Nouvelle politique des otages : "les autorités américaines doivent se montrer à la hauteur des espoirs suscités"
Après plusieurs mois de consultations auxquelles RSF a été associée, Barack Obama a présenté ce mercredi 24 juin la nouvelle politique des otages de la Maison Blanche. L’organisation salue des avancées réelles, notamment la possibilité de négocier avec les ravisseurs et de mieux impliquer les familles des otages. Les autorités américaines doivent désormais se montrer à la hauteur des espoirs suscités par leurs annonces.
Reporters sans frontières (RSF) salue la nouvelle “politique américaine des otages” (hostage policy) dévoilée le 24 juin 2015 par le président Barack Obama à l’issue de la réception d’anciens otages et de familles d’otages américains. L’organisation avait réclamé une refonte de la politique des otages (hostage policy review), notamment une transparence vis-à-vis des familles, une meilleure collaboration entre les agences du gouvernement, et surtout que l’option militaire ne soit pas considérée comme la seule solution. A l’issue d’un processus de réflexion, auquel RSF a été associée notamment lors de réunions avec le National Security Council, les autorités américaines ont réitéré le principe de la politique de “zéro concession” (ni rançon, ni échange de prisonniers) mais précisé que dorénavant les Etats-Unis ne s’interdiraient pas de négocier ou de prendre contact avec les individus et groupes qui détiennent les otages ainsi qu’avec d’éventuels intermédiaires.
“Reporters sans frontières (RSF) salue cette nouvelle politique, fruit d’une consultation unique en son genre aux Etats-Unis, souligne Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. L’ONG a toujours demandé que l’option militaire ne soit pas la seule piste privilégiée. La Maison Blanche affirme qu’il y a une place pour les négociations dans le traitement des affaires d’otages, c’est une inflexion de doctrine salutaire. Il convient maintenant de traduire ces paroles en actes et de partager davantage les informations avec les familles, tenues jusqu’à lors à l’écart des choix stratégiques concernant leurs proches quand elles n’étaient pas obligées de discuter elles-mêmes avec les preneurs d’otages. Les autorités américaines doivent se montrer à la hauteur des espoirs suscités”.
La veille de l’annonce, la directrice des programmes de RSF, Lucie Morillon, a participé à une réunion au Centre national anti-terroriste (National CounterTerrorism Center), lors de laquelle les représentants de plusieurs agences gouvernementales avaient présenté aux anciens otages et aux familles d’otages les résultats de la consultation. Y étaient notamment présents Debra et Marc Tice, parents du journaliste Austin Tice détenu en Syrie depuis 2012, pour lequel RSF mène campagne, et Diane et John Foley, parents du journaliste sauvagement assassiné par le groupe Etat islamique en août 2014, soutenus et conseillés par RSF, notamment dans le cadre de la fondation “James Foley” qui vient en aide aux victimes d’enlèvements et aux reporters de guerre.
La nouvelle politique des otages entend impliquer davantage les familles dans la stratégie de libération de leurs proches. Le gouvernement américain crée une cellule opérationnelle (Hostage Recovery Fusion Cell) réunissant des représentants de tous les services de l’Etat, en charge de développer et de mettre en oeuvre des stratégies spécifiques dédiées à la libération des otages. Cette cellule répondra à un groupe décisionnel rattaché à la Maison Blanche et un coordinateur sera en contact direct avec les proches. Un envoyé spécial du président sera également désigné pour mener des initiatives diplomatiques auprès d’autres gouvernements. Cette nouvelle politique met l’accent sur la coordination et synchronisation des services. Autre point à souligner : les familles ne seront plus menacées de poursuites judiciaires si elles tentent de réunir de l’argent pour des rançons. Une évaluation sera menée d’ici six mois et un rapport rédigé à l’issue de la première année d’application de cette nouvelle politique.
“Les familles continuent à nourrir des inquiétudes sur la transparence et le soutien dont elles pourront bénéficier, déclare Lucie Morillon, directrice des programmes de RSF. Au lieu de nommer un coordinateur de haut niveau, demande exprimée par un certain nombre de familles, les autorités américaines ont créé un groupe doté d’une direction tournante. Ce dispositif devra démontrer qu’il est capable de surmonter les divergences entre services et de mettre en branle un mécanisme d’alerte rapide et efficace. Certaines familles ont suggéré que des ONG puissent être parties prenantes ou associées à cette cellule. Nous demandons aux autorités d’entendre leur demande, motivée par la volonté d’assurer la transparence des procédures employées. RSF se tient prête à participer à l’évaluation de cette nouvelle politique dans les mois à venir afin de s’assurer que des actions correctives sont prises en cas de dysfonctionnements”.
Réaction des familles
Dans un communiqué publié peu après le discours du président américain, Diane et John Foley ont exprimé leur reconnaissance au groupe chargé de la révision de la politique envers les otages pour avoir “mis en lumière la situation de ces citoyens americains kidnappés à l’étranger”. Et d’approuver leur détermination à enquêter et à remettre en cause “ce qui était auparavant une réponse inappropriée aux kidnappings”.
Debra et Marc Tice font quant à eux preuve d'un "optimisme modéré". "Nous espérons que cette politique va inciter notre gouvernement à se concentrer sur la question du retour des otages au plus tôt et dans les meilleures conditions sécuritaires. Nous avons quelques inquiétudes, concernant la direction de la structure mise en place, et l'absence de référence à la question de la protection de l'identité et des biens des otages. Cependant, nous estimons qu'il s'agit de débuts prometteurs et nous sommes sensibles à l'engagement pris par le président de revoir régulièrement cette politique et de la faire progresser. Notre famille sera comblée lorsque cette nouvelle politique aura montré son efficacité et que nous tiendrons à nouveau Austin dans nos bras."