Première audience ouverte à la presse dans l'affaire Hrant Dink : des avancées, mais le tribunal refuse de verser au dossier les enquêtes sur l'implication des forces de l'ordre
Pour la première fois depuis le début du procès, les journalistes ont pu assister aux débats de la 14e Chambre de la cour d'assises d'Istanbul, le principal accusé, Ogün Samast ayant atteint la majorité. Lors de cette sixième audience, l'audition des témoins s'est poursuivie et le tribunal a examiné plusieurs requêtes des parties civiles. Il a malheureusement rejeté la plus importante, celle consistant à réunir les affaires traitées à Istanbul, Trabzon et Samsun, dans lesquelles des membres des forces de l'ordre sont impliqués.
Le 7 juillet 2008, la sixième audience du procès des assassins présumés du journaliste Hrant Dink s'est déroulée devant la 14e chambre de la cour d'assises d'Istanbul. Pour la première fois depuis le début du procès, il y a un peu plus d'un an, la presse a pu assister aux débats, le tireur présumé, Ogün Samast, ayant atteint la majorité. Cette audience a été marquée par l'audition de plusieurs témoins et l'examen des requêtes déposées par la partie civile. Malgré plusieurs avancées, le tribunal refuse toujours de réunir les dossiers en cours à Trabzon et Samsun - impliquant des membres des forces de l'ordre pour “négligence” et pour avoir témoigné leur sympathie au tireur présumé - à l'affaire principale.
La cour a entendu plusieurs témoignages, dont celui de l'un des informateurs de la gendarmerie, Coskun Igci, dix-neuvième accusé du procès. Il a affirmé avoir tout fait pour dissuader son ancien beau-frère et commanditaire présumé du crime Yasin Hayal, de commettre ou de planifier l'assassinat de Hrant Dink. Il a précisé avoir finalement averti les deux gendarmes à qui il était lié, lorsqu'il a acquis la conviction que Yasin Hayal ne renoncerait pas à son acte.
Par ailleurs, Ogün Samast a été reconnu par trois témoins oculaires, parmi lesquels deux employés du journal Agos, comme l'homme ayant tiré sur Hrant Dink et s'étant enfui par la rue Safak après l'assassinat.
A la demande des parties civiles, le tribunal s'est intéressé aux contacts qu'entretenait avec l'extérieur Yasin Hayal, lors de son emprisonnement à Trabzon en 2004. A l'époque, il était impliqué dans un attentat à la bombe contre le Mc Donalds de la ville. La direction générale des établissements pénitentiaires va devoir fournir les mots de passe des ordinateurs de la maison d‘arrêt, afin d'identifier les visites reçues par Yasin Hayal. Une copie des écoutes téléphoniques dont celui-ci a fait l'objet, de novembre 2005 au 19 janvier 2007, devra également être remise à la cour d'Istanbul.
Pour tenter de comprendre le rôle joué par Erhan Tuncel, autre commanditaire présumé de l'assassinat, et sa capacité à avoir, comme il l'assure, alerté les autorités de Trabzon avant le crime, le tribunal a demandé que lui soit révélée l'identité des membres du service de renseignements avec lesquels Erhan Tuncel dit avoir été en contact. Ils sont identifiés sous leurs pseudonymes, “Memduh”, “Özgur”, “Ahmet” et “Kürsat”. Les juges ont également souhaité entendre come témoins deux membres des services de renseignement de Trabzon, Engin Dinç et Ercan Demir. Enfin, la cour a demandé à la société Microsoft de fournir une liste des correspondances (messagerie électronique et compte MMS) d'Erhan Tuncel.
La police d'Istanbul devra également, à la requête du tribunal, faire savoir si, peu avant son assassinat, Hrant Dink avait reçu des menaces, et leur nature.
Cependant, le tribunal a une nouvelle fois rejeté la requêtes des avocats de la famille du journaliste de réunir les dossiers en cours à Trabzon et Samsun, à l'affaire jugée à Istanbul. Ce malgré l'insistance des parties civiles pour qui ce transfert est l'une des conditions du succès du procès. A Trabzon, deux gendarmes sont poursuivis pour “négligence dans l'exercice de leurs fonctions”, et à Samsun, deux membres des forces de l'ordre sont jugés pour avoir posé aux côtés du tireur présumé, après son arrestation le 20 janvier 2007.
La prochaine audience a été fixée au 13 octobre. Le tribunal devrait entendre treize témoins et débuter l'examen des preuves.