Ouverture d’un tribunal à La Haye pour rendre justice aux journalistes assassinés

Dans un effort sans précédent pour rendre justice aux journalistes assassinés, trois des plus grands groupes de défense de la liberté de la presse ont lancé un Tribunal des peuples visant à responsabiliser les gouvernements. Le Tribunal, une forme de justice d’opinion, repose sur des enquêtes et des analyses juridiques expertes d’affaires spécifiques relatives à trois pays. L’ouverture de ce tribunal aura lieu à La Haye le 2 novembre. Des médias internationaux et des juristes spécialisés y assisteront.

Les violences contre les journalistes sont en augmentation dans le monde entier. Depuis 1992, plus de 1 400 d’entre eux ont été tués, et dans neuf cas sur dix, les assassins restent en liberté. En réaction à cette crise de l’impunité, le Tribunal des peuples contre les assassinats de journalistes, initié par Free Press Unlimited (FPU), le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Reporters sans frontières (RSF), sera inauguré officiellement mardi 2 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour la fin de l’impunité des crimes contre les journalistes.

 

Le Tribunal des peuples contre les assassinats de journalistes agira sur une période de six mois. L’audience d'ouverture de cette semaine sera suivie par trois audiences spécifiques à trois pays et une audience de clôture le 3 mai 2022, journée mondiale de la liberté de la presse 2022. L’audience du 2 novembre fera appel à 13 témoins, qui livreront leur expertise devant les juges. La Procureure principale, l’avocate de renommée internationale spécialisée dans les droits humains Almudena Bernabeu, présentera les charges retenues contre les gouvernements du Sri Lanka, du Mexique et de la Syrie pour n’avoir pas rendu justice pour les assassinats respectifs de Lasantha Wickrematungae, Miguel Ángel López Velasco et Nabil Al-Sharbaji.

 

Des centaines de participants du monde entier se réuniront à La Haye afin de marquer cette journée symbolique et les débats comprendront les témoignages de personnalités qui luttent en faveur de la liberté de la presse. Parmi elles, la lauréate du prix Nobel de la paix et célèbre journaliste philippine Maria Ressa, qui témoignera des menaces qui pèsent sur elle en représailles de son travail, mais également Matthew Caruana Galizia, journaliste et fils de la journaliste maltaise assassinée Daphne Caruana Galizia, la journaliste d’investigation Pavla Holcová, une collègue de Ján Kuciak,  journaliste slovaque assassiné, et Hatice Cengiz, la fiancée de Jamal Khashoggi, journaliste saoudien assassiné en 2018.

Le Tribunal des peuples vise à mettre les gouvernements devant leurs responsabilités face aux violations des lois internationales, sensibiliser le public et réunir  des éléments de preuves légitimes, ainsi que donner aux victimes les moyens de s’exprimer et de voir leurs récits consignés. Le Tribunal des peuples contre les assassinats de journalistes consiste en cinq audiences se déroulant du 2 novembre 2021 au 3 mai 2022 pour juger les gouvernements du Sri Lanka, du Mexique et de Syrie accusés d’avoir échoué à rendre justice pour les assassinats de Lasantha Wickrematungae, Miguel Ángel López Velasco et Nabil Al-Sharbaji. Chacun de ces cas est marqué par une impunité continue, qui reflète un schéma plus large des violences contre les journalistes. Les documenter en détail permettra de montrer comment les États échouent à honorer leurs obligations en matière de lois internationales ainsi que l’impact de l’impunité sur les victimes, les communautés journalistiques et les sociétés. 

L’audience d’ouverture se tiendra de 9:00 à 18:00 CET le mardi 2 novembre 2021 à La Haye. Pour y assister, à distance ou en personne, envoyez un email à [email protected] ou enregistrez-vous en ligne via Zoom ou connectez-vous au livestream YouTubehttps://www.youtube.com/watch?v=fVq7C54h7Z0.

 

Almudena Bernabeu, Procureure du Tribunal populaire contre les assassinats de journalistes :

« La liberté d’expression est un droit humain fondamental. Pourtant, la fréquence des violations commises contre les journalistes, à laquelle il faut ajouter le niveau toujours croissant d’impunité, est alarmante. Il est grand temps que les Etats soient mis devant leurs responsabilités. »

 

Hatice Cengiz, chercheuse et fiancée du journaliste Jamal Khashoggi :

« Je participe au Tribunal des peuples pour révéler la vérité sur la façon dont les journalistes sont ciblés par des gouvernements illégitimes, qui ont tant à cacher. Le monde doit connaître les faits réels et doit prendre des décisions pour protéger la liberté de la presse. »

 

Matthew Caruana Galizia, journaliste et directeur de la Fondation Daphne Caruana Galizia :

« J’ai décidé de participer au Tribunal des peuples car les attaques des gouvernements contre nos droits démocratiques sont une source d’inquiétude. Le statut d’Etat est une arme qui devrait être utilisée pour défendre les libertés du plus grand nombre. Or, partout où des journalistes sont assassinés pour avoir enquêté sur la corruption et le crime organisé, le statut d’Etat est au contraire utilisé pour défendre les intérêts de seulement quelques-uns. »

 

Publié le
Mise à jour le 01.11.2021