Monitoring des médias en période électorale : les concurrents du président sortant et les débats contradictoires absents des médias
Organisation :
Reporters sans frontières rend publics, le 10 octobre 2008, les résultats de son monitoring de la couverture médiatique de la campagne présidentielle pour la période du 21 au 26 septembre 2008.
Les principaux thèmes traités par les médias lors de cette seconde semaine de monitoring ont été les déplacements du président Ilham Aliev à l'intérieur du pays, les activités de la première dame, Mehriban Alieva, et de la Commission électorale centrale (CEC) ainsi que l'actualité diplomatique.
L'activité des autres candidats à la présidence du pays n'a pas été suivie dans les bulletins d'information des médias observés. Le refus des autorités d'autoriser un rassemblement à Bakou des partis d'opposition - qui boycottent le scrutin - n'a fait l'objet d'aucune couverture. Les questions sociales, lorsqu'elles ont été abordées, ont été traitées de manière positive pour les autorités en insistant systématiquement sur les réformes entreprises par le pouvoir en place. Tous les médias ont diffusé des reportages sur l'organisation du processus électoral et sur l'activité du gouvernement et du Président.
Le monitoring quantitatif indique que la chaîne publique AzTV a consacré plus de 24 % de son activité éditoriale au thème du développement du pays et à la culture. ITV, pour sa part, a privilégié l'occupation d'une partie du territoire azerbaidjanais par l'Arménie (19,86 %), ainsi que les activités diplomatiques du pays (14,18 %), consacrant seulement 6,38 % de sa couverture éditoriale au processus électoral. La presse écrite a privilégié ce dernier thème ainsi que l'actualité politique sans lien avec les élections, suivis de près par la politique étrangère du pays. L'activité des candidats n'a fait, pour sa part, l'objet d'aucune couverture.
Programmes spéciaux
Selon les instructions de la CEC et le code électoral, seules les chaînes de télévision et de radio publiques ITV et IR sont autorisées à proposer un accès gratuit à leurs antennes aux candidats se présentant aux suffrages sous la forme de tables rondes diffusées à partir de 18h50 à la télévision, et de 21 heures à la radio. Chaque candidat dispose de 8 minutes et 35 secondes pour faire une déclaration. Si ce temps n'est pas utilisé intégralement, il n'est pas redistribué aux autres candidats. Les tables rondes sont modérées par un animateur qui rappelle, chaque fois qu'il laisse la parole à un candidat, que la loi punit la diffamation et l'insulte.
ITV et IR se sont conformées aux instructions et presque tous les candidats sont passés à l'antenne, à l'exception notable du président actuel, qui s'est fait représenter. Il n'y a eu aucun débat entre les candidats et aucune question n'a été posée sur leurs programmes ou engagements par le modérateur ou les autres candidats. Selon les données du monitoring, aucun clip de campagne n'a été diffusé.
Couverture médiatique dans les programmes politiques et d'information
La couverture des élections a été quasiment inexistante dans les programmes quotidiens d'information des chaînes publiques. Le scrutin du 15 octobre n'a été abordé qu'à travers des thèmes annexes : l'importance de voter ou les préparatifs de la CEC et de ses équivalents régionaux ou locaux. Dans la press écrite, la CEC a totalisé le plus de couverture éditoriale dans Respublika (5,4 %).
Dans les médias audiovisuels, le monitoring a mis en évidence une différence significative dans le temps d'antenne accordé aux différents acteurs politiques entre les chaînes AzTV et ITV. Sur les antennes de la première, le Président a totalisé 50,86 % du temps d'antenne et 92,93 % du temps de parole. Alors que sur ITV, il n'a mobilisé que 4,49 % du temps d'antenne. La radio IR lui a consacré 9,48 % de temps d'antenne mais 55,60 % du temps de parole. Il est à noter que plus de 37 % des programmes d'information de cette chaîne n'ont mentionné aucun acteur politique. Dans une veine similaire, la chaîne AzR a consacré 37,30% de son temps d'antenne à Ilham Aliev et 44,98 % du temps de parole.
La presse écrite focalisée sur un nombre limité d'acteurs politiques.
Le quotidien public Respublika a concédé 56,81 % de son espace éditorial au Président, 22,61 % à son défunt père et ancien président Heidar Aliev, et 7,55 % à la Fondation du même nom. La répartition est la même pour le quotidien Azerbaican avec 62,07 %, 19,65 % et 7,81 % de la couverture consacrée à ces trois acteurs. Pour le quotidien Halq, les résultats sont 48,76 %, 31,08 % et 4,13 %. Le quotidien Bakinskii Rabochii a lui aussi donné la faveur au chef de l'Etat (69,33 %), mais consacré plus de couverture à la Fondation H. Aliev qu'à l'ancien Président. La couverture photographique de ces quotidiens révèle les mêmes tendances : 88,53 % de cette dernière a été consacrée au Président sortant dans Respublika, 82,44 % dans Bakinskii Rabochii. Dans Azerbaican et Halq, Ilham Aliev totalise 82,85 % et 81,52 % de la couverture.
Conclusions et recommandations :
L'équipe du monitoring salue les efforts des chaînes IT et IR pour remplir leurs obligations de fournir un accès gratuit à tous les candidats. Néanmoins, elle déplore l'absence de débat contradictoire entre les candidats et d‘examen critique de leurs programmes par les présentateurs/modérateurs.
De la même manière, la surreprésentation du président actuel dans la presse écrite ou dans la comptabilité du temps de parole et d‘antenne des médias audiovisuels, associée à la quasi-absence des autres candidats, ne permet de donner pas aux citoyens une image complète de la campagne électorale et des actions des différents concurrents. L'équipe du monitoring est particulièrement alarmée par le fait qu'au plus fort de la campagne électorale, aucun reportage n'a été consacré aux différents candidats dans les médias observés.
Rappels
L'activité des médias publics, et particulièrement l'allocation de temps d'antenne ou d'espaces gratuits, est encadrée par le code électoral et les instructions de la CEC, qui se fondent sur la Constitution (art.47) ainsi que sur les lois “sur les médias” et “sur la publicité”. La directive de la CEC du 18 juillet 2008 spécifie que la campagne commencera 28 jours avant l'élection et que les médias audiovisuels à financement public devront allouer au moins 3 heures par semaine de programmes gratuits à la campagne. Leurs homologues de la presse écrite doivent offrir au moins 10 % de leur volume hebdomadaire à l'ensemble des candidats à l'élection avant le début de la campagne (paragraphe 3.6). Les candidats doivent également avoir la possibilité d'acheter des espaces ou du temps d'antenne aux différents médias. Les médias privés, eux, ne peuvent allouer qu'une couverture payante aux différents candidats.
Il incombe à la CEC de constituer une équipe chargée de vérifier la conformité de l'activité des médias à ces dispositions. Les droits et la procédure relevant des plaintes de candidats relatives à une couverture médiatique déséquilibrée ne sont pas spécifiquement détaillés, bien que le code électoral prévoie le traitement par la justice de ces plaintes.
Liste des médias observés
Médias audiovisuels : AzTV (télévision publique), ITV (télévision publique), AzR (radio publique), IR (radio publique), ANS (chaîne privée).
Presse écrite : Halq (quotidien en langue azerbaïdjanaise, paraît du mardi au samedi), Respublika (quotidien en langue azerbaïdjanaise, paraissant du mardi au dimanche), Azerbaycan (quotidien en langue azerbaïdjanaise, paraissant du mardi au dimanche) et Bakinskii Rabochii (quotidien russophone, paraissant du mardi au vendredi).
Candidats
Les principales formations de l'opposition ont décidé de boycotter le scrutin : Isa Gambar du Parti Musavat, Ali Kerimli du Parti du Front populaire d'Azerbaïdjan et Sardar Jalaloglou du Parti démocrate. De ce fait, la coalition d'opposition Azadlig boycottera le scrutin.
Sept candidats ont été autorisés par le CEC à se présenter à l'élection présidentielle, après avoir recueilli au moins 40 000 signatures. En plus de l'actuel président, Ilham Aliev, du Parti Yeni Azerbaijan Partiyasi il s'agit de Goudrat Hasangouliev, du Parti du Front populaire uni, de Fazil Gazanfaroglou du Parti de la grande formation, de Fouad Aliev du Parti libéral-démocrate d'Azerbaïdjan, d'Igbal Agazade du parti de l'espoir, d'Hafiz Hadjiev du Parti moderne Musavat et de Goulamhussein Alibeyli, candidat libre.
Publié le
Updated on
20.01.2016