Olusegun Obasanjo, président d'un pays à hauts risques pour les journalistes

A l'occasion de son discours à l'Assemblée générale de l'ONU, Reporters sans frontières appelle le chef de l'Etat nigérian, qui préside actuellement l'Union africaine et le Commonwealth, à mettre fin à la dégradation continue de la liberté de la presse dans son pays. Au Nigeria, cinquante-trois atteintes à la liberté de la presse ont été signalées depuis le début de l'année 2004.

Lorsque le président nigérian Olusegun Obasanjo s'exprimera jeudi 23 septembre devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York, les journalistes de l'hebdomadaire The Insider Weekly l'écouteront sans doute avec attention. Mais ils l'écouteront depuis leur cachette, quelque part à Lagos, après qu'un commando du State Security Service (SSS), le 4 septembre, a brutalement fermé leurs bureaux et confisqué leur matériel pour avoir soi-disant « publié des articles désobligeants à l'égard du Président et commandant en chef, et d'autres personnalités du gouvernement ». Selon son porte-parole, Olusegun Obasanjo s'adressera à l'Assemblée générale de l'ONU « en tant que président du Nigeria, mais aussi en tant qu'actuel président de l'Union africaine et du Commonwealth ». Reporters sans frontières appelle donc le chef de l'Etat nigérian, actuel porteur de charges aussi prestigieuses, à respecter les journalistes de son pays et à les aider à exercer leur métier, au lieu de les maltraiter. « Olusegun Obasanjo, qui ne manque pas une occasion d'afficher publiquement son attachement à la vie démocratique, doit faire cesser le harcèlement dont font l'objet de nombreux professionnels de l'information et mettre bon ordre au sein de la police d'Etat qui les brutalise, a déclaré Reporters sans frontières. Il prouverait ainsi que le Nigeria est sorti des années noires de la persécution politique. » « Les journalistes nigérians ont payé un lourd tribut à la dictature de Sani Abacha, a ajouté l'organisation. En 1999, lorsque le pouvoir a été rendu aux civils, nous pensions qu'ils pourraient enfin sortir du 'journalisme de guérilla' et que la peur du SSS appartenait désormais au passé. Le climat de cette fin d'année 2004 nous incite à penser le contraire. » Arrestations, tabassages et raids à répétition : un bilan inquiétant Cinquante-trois atteintes à la liberté de la presse ont été signalées à Reporters sans frontières depuis le début de l'année 2004. Sept journalistes ont été interpellés ; quinze ont été physiquement attaqués par des membres des forces de police ou d'un corps d'armée ; au moins trois ont été publiquement menacés, notamment par un gouverneur. Plus d'une vingtaine d'autres ont été placés sous surveillance, expulsés, rackettés, convoqués à un poste de police, soumis à de fortes amendes, suspendus ou ont fait l'objet de mesures vexatoires. Dans le courant du seul mois de septembre 2004, le SSS a effectué deux raids contre des journaux considérés comme faisant partie de « l'opposition », les hebdomadaires The Insider Weekly et Global Star. Chaque fois, la police d'Etat a utilisé des méthodes brutales, saisi arbitrairement du matériel et arrêté des citoyens nigérians sans motif valable. Reporters sans frontières rappelle une fois de plus que « la liberté d'expression, y compris le droit de soutenir des opinions, de diffuser ou de recevoir des idées ou des informations sans interférence » est garantie par l'article 39 de la Constitution du Nigeria. Celle-ci a été promulguée en juillet 1999 dans la foulée de l'élection à la présidence d'Olusegun Obasanjo, qui représentait alors l'espoir des Nigérians après quinze ans de dictature.
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Updated on 20.01.2016