Nouvel élément troublant dans l'enquête sur l'assassinat du journaliste Roberto Javier Mora García

Le rapport d'une commission d'enquête indépendante a révélé que l'arme retrouvée au domicile des deux suspects ne correspond pas à celle décrite par l'autopsie. "Cet élément troublant jette une nouvelle ombre sur le sérieux de l'enquête sur la mort, le 19 mars dernier, de Roberto Javier Mora García", s'est inquiétée Reporters sans frontières.

Reporters sans frontières exprime une nouvelle fois sa préoccupation au sujet de l'enquête sur l'assassinat du journaliste Roberto Javier Mora García après qu'une commission d'enquête indépendante a révélé que l'arme retrouvée au domicile des suspects ne correspond pas à celle décrite par l'autopsie. "Cet élément troublant jette une nouvelle ombre sur le sérieux de l'enquête sur la mort, le 19 mars dernier, de Roberto Javier Mora García. Il s'ajoute aux allégations de tortures lors des interrogatoires des deux suspects détenus et à l'assassinat de l'un d'eux en prison", a déclaré Reporters sans frontières. "Nous vous demandons d'ordonner une révision des expertises de l'arme sur la base des informations de la Commission In Memoriam et de nous tenir informés de vos conclusions", a ajouté l'organisation dans une lettre adressée à Ramón Duron Ruiz, procureur général de l'Etat de Tamaulipas. Dans un premier courrier, le 18 mai, Reporters sans frontières lui demandait déjà de mener une enquête approfondie sur l'assassinat en prison de Mario Medina Vázquez. "L'enquête devra notamment dire s'il s'agit d'un crime crapuleux ou d'un acte prémédité lié à l'affaire Roberto Javier Mora García", soulignait la missive restée, à ce jour, sans réponse. "Alors que le journaliste avait dénoncé à plusieurs reprises le trafic de drogue dans la région, nous vous demandons que la piste d'un crime commis pour ses écrits ne soit pas écartée", concluait l'organisation. Directeur éditorial du quotidien El Mañana publié à Nuevo Laredo (Etat de Tamaulipas, Nord-Est), Roberto Javier Mora García a été tué de plusieurs coups de couteau le 19 mars devant son domicile. Le 28 mars, ses voisins, Mario Medina Vázquez et Hiram Olivero Ortiz, un couple homosexuel, ont été arrêtés. Selon la police, Mario Medina Vázquez a avoué avoir tué le journaliste pour des motifs passionnels. Une version démentie par ce dernier qui a affirmé avoir été torturé pour obtenir des aveux. Le 13 mai, Mario Medina Vázquez a été tué par un codétenu à la prison de Cereso II, à Nuevo Laredo. Un nouvel élément
Dans un rapport publié le 30 mai 2004, la Commission In Memoriam (CIM) a révélé que l'arme retrouvée au domicile des suspects ne correspondait pas à celle décrite par l'autopsie. Le rapport médico-légal fait état de blessures infligées avec un couteau à double tranchant alors que le couteau retrouvé chez les suspects n'a qu'un fil coupant. Le 27 avril, Francisco Cayuela, alors procureur de l'Etat de Tamaulipas, avait annoncé que, selon des analyses de l'ADN, le sang retrouvé sur l'arme blanche était celui du journaliste. Dans son rapport, la CIM, qui a obtenu la copie des enregistrements vidéo des interrogatoires des deux suspects, revient également sur les allégations de tortures. Elle précise que Mario Medina Vázquez avait affirmé avoir été arrêté le 26 mars vers 19 heures alors que les autorités déclarent l'avoir interpellé à 23 heures. C'est pendant ce laps de temps qu'il affirme avoir été torturé et menacé de mort. De nationalité américaine, Mario Medina Vázquez avait dénoncé ces faits auprès du consulat de son pays qui avait formellement protesté. La CIM dénonce l'absence d'enquête sur ces actes de torture présumés. Cependant, après deux reports successifs, la confrontation entre Israel Castellanos Castillo, l'un des deux policiers mis en cause par les détenus, et Hiram Oliveros Ortiz a eu lieu le 2 juin. Une confrontation avec l'autre policier devait avoir lieu le 3 juin. Tué en prison
Dans son introduction, le rapport de la commission évoque également le meurtre en prison de Mario Medina Vázquez le 13 mai. Il a été poignardé à plus de 80 reprises par Roberto Herrera González, condamné pour deux homicides et pour possession de drogue. L'agresseur a d'abord affirmé avoir agi parce que la victime l'avait mis en cause à tort dans un crime avant de changer de version. Michael Yoder, consul des Etats-Unis à Nuevo Laredo, a affirmé que les autorités judiciaires mexicaines lui avaient garanti que, pour leur propre sécurité, Mario Medina Vázquez et Hiram Oliveros Ortiz étaient détenus dans une cellule isolée. Le consul s'est également étonné que le lieu où ce dernier a été tué ait été nettoyé avant l'arrivée de la police, privant celle-ci de précieux indices. Le 17 mai, depuis Washington, les autorités américaines ont exigé une enquête sur la mort de leur ressortissant. Le procureur de l'Etat de Tamaulipas, Francisco Cayuela, a présenté sa démission et été immédiatement remplacé. Rappels
Roberto Javier Mora García avait publié plusieurs articles sur les activités du Cartel du Golfe, une organisation de trafiquants de drogue de la région. Il dénonçait l'implication présumée de policiers et de fonctionnaires dans ce trafic ou encore les méthodes des "Zetas", d'anciens policiers chargés d'extorquer des entrepreneurs pour le compte des narcotrafiquants. Il avait également mis en cause la responsabilité des autorités dans le climat d'impunité qui règne dans l'Etat de Tamaulipas. Une délégation de la Commission In Memoriam s'est rendue dans l'Etat de Tamaulipas entre le 22 et le 24 avril 2004. Cette commission est composée des organisations mexicaines Centro de Estudios Fronterizos y de Promoción de los Derechos Humanos (CEFPDH), Libertad de Información-México (LIMAC), Centro de Periodismo y Etica Pública (CEPET), et des organisations internationales PEN Club et Periodistas Frente a la Corrupción (PFC). Elle travaille en étroite collaboration avec Reporters sans frontières. Lire l'intégralité du rapport
Publié le
Updated on 20.01.2016