Monitoring des médias en période électorale : le président sortant surreprésenté
Organisation :
Reporters sans frontières rend publics, le 13 octobre 2008, les résultats de son monitoring de la couverture par les médias d'Etat de la campagne présidentielle pour la période du 27 septembre au 3 octobre 2008. Cette étude s'inscrit dans le projet « Protection du pluralisme médiatique en période électorale » soutenu financièrement par l'Union européenne.
Les principaux thèmes traités par les médias publics lors de cette troisième semaine de monitoring ont été les déplacements du président Ilham Aliev à l'intérieur du pays et les activités diplomatiques de la République. Par ailleurs, la couverture de la campagne électorale a été importante, mais il a surtout été question des préparatifs des commissions électorales régionales et locales.
L'activité des autres candidats n'a généralement pas été traitée dans les bulletins d'informations. Elle a été réduite à des phrases générales, sans référence concrète. Le directeur de la chaîne publique ITV a donné une interview à l'agence de presse APA dans laquelle il a mentionné le refus de sa chaîne de donner l'antenne aux partis d'opposition qui boycottent l'élection. Sa propre chaîne, ITV, n'a pas fait état de cette information. La déclaration de l'OSCE sur la préparation de l'élection a été traitée de manière positive par la chaîne publique AzTV.
Le monitoring quantitatif montre que les radios IR et AzR ont proposé une plus grande variété de sujets que les chaînes de télévision AzTV et ITV. Les radios, dans leur couverture des événements nationaux, ont fourni des informations sur les mesures anti-corruption, le conflit armé, la situation de la sécurité dans la région, la religion, l'énergie, la culture, l'éducation, le processus électoral et les activités politiques qui ne sont pas liées à l'élection. AzTV a consacré 26 % de son antenne au développement des infrastructures et de la construction, 16,67 % à l'intégration internationale de la République et 11,33 % à la culture, à la religion, aux réformes économiques et au processus électoral. ITV, pour sa part, a privilégié le processus électoral (30 %), la diplomatie (26,67 %), l'occupation arménienne (22,22 %) et la religion (7,78 %).
La presse écrite focalisée sur le Président actuel
La presse écrite a concédé une place importante aux activités diplomatiques de la République (33,33 % dans Halq) et à l'intégration de l'Azerbaïdjan dans les structures internationales (27,27 % dans Azerbaijan). Une large place a été consacrée à la publication de décrets et de lettres du chef de l'Etat. Les autres sujets abordés sont les questions d'éducation, de frontières, de l'occupation arménienne et de la culture.
Les activités du Président ont été le sujet principal de la presse écrite. Dans Bakinskii Rabochii, ce sujet est présent dans 60,44 % des articles et 84 % des photos. Dans Azerbaijan, le Président est présent dans 53,94 % des articles et 80,5 % des photos, tandis que, dans Halq 61,86 % des articles et 84,66 % des photos lui sont consacrés. En comparaison, le quotidien public Respublika a concédé 12,74% de son espace au Président et 39,38 % à la Commission électorale centrale (1,13 % pour cette dernière dans Bakinskii Rabochii).
La Fondation Heydar Aliev a également bénéficié d'une large couverture : 28,19 % de la surface rédactionnelle de Bakinskii Rabochii, 29,15 % de Halq, 12,12 % de Respublika et 17,26 % de Azerbaijan.
Seul le quotidien Bakinskii Rabochii a consacré une partie de son espace aux candidats : Ilham Aliev (2,89 %) et Fazil Gazanfaroglou (2,68 %). Halq a traité avec le plus de parcimonie les acteurs politiques, n'accordant de l'espace qu'au président actuel, à la fondation Heydar Aliev, à la Commission électorale centrale, au Parlement et au ministre des Affaires étrangères.
Les médias audiovisuels
Parmi les télévisions, ITV se distingue par le nombre de sujets dans lesquels les acteurs politiques ne sont pas mentionnés (55,47 %). Le monitoring a mis en évidence une différence avec AzTV où seules 6,73 % des informations n'évoquent pas d'acteurs politiques. Sur AzTV, le Président totalise 40,62 % de la durée des programmes d'informations et 67 % du temps de parole en direct. ITV a consacré de 0,70 à 1,31 % de son temps d'antenne à quatre des sept candidats. AzTV a concédé 24,52 % de sa couverture aux ministres et 4,63 % au ministre des Affaires étrangères. Sur ITV, seul ce dernier a été cité (11,75 %).
Les “autres” programmes n'abordent pas les élections
Par “autres programmes”, l'équipe du monitoring entend les talk-shows, les programmes culturels ou historiques, ou encore évoquent des questions sociales importantes. Ces programmes sont analysés séparément des bulletins d'informations et n'entrent pas en considération dans les diagrammes de temps d'antenne. Sur la période étudiée, les questions d'éducation ont été traitées de manière importante afin de marquer la fête annuelle des professeurs. Les programmes ont couvert des événements protocolaires, tels que des décorations de professeurs par le Président. Les radios ont cependant donné l'antenne à des experts sur le développement de l'éducation dans le pays.
Sur AzTV, des reportages spéciaux sur les voyages du Président dans les régions ont été diffusés après les bulletins d'informations. La chaîne ITV a proposé des documentaires sur différents sujets dans son progamme “Compromis”. L'un des sujets abordés a été le rôle des médias dans la campagne électorale. De nombreux rédacteurs en chef ont été invités à prendre part à la discussion.
Conclusions et recommandations.
L'équipe de monitoring note avec inquiétude que des reportages spéciaux sur les voyages du président actuel dans les régions du pays sont régulièrement diffusés après les programmes d'informations sur la chaîne publique AzTV. En pleine période de campagne électorale, et alors que les activités des autres candidats ne sont pas couvertes, cette pratique éditoriale donne un avantage excessif au Président. L'équipe recommande l'abandon de cette pratique lors des futures campagnes électorales.
Par ailleurs, l'équipe trouve louable que les médias publics couvrent largement l'organisation de l'élection et le travail des commissions électorales. Cependant, ce type d'informations ne doit pas remplacer les informations sur les activités des candidats et l'analyse de leur programme.
Rappels
L'activité des médias publics, et particulièrement l'allocation de temps d'antenne ou d'espaces gratuits, est encadrée par le code électoral et les instructions de la CEC, qui se fondent sur la Constitution (art.47) ainsi que sur les lois “sur les médias” et “sur la publicité”. La directive de la CEC du 18 juillet 2008 spécifie que la campagne commencera 28 jours avant l'élection et que les médias audiovisuels à financement public devront allouer au moins 3 heures par semaine de programmes gratuits à la campagne. Leurs homologues de la presse écrite doivent offrir au moins 10 % de leur volume hebdomadaire à l'ensemble des candidats à l'élection avant le début de la campagne (paragraphe 3.6). Les candidats doivent également avoir la possibilité d'acheter des espaces ou du temps d'antenne aux différents médias. Les médias privés, eux, ne peuvent allouer qu'une couverture payante aux différents candidats.
Il incombe à la CEC de constituer une équipe chargée de vérifier la conformité de l'activité des médias à ces dispositions. Les droits et la procédure relevant des plaintes de candidats relatives à une couverture médiatique déséquilibrée ne sont pas spécifiquement détaillés, bien que le code électoral prévoie le traitement par la justice de ces plaintes.
Liste des médias observés
Médias audiovisuels : AzTV (télévision publique), ITV (télévision publique), AzR (radio publique), IR (radio publique), ANS (chaîne privée).
Presse écrite : Halq (quotidien en langue azerbaïdjanaise, paraît du mardi au samedi), Respublika (quotidien en langue azerbaïdjanaise, paraissant du mardi au dimanche), Azerbaycan (quotidien en langue azerbaïdjanaise, paraissant du mardi au dimanche) et Bakinskii Rabochii (quotidien russophone, paraissant du mardi au vendredi).
Candidats
Les principales formations de l'opposition ont décidé de boycotter le scrutin : Isa Gambar du Parti Musavat, Ali Kerimli du Parti du Front populaire d'Azerbaïdjan et Sardar Jalaloglou du Parti démocrate. De ce fait, la coalition d'opposition Azadlig boycottera le scrutin.
Sept candidats ont été autorisés par la CEC à se présenter à l'élection présidentielle, après avoir recueilli au moins 40 000 signatures. En plus de l'actuel président, Ilham Aliev, du Parti Yeni Azerbaijan Partiyasi, il s'agit de Goudrat Hasangouliev, du Parti du Front populaire uni, de Fazil Gazanfaroglou du Parti de la grande formation, de Fouad Aliev du Parti libéral-démocrate d'Azerbaïdjan, d'Igbal Agazade du parti de l'espoir, d'Hafiz Hadjiev du Parti moderne Musavat et de Goulamhussein Alibeyli, candidat libre.
Publié le
Updated on
20.01.2016