"Pas d'élection crédible sans liberté des médias"

Reporters sans frontières et la Burma Media Association estiment qu'en l'état, le processus électoral engagé cette année par la junte militaire n'a aucune crédibilité, en raison de l'absence de liberté pour les médias birmans et étrangers. Censure préalable, intimidations, détentions et expulsions de journalistes étrangers : tout cela est absolument contraire à une élection libre. "Les lois électorales mises en place par le gouvernement militaire ne garantissent pas le droit des médias à couvrir librement la campagne et le scrutin. Tous les journalistes – birmans et étrangers – devraient avoir un accès non restreint à l'information, aux bureaux de vote, à tous les partis en course, notamment leurs candidats, la Commission électorale et le gouvernement. Ce n'est absolument pas le cas", ont affirmé les deux organisations. "Depuis la publication des lois électorales, de nombreux gouvernements et les Nations unies ont déploré le cadre non démocratique mis en place par les généraux. Mais, l'ASEAN et la Chine restent scandaleusement silencieuses. Il est de la responsabilité de la communauté internationale d'obtenir un cadre démocratique à ces élections. Sinon, elles n'auront aucune crédibilité", ont ajouté Reporters sans frontières et la Burma Media Association. Le 11 mars 2010, Reporters sans frontières a adressé une lettre à Surin Pitsuwan, secrétaire général de l'ASEAN, dont la Birmanie est membre, ainsi qu'à six ministres des Affaires étrangères de pays de l'ASEAN, pour leur demander de réagir face à l'absence de garanties pour la liberté de presse avant l'élection de 2010. Les deux organisations ont analysé les récents développements concernant l'environnement pour les médias. Tout d'abord, la junte a imposé que les partis politiques qui souhaitent publier des informations ou leurs programmes soient contraints de les faire valider par le Bureau de la censure dans les 90 jours qui suivent leur inscription auprès de la Commission électorale. Cette annonce du 17 mars 2010 sur la publication des tracts, journaux, livres ou autres publications relatives à l'élection, tombe sous le coup de la Loi sur les éditeurs et les imprimeurs (1962 Printers and Publishers Registration Act) qui prévoit des peines allant jusqu'à sept ans de prison pour la diffusion d'informations critiques à l'encontre du gouvernement ou qui troublent la "tranquillité". Au cours du mois de mars, plusieurs publications privées se sont vu censurer leurs articles sur les élections, notamment les interviews de candidats tels que Shwe Ohn de la Union Democracy Alliance. Selon plusieurs sources, un groupe spécial a été constitué autour du lieutenant-général Myint Swe, au sein du Bureau de la censure, pour contrôler tous les articles liés aux élections. Par ailleurs, la junte semble avoir renforcé son contrôle sur Internet en prévision des élections. La centralisation de la gestion du réseau dans la Yadanabon Cyber City permettrait aux autorités de mieux surveiller les communications électroniques, notamment grâce à l'aide de la Chine. Certains fournisseurs d'accès birmans ont acquis des équipements et un hardware de censure et de surveillance auprès de la filiale chinoise de l'entreprise franco-américaine Alcatel-Lucent. Reporters sans frontières et l'association Sherpa ont adressé une lettre aux responsables d'Alcatel-Lucent pour leur demander des explications, notamment sur la vente du hardware "Lawfull Interception Integrated" en Birmanie. L'entreprise a démenti ces informations, affirmant qu'elle n'a fait que fournir des infrastructures de télécommunications dans le cadre d'un projet financé par la Chine. Mais dans un article du journal Myanmar Times de mai 2008, un porte-parole du fournisseur d'accès Hanthawaddy, contrôlé par les autorités, confirme que la filiale chinoise d'Alcatel a bien fourni un système de filtre et de surveillance des communications. Par ailleurs, le gouvernement militaire n'a pour l'instant apporté aucune garantie pour la presse étrangère. L'ordre d'expulsion d'un reporter de CNN le 26 mars 2010 après seulement 24 heures dans le pays augure mal du sort qui sera réservé aux médias internationaux. Dan Rivers, correspondant en Asie du Sud-Est de la chaîne américaine, a été prié de quitter la capitale puis le pays alors même qu'il disposait d'un visa de presse l'autorisant à couvrir le défilé militaire du Jour des forces armées. Enfin, les médias en birman basés à l'étranger, notamment la Democratic Voice of Burma, sont toujours interdits de travailler dans le pays, alors qu'ils sont la principale source d'informations des Birmans. Au moins 12 journalistes birmans sont emprisonnés, certains condamnés à des peines supérieures à vingt ans de prison. La Birmanie figure au 171e rang sur 175 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse publié en 2009 par Reporters sans frontières. Lire le témoignage de Dan Rivers http://inthefield.blogs.cnn.com/2010/03/28/blacklisted-cnn-reporter-deported -from-myanmar-again/?hpt=C1
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Updated on 20.01.2016