Ouzbékistan : détention au secret d’une journaliste, sur fond d’étouffement médiatique d’une répression sanglante

Arrêtée le 1er juillet à Tachkent, capitale de l’Ouzbékistan, Lolagul Kallykhanova couvrait à distance les manifestations au Karakalpakistan, réprimées dans le sang. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités à laisser ses proches et un avocat indépendant lui rendre visite, à détailler les crimes qui lui sont reprochés et à mettre un terme à l’étouffement médiatique de ces événements.

Mise à jour : Le 31 janvier 2023, Lolagul Kallykhanova a été condamnée à 8 ans de prison avec sursis dont 3 ans de "période d'essai". Elle est reconnue coupable de complot pour prendre le pouvoir ou renverser l'ordre constitutionnel, organisation d'émeutes de masse accompagnées de violence et diffusion de matériaux socialement dangereux avec complot préalable par un groupe de personnes utilisant Internet.

Si les droits de Lolagul Kallykhanova sont bien respectés, comme l’avance le bureau du procureur général, pourquoi le public et ses collègues n’ont-ils encore aucune nouvelle ?, s’interroge la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. La situation semble ubuesque : avant d’affirmer qu’il n’y a aucune plainte concernant sa santé et ses conditions de détention, les autorités devraient laisser ses proches et un avocat indépendant lui rendre visite. RSF exhorte les autorités à faire preuve de transparence sur son cas et plus globalement à cesser d’étouffer toute information sur les mouvements de protestation au Karakalpakistan et leur répression.”

Lolagul Kallykhanova se trouve en détention pour “des indices de crimes portant atteinte à la sécurité publique”, d’après le bureau du procureur général d’Ouzbékistan. Le communiqué posté sur Telegram le 8 juillet précise qu’elle fait partie d’un groupe de 14 personnes placées en garde à vue dans le cadre d’une affaire pénale pour “atteinte à l’ordre constitutionnel” liée aux “émeutes” au Karakalpakistan (république autonome au nord-ouest de l’Ouzbékistan).

Le jour de sa disparition, la journaliste originaire du Karakalpakistan a publié sur la chaîne Telegram de son média Makan.uz des images des manifestations dans cette république et des appels à soutenir la résistance pacifique à un projet d’amendement constitutionnel - supprimé depuis - qui aurait amoindri son degré d’autonomie. La rédaction de Makan.uz a déclaré le 11 juillet ne plus avoir accès à la chaîne Telegram du site.

Une autre journaliste, correspondante pour le média indépendant Eurasianet, a quant à elle été interpellée le 2 juillet en plein reportage dans la capitale régionale, Noukous. Contrainte de supprimer ses photos et vidéos, Joanna Lillis a dû subir un interrogatoire au poste de police malgré des documents en règle.

Les rassemblements au Karakalpakistan, violemment réprimés, ont été peu couverts par les médias ouzbeks, l’État exerçant un contrôle fort sur la presse dans ce pays d’Asie centrale où seuls quelques médias en ligne publient une information indépendante de qualité. Outre ce contexte hostile, le travail des journalistes se trouve encore compliqué par les restrictions d’accès à l’Internet. Tous les utilisateurs des opérateurs mobiles au Karakalpakistan sont touchés depuis le 25 juin, et les fournisseurs d’accès à l’Internet fixe depuis le 1er juillet. Le ministère des Affaires étrangères justifie ces coupures par la nécessité d’empêcher la diffusion de fausses informations et par “l’implication des citoyens dans des activités anticonstitutionnelles”. L’état d’urgence a été décrété dans la région le 2 juillet, pour un mois.

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