Parler de corruption offense le chef de l'Etat sénégalais
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Quatre responsables et journalistes du groupe D-Média ont été arrêtés depuis samedi dernier au Sénégal. Reporters sans frontières (RSF) rappelle que tous les sujets, y compris les faits de corruptions liés au financement politique, doivent pouvoir être traités librement, et s’étonne de mesures aussi agressives dans ce pays pourtant connu pour son exercice pluriel et relativement libre de la presse.
Y a-t-il des sujets tabous au Sénégal? Plutôt réputé paisible pour les journalistes, le climat s’est récemment tendu depuis les révélations de corruptions et de pots de vins, rendues publiques par le journal français Le Monde. Les discussions autour de ce scandal sur des antennes du groupe D-Média, n’ont semble-t-il pas été du goût des autorités sénégalaises qui parlent même d’ “offense au chef de l'Etat".
Depuis samedi dernier, la police a convoqué pas moins de quatre employés du groupe D-Média. Massamba Mbaye, le directeur général du groupe qui comprend le quotidien La Tribune, la chaîne SenTV et la radio Zik FM a été arrêté et longuement auditionné par la police avant d'être reconvoqué pour le lundi suivant.
Trois de ses équipiers -la responsable des programmes de Sen-Tv, Ndèye Astou Guèye, son journaliste-présentateur, Mamadou Mansour Diop et le journaliste Pap Bess Diba- ont eux aussi été entendus lundi 21 décembre et priés de rester à la disposition de la justice.
Ces arrestations surviennent après la diffusion vendredi sur les antennes de Sen Tv et Zik FM d’émissions discutant les révélations de l'ancien président de la Fédération internationale d'athlétisme, Lamine Diack, qui expliquait avoir reçu de Moscou des pots-de-vin qu'il avait affecté en 2009 et 2012 au financement des campagnes électorales de l'opposition au Sénégal.
Dès le lendemain, la police a fait irruption dans les locaux de Sen TV afin de confisquer toutes les bandes des émission programmées entre 14 et 17h la veille et d'arrêter Mamadou Mansour Diop, présentateur sur SenTv et Zik FM. Celui-ci est accusé de "commentaires attentatoires" portant "offense au chef de l'Etat".
"Le Sénégal ne nous a pas habitué à ces mesures autoritaires qui envoient un message menaçant et d'auto-censure à l'ensemble des médias, déplore Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Les chefs d'accusation d'offense au chef de l'Etat sont absolument disproportionnés. Les journalistes ont fait le choix de poser des questions, certes dérangeantes, mais qui participent d'un débat public légitime. Nous demandons que toutes les charges contre eux soient abandonnées et qu'ils puissent continuer à exercer librement leur travail d'information."
Les atteintes directes contre les journalistes au Sénégal s’étaient espacées ces dernières années. Néanmoins le pouvoir garde la bride sur le cou de la presse indépendante. Le Parlement continue notamment de refuser de voter le nouveau Code la presse, qui prévoit la dépénalisation des délits de presse, et qui dort dans les tiroirs depuis plus de cinq ans.
Le Sénégal occupe la 71ème place sur 180 pays dans le (Classement 2015 de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières.->xxx->https://index.rsf.org/#!/)
Photo: Mamadou Mansour Diop, www.leral.net
Publié le
Updated on
08.03.2016