Reporters sans frontières réitère son appel au gouvernement tchadien à lever les mesures liberticides prises contre la presse privée, après que des actes de censure archaïques ont commencé à être appliqués par le ministère de la Communication.
Reporters sans frontières réitère son appel au gouvernement tchadien à lever les mesures liberticides prises contre la presse privée, après que des actes de censure archaïques ont commencé à être appliqués par le ministère de la Communication.
"La parution de journaux barrés de noir, soumis au bon vouloir de fonctionnaires, est un triste spectacle. Le gouvernement ne rétablira pas la paix à coups de ciseaux. Il ne réussira qu'à radicaliser l'opposition et à lui offrir des arguments supplémentaires pour lutter contre le pouvoir. Nous appelons le président Idriss Deby Itno à ordonner à son gouvernement de privilégier des solutions négociées, plutôt que ces mesures navrantes et absurdes", a déclaré Reporters sans frontières.
La cellule spéciale du ministère tchadien de la Communication, mise en place pour procéder à une censure préalable de la presse écrite paraissant à N'Djamena, a commencé à fonctionner le 14 novembre 2006, au lendemain de la proclamation de l'état d'urgence dans la capitale et six régions du pays, a appris Reporters sans frontières auprès des principaux médias locaux.
Cette cellule, composée de Mahamat Saleh Yacoub, secrétaire général du ministère de la Communication, et de Nguérébaye Adoum Saleh, conseiller du ministre, a quotidiennement procédé à la coupure de plusieurs éléments des journaux ayant choisi de continuer à paraître. Avant d'être autorisés à être distribués, les maquettes des journaux doivent être déposées au cabinet du ministre pour y être amendées. Les hebdomadaires privés L'Observateur, Notre Temps et Le Temps ont ainsi paru, les 14, 15 et 16 novembre, barrés de bandeaux noirs recouvrant plusieurs éléments et sur lesquels a été imprimé "Censuré".
Le 15 novembre, les deux responsables du bureau de la censure se sont présentés à la rédaction du Temps, exigeant de voir la maquette de l'édition du jour. Apprenant que celle-ci était déjà à l'imprimerie, ils ont exigé que le maquettiste du journal, Dipombé Payébé, les accompagne et effectue avec eux une dernière lecture afin de supprimer les passages "susceptibles de porter atteinte à la cohésion nationale".
Le journal N'Djamena Bi-Hebdo a quant à lui choisi de suspendre sa parution jusqu'à l'expiration de la première période de l'état d'urgence, selon le directeur de publication, Bégoto Yaldet Oulatar, interrogé par Reporters sans frontières. Selon la Constitution tchadienne, l'état d'urgence peut être proclamé par le chef de l'Etat pour une période de douze jours et ne peut être prolongé qu'avec l'autorisation du parlement.
Les radios privées qui, selon le décret proclamant l'état d'urgence, ont désormais l'interdiction de traiter "des questions pouvant porter atteinte à l'ordre public, à l'unité nationale, à l'intégrité du territoire et au respect des institutions républicaines", n'ont pas encore été affectées par la censure.
La décision de réinstituer la censure préalable dans la presse privée a été motivée par la publication récente d'articles sur la rébellion armée qui combat les troupes gouvernementales dans l'est du pays. Début novembre, l'hebdomadaire Notre Temps a ainsi publié les photos des chefs de la rébellion, s'interrogeant sur les chances des uns et des autres d'accéder à la fonction présidentielle, en remplacement du président Idriss Deby Itno. Le même journal avait également publié l'interview de l'un des chefs de la rebellion, dans lequel il annonçait "l'après-Deby". L'hebdomadaire Le Temps avait pour sa part publié, le 6 novembre, le programme politique de l'un des chefs de l'Union des forces démocratiques pour le développement (UFDD, opposition armée), Mahamat Nouri.