Mongolie : une journaliste risque huit ans de prison pour avoir révélé des suspicions de malversations visant le vice-Premier ministre

La rédactrice en chef d'un média en ligne mongol a récemment été arrêtée et poursuivie pour avoir enquêté sur des suspicions de détournement de fonds publics concernant le vice-Premier ministre. Reporters sans frontières (RSF) demande au bureau du procureur d'abandonner toutes les charges retenues contre elle, et appelle les autorités à garantir que les journalistes puissent exercer leur profession sans subir d'intimidation.

La rédactrice en chef du site d'information mongol Tac.mn, Ayurzana Bayarmaa, a été arrêtée le 5 mai 2024 et détenue pendant 48 heures, puis poursuivie pour ’avoir “menacé de diffuser des informations susceptibles de causer de graves dommages” au vice-Premier ministre mongol Amarsaikhan Sainbuyan. La journaliste risque jusqu'à huit ans d'emprisonnement sur la base de l'article 17.6.1 du Code pénal. La date de son procès n'a pas encore été annoncée.

“Ayurzana Bayarmaa n'a fait que servir l'intérêt public révélant de possibles abus de pouvoir au plus haut niveau de l'État. Elle n'aurait jamais dû être arrêtée, et encore moins poursuivie en justice sous un chef d’accusation passible de huit ans de prison. Nous appelons le bureau du procureur du district de Sukhbaatar à abandonner toutes les charges qui pèsent contre elle et demandons aux autorités mongoles de faire en sorte que les journalistes puissent exercer leur profession sans ingérence ni intimidation.

Cédric Alviani
Directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF

Ayurzana Bayarmaa a publié, entre mars 2021 et août 2022, une série d'enquêtes faisant la lumière sur des suspicions de malversations de la part du vice-Premier ministre, qui se présente aux élections législatives fin juin 2024. La journaliste a notamment révélé comment le haut fonctionnaire aurait détourné des fonds publics destinés à moderniser les infrastructures de transport de la capitale, Oulan-Bator, et comment il aurait usé de son influence pour retarder l'exécution d'une décision de justice l'obligeant à verser 4,7 millions de dollars (environ 4,3 millions d’euros) de pénalités de retard pour le rachat de mines à un citoyen américain.

La police a perquisitionné le domicile d’Ayurzana Bayarmaa en janvier 2024, confisquant ses téléphones, son ordinateur portable ainsi qu'un carnet contenant une clé USB, qui n'a toujours pas été restituée à la journaliste. Dix jours avant l'arrestation de la journaliste, son collaborateur dans l’enquête, l’avocat G. Batbayar avait été découvert inerte dans son véhicule, apparemment tué par balle. Il travaillait depuis huit ans sur des présomptions d’activités illégales de sociétés minières appartenant à des proches du vice-Premier ministre.

La Mongolie, classée 109ͤ sur 180 territoires dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2024 de RSF, a dégringolé de 36 places depuis 2020. La situation de la liberté de la presse y est jugée “difficile”, en raison de fréquentes poursuites pénales abusives contre les journalistes sous prétexte de diffamation, ainsi que d'une forte concentration des médias entre les mains des élites économiques et politiques.

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