Parodie de justice et impunité huit ans après la vague d'assassinats d'intellectuels et journalistes

Entre le 25 novembre et le 12 décembre 1998, cinq journalistes et intellectuels iraniens ont été assassinés à Téhéran dans des conditions effroyables. Pour avoir réclamé une plus grande liberté d'expression, prôné la laïcisation du pouvoir ou critiqué certaines positions du régime, ils ont été mutilés à coups de couteau ou étranglés. Huit ans après les faits, les personnalités impliquées dans ces meurtres occupent aujourd'hui de hautes fonctions publiques. “L'Etat iranien arrête arbitrairement, torture et tue depuis des années ses journalistes et intellectuels. La mascarade de justice a été un gage d'opacité et d'impunité dans ces dossiers. Non content de réduire au silence ces voix indépendantes, le régime protège et promeut les personnalités impliquées dans leur assassinat. Les années passent mais nous restons mobilisés auprès des familles des victimes et ne cesserons de demander que la vérité soit établie sur ces meutres, notamment à travers l'établissement d'une commission d'enquête internationale”, a déclaré Reporters sans frontières. Le 22 novembre 1998, Darioush Forouhar et son épouse, Parvaneh, figures emblématiques de l'opposition libérale, ont été retrouvés assassinés à coups de couteau à leur domicile, à Téhéran. Entre le 25 novembre et le 9 décembre 1998, les journalistes et écrivains Majid Charif, Mohamad Mokhtari et Mohamad Jafar Pouyandeh ont disparu. Leurs corps ont été retrouvés, quelques jours plus tard, dans la banlieue de Téhéran. Par ailleurs, Pirouz Davani, rédacteur en chef du journal Pirouz, est porté disparu depuis fin août 1998. Son corps n'a jamais été retrouvé. Pour avoir notamment fait état de rumeurs sur l'"exécution" de Pirouz Davani et mis en cause le procureur du tribunal spécial du clergé, Mohseni Ejehi, dans cet assassinat, le journaliste Akbar Ganji a été poursuivi et détenu à la prison d'Evine pendant six ans. Joint par Reporters sans frontières, le journaliste a affirmé que “ces cas ne représentent qu'une infime partie des exactions perpétrées par le régime pendant ces années de banalisation du mal. Les autorités ont fait ce qu'il fallait pour faire taire ces journalistes”. Si l'implication de personnalités de haut rang a été prouvée, il n'y a eu aucune volonté politique de les poursuivre en justice. Trois des suspects, Mostafa Pourmohamadi, actuel ministre de l'Intérieur, Gholam-Hossein Mohseni Ejei, actuel ministre des Renseignements, et Ghorbanali Dorri-Najafabadi, ancien ministre des Renseignements et actuel procureur de la République, n'ont jamais été inquiétés. Seuls une quinzaine d'agents du ministère des Renseignements ont été reconnus coupables et condamnés à des peines allant de trois à douze ans de prison. De même, malgré sa mise en cause dans l'assassinat de la photographe - journaliste Zahra Kazemi, le procureur général de la ville de Téhéran, Said Mortazavi, demeure l'un des piliers de la justice iranienne. En revanche, les deux avocats des familles des journalistes assassinés en 1998 et de Zahra Kazemi, Nasser Zarafashan et Abdolfattah Soltani ont été poursuivis en justice pour avoir “divulgué des éléments du dossier”. Me Zarafashan est aujourd'hui toujours derrière les barreaux tandis que Me Soltani a été mis en liberté provisoire le 5 mars 2006 après avoir passé plus de deux cents jours en détention. Reporters sans frontières rappelle que le président Mahmoud Ahmadinejad et l'ayatollah Ali Khamenei font partie de la liste des 35 prédateurs de la liberté de la presse dans le monde.
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Updated on 20.01.2016