Reporters sans frontières dénonce le harcèlement croissant des journalistes travaillant pour des médias basés à l’étranger.
Depuis 2009, ils ne peuvent officiellement travailler sans une accréditation délivrée par le ministère des Affaires étrangères. Mais dans les faits, les autorités rejettent systématiquement les demandes d’accréditation des médias indépendants, poussant les journalistes à travailler dans l’illégalité. Ces derniers deviennent des proies faciles pour la justice, qui multiplie les poursuites pour “production illégale de contenu médiatique” (article 22.9 du Code des infractions administratives).
Le 13 novembre 2014, la police a informé
Ales Zaleouski qu’il était poursuivi pour avoir réalisé un reportage sur des faits de corruption pour la chaîne
Belsat TV, basée en Pologne. Le journaliste avait déjà été condamné en mai dernier, pour des faits similaires, à une amende de 4,5 millions de roubles bélarusses (330 euros).
Le 13 novembre également, deux policiers sont venus interroger
Andreï Myalechka à son domicile de Hrodna (Ouest) au sujet d’une interview réalisée un mois plus tôt pour
Radio Racyja, elle aussi basée en Pologne. Les policiers ont prévenu le journaliste qu’il allait être inculpé pour “production illégale de contenu médiatique”, car il travaillait sans accréditation. Ce sera son troisième procès en moins de six mois : il a été condamné à une amende de 4,5 millions de roubles (330 euros) en juin et à 5,25 millions de roubles (394 euros) en octobre, pour le même motif.
Andreï Myalechka a déclaré à Reporters sans frontières que rien ne pourrait l’empêcher de faire son travail. “Mais les démarches en justice, les recours et la paperasse me prennent beaucoup de temps et me déconcentrent. En outre, de nombreuses sources hésitent aujourd’hui à me parler.” Le journaliste se dit aussi étroitement surveillé.
Le 13 novembre toujours, l’inspection fiscale de Mahilyou
a demandé à
Ales Bourakou des précisions quant aux revenus perçus de sources étrangères entre 2010 et 2013. Le journaliste assure avoir déjà fait toutes les déclarations nécessaires et dénonce une nouvelle forme de pression. Le 8 octobre, il avait été condamné à une amende de 6 millions de roubles (446 euros) pour un article publié sur le site de la radio publique allemande
Deutsche Welle.
Les collaborateurs de
Belsat TV,
Maryna Malchanava et
Alyaksandr Dzianisau, avaient eux aussi été condamnés à des amendes, respectivement en septembre et en avril. En outre, pas moins de six journalistes freelance ont reçu des avertissements cette année parce qu’ils travaillaient sans accréditation.
Le 23 octobre, le gouvernement bélarusse a officiellement
rejeté l’appel
lancé un mois plus tôt par l’
Association bélarusse des journalistes (BAJ), partenaire de Reporters sans frontières, qui lui demandait de mettre un terme à la persécution des journalistes indépendants et à mettre la loi sur les médias en conformité avec les traités internationaux ratifiés par le Bélarus.
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26.09.2014 - Le journalisme indépendant dans le viseur des autorités bélarusses
Les autorités bélaruses continuent de museler la presse indépendante en brandissant des obligations d’accréditation pour les journalistes travaillant avec des médias à l’étranger. Ces derniers sont également dans le viseur de Minsk.
Le 25 septembre 2014,
Marina Malchanava a été condamné à payer une amende de 357 euros par le juge de la ville de Babruisk, dans la région de Moguil. Le reportage de la journaliste sur une ONG soutenant les enfants atteints par le cancer a été diffusé sur
Belsat TV, une chaîne critique, basée en Pologne. Trois autres journalistes,
Ales Dzianisau,
Andreï Myaleshka et
Ales Zaleouski, se sont vu infliger une amende pour leur coopération avec
Belsat TV faute de ne pas avoir l’accréditation nécessaire, accordée par le gouvernement.
Viktar Parfionenka, journaliste de la
Radio Racyja, basée en Pologne, s’est fait, quant à lui, refuser son accréditation pour la septième fois le 24 septembre 2014.
Outre les amendes et les refus d’accréditation, d’autres méthodes sont mises en places par les autorités pour empêcher les journalistes de travailler pour les médias indépendants basés à l’étranger.
Le 24 septembre 2014, l’appartement d’
Ales Bourakou et celui de ses parents, situés dans la ville de Moguilev (Est), ont été perquisitionnés. La police a saisi les ordinateurs, les disques durs et des clés USB. Selon les autorités, le journaliste aurait soumis des contributions à la
Deutsche Welle sans accréditation. Ales Bourakou a déposé une plainte contre l’intervention de la police auprès du ministère des Affaires étrangères, du procureur et du comité exécutif de la région de Moguil. Il demande la poursuite des responsables de la perquisition la jugeant injustifiée, et la garantie que le matériel recueilli par les policiers n’aura pas de force juridique et ne pourra pas servir d'appui pour sa propre inculpation par la suite.
Ces journalistes se font accuser de violation de l’article 22.9 du code d’infraction civile relatif à “la création et la dissémination illégale de production médiatique”. Or, la problématique de l’accréditation ne rélève en aucun cas de l’article 22.9. « Faire le rapprochement entre l’illégale création et diffusion de l’information (art.22.9) et le travail des journalistes sans accréditation, relève d’utilisation abusive de cet article par les autorités bélarusses, »
note l’Association bélarusses des journalistes.
Dunja Mijatovich, la représentante de l’OSCE pour la liberté des médias, en visite au Belarus entre le 15 et 17 septembre 2014,
a exigé l’abolition de l’accréditation obligatoire pour les journalistes, argumentant que
la liberté de la presse en serait renforcée.
“
Le gouvernement bélarusse étouffe systématiquement les quelques voix critiques restant dans le pays. Aujourd’hui, il se lance dans une attaque contre les médias à l’étranger et contre les journalistes obligés de publier dans les médias étrangers sans accréditation, faute d’en avoir reçu une officiellement. La stratégie de ce régime est évidente: créer les conditions pour que le journalisme indépendant disparaisse de lui-même”, s’indigne Virginie Dangles, adjointe à la directrice de la recherche de Reporters sans frontières.
Les autorités bélarusses s’en prennent également directement à des médias basés à l’étranger, notamment à la chaîne télévision
Belsat TV, basée en Pologne.
Le 4 septembre 2014, la chaîne bélarusse
Belsat TV, basée en Pologne, s’est fait accuser d’utiliser un nom déjà existant, celui de BELSATplus, par cette compagnie de vente de câbles et d’autres matériels audiovisuels. La cour n’a pas donné raison au plaignant, faute de preuve. Créée en 2003 sous le nom de “Hi-Tech Market”, cette compagnie a soudainement changé de nom pour BELSATplus en 2006, un mois après la création de la chaîne télévision
Belsat TV en Pologne qui a pour vocation de traiter de l’actualité au Belarus, en Europe et dans le reste du monde de manière indépendante.
Belsat TV a demandé à plusieurs reprises l’enregistrement de sa section locale à Minsk, une requête systèmatiquement réfusée par le gouvernement bélarus.
Le Bélarus occupe la 157e place sur 179 dans le
Classement mondial 2014 de la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières