Maurice : RSF dénonce les attaques en ligne contre quatre journalistes

Au moins quatre journalistes mauriciens, critiques du pouvoir, ont fait l’objet d’un cyberharcèlement. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces attaques et appelle les autorités à sanctionner les coupables.

Les journalistes ont déposé plainte auprès de la police le 10 novembre 2022, disant craindre pour leur sécurité. Depuis le début du mois, le directeur de l’information, Nawaz Noorbux, et les journalistes de la station privée Radio Plus Jean-Luc Émile et Al-Khizr Ramdin, ainsi que le journaliste de la station de radio Top FM Krish Kaunhye, sont victimes de cyberharcèlement. Il s’agit notamment d’attaques les présentant comme ayant des liens avec des trafiquants de stupéfiants principalement sur trois comptes Facebook, diffusant des contenus généralement favorables au parti au pouvoir. Nawaz Noorbux affirme aussi faire l’objet de menaces et d’intimidations en ligne, notamment de la part de certaines personnalités politiques au pouvoir.

"Les attaques en ligne contre les journalistes ont augmenté à Maurice. Nous demandons aux autorités d’ouvrir immédiatement une enquête, d'identifier et de sanctionner les coupables, et ainsi de mettre un terme à ces campagnes de harcèlement en ligne.

Sadibou Marong
Responsable du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Des quatre professionnels des médias, deux, Nawaz Noorbux et Krish Kaunhye, ont vu en outre leur nom figurer sur une liste de "25 personnes à arrêter", publiée par un journal en ligne, le Sunday Times (proche du parti d’opposition travailliste) le 8 novembre 2022, puis relayée sur les réseaux sociaux. La rédactrice en chef du média, Zahira Radha, a confirmé à RSF que son journal avait été le premier à publier cette liste pour alerter la population, parce qu’elle la jugeait “suffisamment grave et inquiétante”. “Cette liste vise clairement à intimider ou à faire taire des membres de certains médias. Elle menace la sécurité des journalistes indépendants qui font simplement leur travail”, a-t-elle ajouté. 

La police a pour sa part démenti l’authenticité de cette liste, affirmant qu’elle ne provenait pas de ses services. Krish Kaunhye a déclaré que le commissaire de police lui avait assuré que cette liste n’existait pas, et avait insisté sur l’importance de la sécurité des journalistes.  

Interrogé par RSF, Nawaz Noorbux considère que cette liste s’inscrit dans le contexte d’une “campagne de dénigrement qui risque de s'accentuer si la police ne fait rien.” Le directeur de l’information de Radio Plus lie les menaces contre lui et la radio aux enquêtes qu’ils réalisent régulièrement sur la gouvernance du pays.

Radio Plus a récemment révélé les pressions exercées sur un ancien directeur des télécommunications obligé de démissionner après avoir refusé d’accorder un marché à une entreprise étrangère. Elle a également publié le fac-similé du rapport d'enquête judiciaire sur la mort d'un ex-militant du parti au pouvoir, dont le meurtre avait d’abord été présenté comme un suicide par la police.  

Concernant les menaces, Nawaz Noorbux déclare : “Ils sont allés jusqu’à publier ma photo et celles de trois autres journalistes se tenant aux côtés d’un trafiquant de drogue présumé. Ils ont aussi écrit que je serai bientôt en prison. Des jours après notre plainte, les autorités n'ont engagé aucune action.

Jean-Luc Emile, lui, dit se sentir en danger. Il explique avoir appris qu’un “raid” serait mené à son domicile afin de l’empêcher de réaliser ses émissions.

Les relations entre les autorités et la presse sont devenues assez tendues. Une journaliste d’un hebdomadaire explique à RSF que le gouvernement est perçu comme le premier détracteur de la presse indépendante. “Quand elle met à nu les abus et la corruption qui sont en train de gangréner les institutions, et les failles du système, cette presse indépendante ne peut pas être dans les bonnes grâces des autorités,” déclare-t-elle.

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