Nigeria : un journaliste arrêté après la divulgation d’un rapport du chef de la police
Reporters sans frontières (RSF) demande la libération immédiate et sans condition d’un journaliste nigérian arrêté après avoir dévoilé un rapport officiel sur une opération de la sécurité d’Etat et rappelle la nécessité de respecter le secret des sources.
Samuel Ogundipe, journaliste pour le site d’investigation Premium Times, est détenu depuis mardi 14 août. Il a été arrêté par la brigade spéciale de lutte contre le vol (SARS) d’Abuja après la publication en ligne du rapport du directeur de la police sur l’intervention, le 7 août dernier, d’agents de la sécurité d’Etat. Cagoulés, ils avaient bloqué l’accès au Parlement pendant plusieurs heures. D’après le site Premium Times, la police cherche à savoir qui a fourni ce document au journaliste.
“Le secret des sources est l’un des principes fondamentaux du journalisme et aucun reporter ne peut être détenu au motif qu’il refuse de révéler l’identité de la personne lui ayant fourni des informations, rappelle Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Nous demandons la libération immédiate et sans condition de ce journaliste qui n’a rien à faire derrière les barreaux.”
Le reporter avait obtenu et diffusé le rapport du directeur de la police, Ibrahim Idriss, qui met en cause le chef de la sécurité d’Etat, Lawal Daura. Le document l’accuse d’avoir mené une opération “motivée par des intérêts politiques personnels” et sans concertation avec la présidence ou les autres agences de sécurité. L’intervention des agents de renseignement avait empêché la tenue d’une réunion au Sénat ayant pour agenda la destitution du président de l’institution qui a récemment rejoint l’opposition.
Musikilu Mojeed, le rédacteur en chef, et Azeezat Adedigba, un autre journaliste du site d’information en ligne Premium Times, ont également été brièvement détenus avant d’être relâchés.
Dans une lettre ouverte adressée au vice-président Yemi Osinbajo, le syndicat des journalistes nigérians (NUJ) a dénoncé les “attaques à répétition” d’Ibrahim Idriss, le chef de la police, contre la presse, rappelant que deux journalistes étaient restés en détention pendant 10 jours après avoir publié un article critique sur la sécurité d’Etat en janvier dernier.
Le mois suivant, le chef du bureau du quotidien privé Daily Independent à Abuja, Tony Ezimakor, était resté en détention une semaine pour avoir refusé de révéler ses sources aux agents de la sécurité d’Etat. L’article mis en cause concernait le détournement présumé de rançons que l’administration du président Muhammadou Buhari aurait payé pour obtenir la libération des 82 lycéennes de Chibok enlevées par le groupe terroriste Boko Haram en avril 2014.
Le Nigeria occupe la 119e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.