Une cour d'appel a confirmé la condamnation pour « usage de faux » de Yuri Bagrov, journaliste russe et seul correspondant de médias occidentaux à Vladikavkaz (capitale de l'Ossétie du Nord). Les autorités russes lui reprochent d'avoir obtenu un faux passeport. Il est aujourd'hui déchu de sa nationalité.
La cour d'appel administrative d'Ossétie du Nord (république autonome du Nord-Caucase) a confirmé, le 19 janvier 2005, la condamnation de Yuri Bagrov à une amende de 400 euros pour « usage de faux ». Le correspondant de Radio Free Europe/ Radio Liberty et de l'agence Associated Press avait été condamné initialement par le tribunal municipal Léninski de Vladikavkaz, le 17 décembre 2004. Les autorités contestent au journaliste la validité de son passeport russe, obtenu en 2003, en remplacement de son ancien passeport soviétique. Yuri Bagrov se trouve donc aujourd'hui déchu de sa nationalité et, de facto, apatride.
Reporters sans frontières s'insurge contre cette condamnation unique en son genre qui démontre un acharnement judiciaire continu de la part des autorités à l'encontre d'un journaliste d'investigation qui est, de plus, le seul correspondant permanent de médias occidentaux à travailler à Vladikavkaz (capitale de l'Ossétie du Nord). « Il s'agit tout simplement de faire taire un journaliste qui exprime généralement ce que taisent les journaux locaux en raison des nombreuses pressions qui pèsent sur eux. Yuri Bagrov, privé de son passeport et de sa nationalité, est confronté à un trou noir juridique. Menacé d'expulsion, il n'aurait aucune patrie d'accueil », a estimé l'organisation.
« On ne m'a donné aucune chance. Le procès s'est déroulé le
19 janvier à 4 heures du matin. Aucun témoin n'a été appelé et l'audience a duré cinq minutes » a déclaré Yuri Bagrov.
Il ne lui reste plus dorénavant que le recours devant la Cour suprême d'Ossétie du Nord et, en dernière instance, devant la Cour suprême russe, dès lors que le journaliste aura payé l'amende de 400 euros qui lui est réclamée.
Les autorités russes ont commencé à inquiéter le journaliste le 25 août 2004, lorsque, à 8 heures du matin, des officiers du FSB (services secrets russes) ont perquisitionné son domicile, son bureau et l'appartement de sa mère, procédant à une vaste saisie de documents, dossiers et ordinateurs et confisquant son passeport. Ainsi Yuri Bagrov n'a pas pu se rendre en Tchétchénie pour couvrir les élections du
29 août, ni à Beslan durant la prise d'otages tragique du 1er au 3 septembre.
Le 6 octobre, le journaliste a été informé de sa mise en examen pour « usage de faux » en vertu de l'article 327 du code pénal. Yuri Bagrov avait pourtant reçu son passeport en 2003, à la suite de la décision d'un tribunal régional lui accordant la nationalité russe.
Le 29 décembre, les autorités locales ont demandé à Yuri Bagrov de quitter la salle où s'étaient réunis les journalistes à l'occasion de la conférence de presse du président de l'Ossétie du Nord.
Yuri Bagrov a notamment travaillé sur les conditions de vie des réfugiés tchétchènes, la contrebande dans le Caucase ou les enlèvements en Ingouchie. Il a étudié en Russie et y réside. Sa mère et son épouse possèdent la nationalité russe. Ces critères devraient théoriquement suffire à l'obtention d'un passeport russe.
Reporters sans frontières a récemment dénoncé les entraves à la couverture médiatique de la tragédie de Beslan et exprimé son inquiétude face à la possible extension à toute la région du black-out médiatique actuellement en vigueur en Tchétchénie.