Pas de grâce pour Ali Lmrabet

Le 30 juillet, le journaliste Ali Lmrabet n'a pas bénéficié d'une grâce du roi Mohamed VI. Ce dernier avait annoncé le 29 juillet des mesures de grâce au profit de 669 personnes à l'occasion de la fête du trône, célébrée le 30 juillet au Maroc. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 29 juillet 2003 Reporters sans frontières demande au roi Mohammed VI de grâcier Ali Lmrabet Votre Majesté, Ali Lmrabet est toujours emprisonné. Après une grève de la faim de cinquante jours, il reste hospitalisé, épuisé par ce long jeûne. Et si le directeur de Demain Magazine va mieux, sa condamnation à trois ans de prison et l'interdiction de ses deux magazines satiriques n'en restent pas moins un déni de justice. Il faut le rappeler, tant certains s'évertuent à le cacher : Ali Lmrabet est détenu pour des caricatures et des textes qui, dans aucune démocratie, ne vaudraient à leur auteur de croupir en prison. Dans un Etat de droit, on se fait un devoir de tolérer les moqueries, les mises en cause, les critiques, fussent-elles acerbes, provocatrices. N'en déplaise à certains de vos courtisans, Ali Lmrabet est toujours privé de liberté pour ce qui n'est rien d'autre qu'un délit d'opinion. A la veille de la Fête du Trône, le 30 juillet prochain, vous ne pouvez pas rester sourd, Votre Majesté, aux appels à la clémence. Vous ne pouvez pas refuser d'entendre ceux qui vous demandent, qui vous supplient de faire un geste. Vous ne pouvez pas vous résigner à l'embastillement d'un homme pour des mots d'esprit et des dessins qui peuvent, certes, agacer, froisser, mais n'en sont pas moins l'une des facettes de cette liberté d'expression que vous dites chérir. Cet emprisonnement relève de mœurs du passé, de méthodes d'un autre âge. Et vous le savez. Votre Majesté, avec votre arrivée sur le trône, nous imaginions une page définitivement tournée, un temps définitivement révolu. Avec vous, un monarque moderne, plus ouvert, plus tolérant, succédait à un souverain au mode de gouvernement pour le moins autoritaire. Or c'est une évidence pour qui est attaché au simple bon sens, la condamnation qui frappe Ali Lmrabet est inique. Elle est contraire à toute justice. On n'inflige pas de peine de prison ferme pour un délit de presse : c'est " une atteinte grave à la liberté d'expression " a expliqué le rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression des Nations unies. Une sanction doit être proportionnelle à l'infraction commise. Ce n'est manifestement pas le cas. Votre Majesté, vous devez gracier Ali Lmrabet. Un délit de " mal penser " ne peut, ne doit conduire personne en prison. C'est la règle de toutes les démocraties. Ce devrait être celle du Maroc. Il y va de l'image du royaume. De la vôtre aussi. Ali Lmrabet est un journaliste, moqueur, persifleur, mais rien qu'un journaliste. Et l'on ne prive pas de liberté un homme de plume pour un crime de lèse-majesté. La condamnation d'Ali Lmrabet sonne comme un mauvais présage à l'heure où les Marocains doivent se retrouver unis face aux terroristes. Il ne tient qu'à vous de réparer cette erreur, cette injustice. Je vous prie d'agréer, Votre Majesté, l'expression de mon profond respect. Robert Ménard Secrétaire général de Reporters sans frontières
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Updated on 20.01.2016