Une Mission internationale pour la liberté de la presse aux Maldives a dénoncé les arrestations, les détentions et les menaces contre les journalistes et les dissidents dans le pays. Elle a pris acte du développement de médias indépendants depuis un an et demi et de la levée de certaines restrictions contre la presse, et a appelé le gouvernement à mettre en œuvre plus de moyens afin de garantir une véritable liberté d'expression.
Après quatre jours d'enquête aux Maldives, les membres de la Mission internationale pour la liberté de la presse - un groupe indépendant composé d'organisations internationales qui oeuvrent pour promouvoir les standards internationaux de liberté d'expression - déplorent les attaques fréquentes contre les professionnels des médias et les dissidents.
“Nous avons observé l'ouverture d'un espace pour la liberté d'expression et le développement de médias indépendants depuis un an et demi. Malgré les pressions et les restrictions dont ils ont été victimes, les journalistes ont exercé leur droit à informer les Maldiviens. Nous soutenons ces efforts de la presse, ont déclaré des représentants de cette mission internationale, dont Reporters sans frontières fait partie. Nous reconnaissons également la démarche du gouvernement pour diminuer les restrictions, comme les procédures de délivrance des autorisations et d'enregistrement des publications privées. Mais des progrès sont encore nécessaires dans ce domaine.”
Suite à des rencontres avec des membres du gouvernement, en particulier les ministres de la Justice et de l'Information, des médias d'opposition, progouvernementaux et gouvernementaux, des membres de la société civile, des journalistes emprisonnés, la Commission des droits de l'homme et des diplomates, la Mission s'engage à suivre de près la situation de la liberté de presse et à soutenir les médias indépendants.
La Mission craint que le projet de loi sur la liberté de la presse ne soit pas respectueux des standards internationaux de liberté de la presse: “Nous prenons acte des pas déjà faits par le gouvernement pour améliorer la situation de la liberté de la presse dans le pays grâce aux engagements précisés dans la feuille de route vers la démocratie. Toutefois, une analyse approfondie du projet de loi montre que les restrictions à la liberté d'expression sont traitées dans des termes trop vagues, et pourraient être utilisées à des fins politiques. Le projet de loi énumère un certain nombre de délits de presse et ne fournit pas assez de mesures de protection de la liberté de la presse. Nous saluons la déclaration du ministre de l'Information qui a annoncé que Television Maldives et Voice of Maldives deviendraient des services publics. Nous offrons nos compétences afin d'en assurer l'indépendance. Le contrôle qu'exercent actuellement les autorités sur les médias publics ne permet pas de véritable indépendance dans la couverture et la rédaction des nouvelles.”
La Mission condamne les arrestations arbitraires, les détentions, les harcèlements et les menaces contre des journalistes.
La Mission a recueilli des informations sur des cas récents d'arrestation et de détention arbitraire de journalistes par les forces de sécurité, dont Abdul Hameed, rédacteur en chef de Manas, et Nazim Satar, rédacteur en chef adjoint de Minivan. Les journalistes qui couvrent les événements socio-politiques et certains manifestants ont été victimes de violences de la part de la police. Chaque fois, les forces de sécurité ont bénéficié d'une totale impunité. La Mission a également pris note des intimidations verbales et des menaces de mort contre des journalistes de médias indépendants ou gouvernementaux, en soulignant qu'elles ont eu un effet très négatif sur la liberté de l'expression : “Nous exprimons notre profonde inquiétude suite aux accusations portées contre cinq journalistes et rédacteurs de Minivan, ce qui pourrait constituer un effort concerté des autorités pour faire taire ce journal.”
La Mission a également déploré l'utilisation abusive d'Interpol contre des journalistes exilés et des médias à l'étranger, le filtrage des sites Divehiobserver et Maldivescultures et le brouillage de Minivan Radio.
Recommandations :
- La Mission demande la révision des jugements prononcées contre les journalistes emprisonnés ou assignés à résidence : Jennifer Latheef, Abdullah Saeed et Mohamed Yushau.
- La Mission demande au gouvernement et aux forces de sécurités de respecter le droit des journalistes à couvrir les manifestations sans les entraver ou les menacer.
- La Mission demande au gouvernement d'engager des poursuites contre les membres de la police qui ont fait usage de la violence, afin de mettre fin au climat d'impunité. La Mission demande également que le gouvernement accorde des compensations aux victimes de ces violences.
- La Mission demande au Parlement d'adopter au plus vite le projet de loi sur la Commission des droits de l'homme des Maldives et appelle à la nomination de membres indépendants, notamment un qui serait en charge de protéger la liberté d'expression.
- La Mission recommande que les organisations de la société civile comme le Detainees Network et les radios indépendantes, dont Minivan Radio, aient l'autorisation d'être inscrites et d'opérer indépendamment.
- La Mission a publié ses commentaires et recommandations sur le projet de loi sur la liberté de la presse et demande au gouvernement et au Parlement de modifier la loi sur cette base.
- La Mission appelle le gouvernement à continuer sa politique de transformation de la radio et de la télévision d'Etat en services publics, ainsi qu'à améliorer l'accès à l'information et mettre en accord les lois sur la diffamation avec les standards internationaux.
- La Mission demande aux médias d'explorer la possibilité de créer un syndicat de journalistes et de développer des standards professionnels. Le rôle du gouvernement dans ce domaine devrait se restreindre à la création d'un environnement favorable.
En conclusion, la Mission annonce son intention de continuer à fournir ses compétences dans la rédaction et l'application de la législation pour la liberté de la presse en accord avec les standards internationaux ; elle exprime aussi son intention de suivre de près la situation de la liberté de la presse aux Maldives.