“Messieurs les Sénateurs, le projet de loi sur le Renseignement menace la liberté de l’information”

Après avoir été adopté par l’Assemblée nationale le 5 mai dernier, le texte du projet de loi sur le Renseignement a été examiné par le Sénat. Après trois jours de discussions, aucune modification notable n’a été votée. Si cette loi est adoptée en l’état, elle constituera une menace pour la liberté de l’information. Reporters sans frontières (RSF) appelle les sénateurs à voter le 9 juin contre ce texte.

Malgré les précédentes alertes de RSF et de nombreuses autres organisations de défense des libertés, les dispositions de nature à mettre en danger les communications des journalistes et de leurs sources n’ont pas été retirées du projet de loi sur le Renseignement.

“Si la loi passait en l’état, la France basculerait dans le camps des pays à avoir instauré la surveillance de masse, déclare Grégoire Pouget, responsable du bureau Nouveaux médias. Messieurs les sénateurs, le projet de loi sur le Renseignement menace la liberté de l’information. Le 9 juin, préservez la liberté, préservez la démocratie : votez non à ce projet de loi.”

La surveillance généralisée, instaurée par les boîtes noires (article L. 851-4), ces algorithmes de surveillance des comportements des internautes, n’a pas été supprimée du projet de loi. RSF rappelle que ce dispositif recueillera les données de tous les internautes de manière indifférenciée, quelle que soit leur profession, journaliste ou non.

La loi autorise en outre les services de renseignement à aspirer des “informations et documents” directement sur les infrastructures des acteurs du numérique. Ce terme trop flou est susceptible d’englober beaucoup plus que les simples données de connexion : fadettes, numéros d’abonnés, factures fournies aux opérateurs lors de l’ouverture de la ligne, etc.

Côté garde-fous, l’article 821-7 imposant une autorisation spéciale du Premier ministre dès lors que la surveillance viserait un journaliste, un avocat ou un magistrat n’est pas suffisante. RSF rappelle qu’aucune intervention du juge judiciaire, seul garant des libertés individuelles, n’est prévue dans cette loi. L’examen des demandes des services de renseignement par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) composée de 13 membres, et l’autorisation du Premier ministre dans la plupart des cas, restent les seuls mécanismes de contrôle prévus par ce projet. En 2013, 321 243 demandes d’interception ont été traitées. Comment une commission de 13 membres pourra-t-elle assurer un traitement efficace face à un tel volume de demandes ?

La France est classée 38e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2015 publié par Reporters sans frontières.

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Updated on 02.06.2016