Pologne : le parti au pouvoir renouvelle des pressions politiques et réglementaires sur les médias indépendants

Après une année relativement calme sur le plan de la liberté de la presse en Pologne, les médias indépendants sont à nouveau menacés par des accusations politiques infondées, des procédures opaques et un projet de loi discriminant. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à arrêter cette remise en cause du droit à l’information.

Il a fallu à peine trois jours au gouvernement conservateur de Pologne pour faire pression sur le plus grand média indépendant à la suite de la diffusion d’informations qui ne lui convenaient pas. Le ministère polonais des Affaires étrangères a d’abord qualifié les révélations de la chaîne privée TVN sur la connaissance par le pape Jean Paul II des affaires de pédophilie dans l’église catholique polonaise de “guerre hybride visant à créer des divisions et tensions dans la société polonaise”.  Avant de “convoquer” l’ambassadeur des États-Unis à une réunion - une expression ultérieurement corrigée en “inviter”. Cette démarche révèle une vision faussée de la liberté de la presse : ce n’est pas parce que la chaîne appartient au groupe de médias américain Discovery que le gouvernement américain intervient dans ses contenus.

Cet épisode n’est que la dernière des tentatives de remettre en cause le droit à l’information, renouvelées depuis ces derniers mois par le parti au pouvoir Droit et Justice (PiS). Le président de l'autorité des médias KRRiT, Maciej Świrski, proche du PiS, a engagé successivement des procédures contre TVN, TOK FM et Radio Zet sans qu’il rende publiques les raisons précises. Les trois médias indépendants se sont retrouvés dans son collimateur après des émissions critiques à l’égard de la majorité, abordant respectivement l’accident d’avion du président polonais de 2010, un nouveau manuel scolaire d’histoire et - les relations polono-américaines. L'autorité de régulation a invoqué la loi sur l'audiovisuel permettant de sanctionner “la propagation de fausses informations, et les actions contre la raison d'État polonaise et menaçant la sécurité publique”. Alors que la législation ne définit pas clairement ces termes, elle permet au KRRiT d’imposer de lourdes amendes aux médias, et même de leur retirer leurs licences de diffusion. 

“Nous regrettons qu’après une année relativement calme pour la liberté de la presse en Pologne, et consacrée à l’aide du pays à la démocratie ukrainienne contre l’agression russe, les autorités polonaises remettent à nouveau en cause le droit à l'information. Les pressions politiques, réglementaires et législatives sur les médias, qui n’ont aucune place dans une démocratie européenne, doivent céder à la liberté de la presse, à la transparence et à la concertation avec les médias sur les mesures les concernant.

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE-Balkans de RSF

Sans avoir consulté les médias privés, qui y sont d’ailleurs fermement opposés, le gouvernement a proposé un projet de loi qui les discrimine par rapport aux chaînes publiques, transformées en outil de propagande du PiS. Surnommé “lex télécommande”, cette loi imposerait aux fournisseurs des décodeurs de télévision payants l'obligation de placer les chaînes publiques sur les cinq premières places de l’offre. En outre, elle donnerait au KRRiT, sous influence du PiS, la compétence de décider arbitrairement quelles chaînes seront obligatoirement offertes sur les places suivantes. Officiellement destinée à garantir une meilleure qualité de diffusion, la “lex télécommande” risque de rendre moins accessibles les chaînes commerciales, dont TVN

Interrogé par RSF, le ministère de la Digitalisation réfute porter atteinte à la liberté de la presse, “l'objectif de la loi étant de faciliter l'accès des consommateurs à leurs chaînes préférées”

La Pologne occupe la 66e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.

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