal militaire pour ne pas avoir fourni des informations à la police. Quant au directeur de publication du bimensuel Le Zénith, Zacharie Ndiomo, après avoir passé des mois en détention préventive dans le cadre d'un procès en diffamation qui l'opposait à Urbain Ebang Mve, le secrétaire général du ministère des Finances, il est aujourd'hui poursuivi une seconde fois pour les faits déjà jugés lors du premier procès et par le même plaignant qui jugeait le verdict du premier procès trop clément... Le Cameroun occupe la 133e place du Classement 2015 de la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières. Photo: Simon Ateba, ©Camerpost.com
Publié le
Updated on 20.01.2016