Meurtres de journalistes au Kurdistan irakien : “des accusations trop graves pour rester sans suite”

A l’occasion des dix ans de l’assassinat du journaliste kurde irakien Sardasht Osman, les deux partis les plus puissants de la région autonome du Kurdistan (KRG) se sont accusés d’être responsables de meurtres de journalistes non élucidés. Reporters sans frontières (RSF) s’alarme de ces accusations d’une extrême gravité et appelle à la réouverture urgente d’enquêtes.

En amont du dixième anniversaire de l’assassinat du journaliste kurde irakien Sardasht Osman, dont le corps a été retrouvé le 5 mai 2010 à Mossoul, dans le nord du pays, les deux partis qui se partagent le pouvoir dans la région autonome du Kurdistan (KRG), l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) lié à la famille Talabany et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), lié à la famille Barzani, actuellement gouvernement, se sont mutuellement accusés de ne pas respecter la loi et d’être responsables de meurtres de journalistes non élucidés.


Les services de lutte antiterroriste liés à l’UPK ont ainsi accusé les Barzani d’être à l’origine de l’assassinat de Sardasht Osman en désignant l’actuel Premier ministre Masrour Barzani comme le commanditaire du meurtre. Auparavant, des services de sécurité liés au gouvernement avaient eux-mêmes accusé le vice-président de l’UPK, Lahur Talabany, et ses frères d’avoir ordonné un autre assassinat, celui du présentateur de l’émission “Sans frontières” sur NRT Amanj Babany en octobre 2019. A l’époque, les autorités avaient conclu à un meurtre passionnel suivi d’un suicide.


“Les accusations de meurtre qui ont émergé à l’occasion de la commémoration de l’assassinat d’un journaliste sont bien trop graves pour rester sans suite, alerte Sabrina Bennoui, responsable du bureau Moyen-Orient de Reporters sans frontières (RSF). Devant l’indécence de ces règlements de compte par communiqués interposés, il est urgent que la justice intervienne, rouvre des enquêtes dignes de ce nom, et mettent fin aux mensonges et à l’impunité.” 


Jusqu’à aujourd’hui, la famille de Sardasht Osman conteste les résultats de l’enquête conduite par les autorités du KRG, qui avaient attribué la responsabilité de l’assassinat à un groupe islamiste radical. En juillet 2010, RSF s’était rendue au KRG lors d’une mission exceptionnelle pour rencontrer les membres de la Commission chargée d’enquêter sur le meurtre de Sardasht Osman. Dans son rapport, rendu public en novembre de la même année, l’organisation avait établi le manque flagrant de transparence. Quant à Amanj Babany, les zones d’ombres avaient amené plusieurs journalistes et hommes politiques à douter de la thèse du suicide, qui contredisait des images de la scène de crime rapportées par la chaîne NRT.


L’Irak occupe la 162e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

Publié le
Mise à jour le 05.05.2020