Nouvelle campagne des conservateurs contre les télévisions jugées « anti-islamiques »
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Depuis le 13 mars, les milieux conservateurs, notamment le Conseil des oulémas dirigé par le président de la Cour suprême Fazl Hadi Shinwari, font pression pour l'interdiction des chaînes de télévision jugées anti-islamiques. La seule chaîne privée hertzienne, Tolo TV, est particulièrement visée.
Reporters sans frontières interpelle le président Hamid Karzai pour qu'il se prononce une fois pour toutes en faveur de la télévision par câble et du pluralisme audiovisuel en Afghanistan. L'organisation craint que le président élu démocratiquement soit influencé par des juges de la Cour suprême dont la légitimité est vivement contestée dans le pays. « En terme de programmes de télévision, c'est au public de trancher, et non au gouvernement de décider ce qui est bon ou mauvais. C'est une attitude de censeur qui est en contradiction avec la Constitution et la loi sur la presse afghane », a affirmé Reporters sans frontières dans une lettre au président Karzaï.
Le 13 mars 2005, le Conseil des oulémas a demandé au gouvernement de faire cesser la diffusion de programmes « immoraux et anti-islamiques » par les télévisions privées et publiques du pays. Réunis à Kaboul, la centaine de membres du Conseil a vivement critiqué la chaîne de télévision privée Tolo TV. L'un d'eux a ainsi déclaré à l'agence de presse Pajhwok Afghan News : « Nous avons décidé en accord avec la Constitution d'appeler à l'interdiction de la télédiffusion de danses car elles sont complètement contraires à la Charia. » L'article 3 de la Constitution prévoit qu'aucune loi ne peut être opposée à la Charia, tandis que l'article 34 protége la liberté d'expression.
De leur côté, les responsables des télévisions concernées ont nié la diffusion de programmes anti-islamiques. Le directeur de Tolo TV a déclaré que ces prises de position des mollahs étaient « personnelles ».
Il a par ailleurs critiqué les activités de la Commission de contrôle des programmes mise en place en novembre 2004. Cette dernière l'a convoqué le 16 février 2005 pour lui demander de revoir un programme musical et de remplacer un présentateur. Les membres de la commission auraient également dénoncé certains journalistes de Tolo TV comme des citoyens non respectables.
Cette campagne fait suite à une première vague de pressions qui avait conduit, fin 2004, à l'interdiction temporaire des télévisions par câble et à la création de la Commission de contrôle des programmes.
Le 7 novembre, le ministre de l'Information était intervenu auprès des directeurs des chaînes publiques et privées pour que cesse la diffusion de programmes jugés « islamiquement incorrects », notamment les films indiens et occidentaux où apparaissent des femmes dévoilées ayant des comportements choquant pour les Afghans. Le lendemain, le conseil des ministres présidé par Hamid Karzai avait interdit la télévision par câble et menacé de retirer la licence de Tolo TV, s'il était prouvé qu'elle diffusait des programmes contraires à l'islam et à la culture afghane.
Les juges conservateurs de la Cour suprême avaient mené campagne pendant le ramadan contre la télévision câblée. Le 10 novembre, le président de la cour, Fazl Hadi Shinwari, avait ordonné la fermeture des dizaines d'opérateurs dans le pays.
Au même moment, le ministre de l'Information annonçait que Hamid Karzai avait accepté de former une commission pour « évaluer les programmes des chaînes et autoriser à opérer ceux qui ne diffusent pas de films et de chansons anti-islamiques et immorales. »
Le 23 novembre, la commission avait tranché : les opérateurs de câble étaient de nouveau autorisés, mais ils devaient supprimer une dizaine de chaînes étrangères de leur offre, notamment celles diffusant des films indiens et occidentaux.
Tolo TV est la première et unique chaîne hertzienne privée d'Afghanistan. Lancée par le groupe de presse afghano-australien Moby Capital Partners, elle s'est distinguée en diffusant des programmes occidentaux, notamment le film « Les Dix commandements », et des clips musicaux, notamment de Madonna. Le même groupe avait également bouleversé le marché en lançant Arman FM, la première station commerciale, devenue en quelques mois la radio la plus écoutée de Kaboul.
Déjà en janvier 2003, la Cour suprême avait interdit la télévision par câble sur tout le territoire afghan. Après l'élaboration par le gouvernement d'un code régulant la diffusion des programmes et l'établissement d'une liste des télévisions autorisées, de nouvelles licences avaient été accordées en mai de la même année.
Publié le
Updated on
20.01.2016