« On ne va pas faire de démenti, on va te tuer » : un journaliste attaqué par le clan d'un homme de l'ancien régime

Reporters sans frontières condamne l'attaque dont a été victime Khalil Ould Jdoud, rédacteur en chef du quotidien arabophone Al Akhbar, le 15 février 2006 à Nouakchott. Une dizaine d'hommes armés, aux ordres d'un ancien colonel reconverti dans les affaires, a fait irruption dans les locaux du quotidien à la recherche du journaliste, lequel a plus tard échappé à un accident volontaire alors qu'il était au volant de sa voiture. « L'agression de Khalil Ould Jdoud est révélatrice des nouveaux défis qui attendent la presse mauritanienne après la chute de l'ancien régime, a déclaré Reporters sans frontières. Nous saluons l'engagement volontaire des autorités dans cette affaire et les encourageons à persévérer dans cette voie. Le juge chargé d'identifier et de traduire les coupables en justice doit avoir la garantie que, quelle que soit l'influence des personnes impliquées dans cette attaque intolérable, aucune entrave ne sera mise dans la recherche de la vérité. Cette affaire doit servir d'exemple pour l'avenir. » Le jour de la publication, dans le numéro 57 d'Al Akhbar paru le 15 février, d'une enquête sur la situation financière de la Banque pour le commerce et l'investissement (BACIM), une dizaine d'hommes armés ont fait violemment irruption dans les locaux du journal à Nouakchott, à la recherche du rédacteur en chef, Khalil Ould Jdoud. Le journaliste, par ailleurs correspondant en Mauritanie de la chaîne d'information privée Al Arabyia et de Charq Al Awsatt, un quotidien arabophone basé à Londres, était absent à ce moment-là. Alertée, la police est intervenue et a interpellé les assaillants, qui étaient commandés par le demi-frère du principal actionnaire de la banque, l'ancien colonel Mohamed Mahmoud Ould Deh, l'un des hommes influents de l'ancien régime. Avant l'attaque, le demi-frère du colonel Ould Deh avait téléphoné à Khalil Ould Jdoud, qui lui avait proposé de publier un droit de réponse s'il le souhaitait. Son interlocuteur lui avait lancé : « On ne va pas faire de démenti, on va te tuer ». La BACIM, qui est aujourd'hui dans une situation précaire, est soupçonnée de s'être livrée, sous le gouvernement de l'ancien président Maaouyia Ould Taya, à des détournements de fonds au profit d'anciens hauts fonctionnaires. Le même jour, la voiture dans laquelle circulait Khalil Ould Jdoud a été violemment percutée par un véhicule tout-terrain, dans le centre de Nouakchott. Le journaliste, qui est parvenu à prendre la fuite sans avoir été blessé, a porté plainte et est immédiatement entré en clandestinité, craignant pour sa sécurité. Interrogée par Reporters sans frontières, une source gouvernementale a déclaré qu'il ne s'agit pas d'une « affaire politique, mais d'une affaire de droit commun ». « Les agresseurs de la rédaction sont en prison et nous vous assurons que, quels que soient les coupables, justice sera rendue. Les acquis de la liberté d'expression resteront intacts », a conclu cette source qui a requis l'anonymat. Khalil Ould Jdoud, contacté par l'organisation depuis sa cachette, bénéficie désormais d'une protection rapprochée du gouvernement. Il estime que son agression est « une tentative d'intimider la presse mauritanienne par la mafia du système déchu, qui veut saboter la transition démocratique que le pays vit actuellement ».
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Updated on 20.01.2016