Pakistan : le journaliste Hamza Azhar Salam menacé de mort pour une enquête sur un scandale de corruption au sommet de l’État

Rédacteur en chef du Pakistan Daily, il a reçu des menaces de mort émanant d’un homme d’affaires le mois dernier, après avoir publié un article le mettant en cause dans un important scandale de corruption. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des méthodes inadmissibles et appelle le gouvernement à garantir la sécurité du journaliste.

La mort au bout du fil… C’est ce que s’est vu promettre, le 9 décembre dernier, Hamza Azhar Salam, rédacteur en chef du Pakistan Daily, s’il ne supprimait pas un tweet et un article publiés la veille. Ceux-ci apportent des preuves de l’implication du magnat de l’immobilier Malik Riaz dans un scandale de corruption lié à l’ex Premier-ministre Imran Khan. À la suite de ces révélations, un nervi au service de ce même Malik Riaz a téléphoné au journaliste et a promis d’employer des “moyens alternatifs aux moyens légaux” si ce dernier n’obtempérait pas.

“Ce type de menaces est absolument inadmissible, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Aussi puissants soient-ils, et quelle que soit la brutalité des moyens qu’ils emploient, les milieux d'affaires n’ont pas à s’opposer ainsi à la révélation d’informations relevant d’un intérêt public majeur pour les citoyens pakistanais. Nous demandons au gouvernement du Premier ministre Shehbaz Sharif de tout mettre en œuvre pour assurer la protection de Hamza Azhar Salam et garantir le respect de l’État de droit.”

L’enquête signée par le journaliste révèle, preuves à l’appui, que Farah Gogi, une proche d’Imran Khan, s’est rendue à Dubaï le 29 avril 2019 à bord d’un avion de Bahria Town, la société de construction immobilière de Malik Riaz.

Scandale

Les dates de ce vol revêtent une importance particulière, puisqu’elles coïncident avec la vente, toujours à Dubaï, d’une parure de diamants offerte par le prince héritier saoudien à Imran Khan, au titre des cadeaux diplomatiques. 

Or, l’ex-Premier ministre est accusé d’avoir vendu la précieuse parure pour deux millions de dollars (près d’1,9 million d’euros), au nez et à la barbe du Trésor public pakistanais, par l’intermédiaire de cette même Farah Gogi. Surnommée au Pakistan le “scandale de la Toshakhana”, du nom de l’organe qui gère les cadeaux diplomatiques, cette affaire a conduit la Commission électorale à déclarer Imran Khan inéligible pour cinq ans.

En apportant des preuves supplémentaires, l’enquête d’Hamza Azhar Salam fait la lumière sur la complicité de la société Bahria Town et de son PDG, Malik Riaz. “Mon article révèle que Malik Riaz a activement facilité les activités de corruption de Farah, lesquelles ont directement bénéficié à l’ex-Premier ministre Imran Khan et à sa famille”, explique le journaliste à RSF.

Réseaux d’influence

Dans la foulée de menaces qu’il a reçues, Hamza Azhar Salam a été sommé par l'avocat de l’homme d’affaires  de lui payer 10 milliards de roupies (plus de 40 millions d’euros). Et, après qu’il a tenté de résister par des moyens légaux, le journaliste se retrouve confronté aux nombreux réseaux d’influence du magnat de l’immobilier dans plusieurs secteurs de la société, dont la justice.

“La clan de Malik Riaz a l’habitude d’employer des hommes armés pour intimider les personnes [qui le gênent], poursuit-il. On m'a conseillé de changer fréquemment de domicile et de limiter mes contacts avec le monde extérieur. J'essaie toujours de mener une vie normale, mais je vis dans la peur à cause des menaces de Bahria Town.”

Ses craintes sont à prendre particulièrement au sérieux au Pakistan, placé à la 157e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2022 de RSF. La quasi-totalité des meurtres commis contre les journalistes ces vingt dernières années sont restés totalement impunis.
 

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