Ouverture du procès de 15 journalistes kurdes incarcérés : RSF appelle à leur libération et à l'abandon des charges contre 30 professionnels de l'information

Après plus d’un an de détention préventive, 15 journalistes de médias pro-kurdes de la région de Diyarbakir, comparaissent devant la cour d’assises et risquent jusqu’à 15 ans de prison. Reporters sans frontières (RSF) demande leur libération immédiate et la fin de l'instrumentalisation de la législation antiterroriste par les autorités judiciaires turques. 

Le 11 juillet, débute le procès de 15 journalistes de médias pro-kurdes de la région de Diyarbakir devant la cour d’assises de cette ville du sud-est du pays. Accusés officiellement, comme une trentaine de journalistes kurdes sur cette dernière année, d’“appartenir à l’organisation illégale du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ils risquent jusqu’à 15 ans de prison. Le PKK est une organisation interdite par Ankara et l’Union européenne. 

Or Ankara considère abusivement que les activités professionnelles de certains journalistes sont des signes de légitimation du PKK. Les autorités incluent dans les accusations la collaboration avec des agences de production kurdes locales (Sociétés Pel, Ari et Piya), le partages de posts sur les réseaux sociaux sur la question kurde, leur définition du terme “guerre” pour les conflits dans le nord de l’Irak et à la frontière syrienne. 

“Le recours récurrent à la détention abusive avait fait de la Turquie en 2016, en 2017 et en 2018 l’une des plus grandes prisons pour les journalistes dans le monde. Malgré une dizaine de libérations survenues ces deux derniers mois, la situation pour les professionnels de médias reste tout aussi alarmante. La justice doit cesser une bonne fois pour toute d’user de ces détentions politiques et libérer les 15 journalistes emprisonnés de manière abusive.

Erol Onderoglu
Représentant de RSF en Turquie

Ces 15 journalistes ont été interpellés le 8 juin 2022 dans le cadre d’une vaste opération contre le PKK puis emprisonnés huit jours plus tard. Sont actuellement détenus dans la prison de haute sécurité de Diyarbakir et jugés ce mardi 11 juillet : le co-président de l’Association des journalistes Dicle-Fırat (DFG) Serdar Altan, le rédacteur en chef du site Xwebûn Mehmet Ali Ertaş, le chef de la rédaction de l’Agence Mésopotamie (MA) Aziz Oruç, ainsi que les reporters de cette agence Zeynel Abidin Bulut, Ömer Çelik, Mazlum Doğan Güler, Ibrahim Koyuncu, Neşe Toprak, Elif Üngür, Abdurrahman Oncü, Suat Doğuhan, Remziye Temel, Ramazan Geciken, Lezgin Akdeniz et Mehmet Şahin. 

Le procès suivant : six journalistes incarcérés en attente prochainement jugés

Leur procès pourrait influer sur les prochains à venir. Six autres journalistes, incarcérés en avril dernier, à deux semaines des élections présidentielle et législatives, sous les mêmes actes d’accusation devraient être jugés dans les mois à venir. Le rédacteur de l’agence Mésopotamie Abdurrahman Gök comparaîtra en septembre devant la cour d’assises de Diyarbakir le 14 septembre prochain. Il risque 22 ans et 6 mois de prison. Ses confrères de l’agence Mésopotomie Sedat Yilmaz, Mehmet Sah Oruc, Remzi Akkaya, la co-directrice de l’Association de journalistes de Dicle Firat (DFG) Dicle Muftuoglu et le journaliste indépendant Mikail Barut risquent également 15 ans de prison. 

Des libérations mais pas d’abandon de charges

RSF s’inquiète également des conditions de libération de plusieurs journalistes depuis deux mois. S’ils sont neuf journalistes kurdes emprisonnés en octobre 2022 à avoir été libérés le 16 mai dernier, ils restent tous sous contrôle judiciaire sur décision de la cour d’assises d’Ankara le 5 juillet, après six mois de détention préventive. L’affaire judiciaire se poursuivra alors le 26 octobre pour la rédactrice en chef et les journalistes de l’agence de presse MA (Diren Yurtsever, Berivan Altan, Deniz Nazlim, Selman Gozelyuz, Hakan Yalcin, Ceylan Sahinli et Emrullah Acar), ainsi que pour deux journalistes de l’agence de presse féminine Jin News (Habibe Eren et Öznur Deger). Reporter pour ce même média, Beritan Canozer incarcérée le 27 avril dans le cadre d’une autre opération régionale visant le PKK, a été remise en liberté le 23 juin par le parquet de Diyarbakir, dans l’attente de son procès. Il en est de même de la directrice de l’agence Safiye Alagas, interpellée le 8 juin 2022,  libérée le 15 juin dernier, après que le cas de son média ait été séparé de celui de l’agence MA, mais toujours poursuivie.

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