Maroc : les chiffres qui prouvent le harcèlement judiciaire contre Omar Radi
Douze convocations pour trois incriminations différentes, quatre procédures à son encontre, et environ cent heures d’interrogatoires en quatre semaines auront été nécessaires pour conduire Omar Radi en prison il y a tout juste un mois. Ces chiffres prouvent que le journaliste est l’objet d’un harcèlement judiciaire.
Le journaliste et militant des droits humains marocain Omar Radi, 34 ans, dont le procès s’ouvrira le 22 septembre prochain, est incarcéré depuis le 29 juillet pour une affaire de viol, doublée d'accusations d'espionnage. Le prévenu ne cesse de dénoncer “un coup monté”. Quel que soit le fond de chaque dossier, la temporalité des plaintes, l’accumulation des faits et des chiffres prouvent qu’il est victime d’un harcèlement judiciaire.
Depuis plus de dix ans, Omar Radi travaille et enquête sur des sujets sensibles, qui ont fait de lui une cible du pouvoir marocain. Co-réalisateur d’un documentaire sur le Hirak, le journaliste a collaboré avec de nombreux médias marocains et internationaux et enquêté sur la corruption, l’économie de rente, la prédation foncière et les collusions entre pouvoir et milieux économiques.
En 2013, son enquête sur l’exploitation des carrières de sables au Maroc, qui dénonce l’opacité du système d’agrément, obtient le Prix du journalisme d’investigation de l’Association marocaine pour le journalisme d'investigation (AMJI). Lauréat de la fondation Thomson Reuters en 2015, il rend public, l’année suivante, des données qui seront à l’origine du scandale “des serviteurs de l’État,” qui implique d’influentes personnalités publiques marocaines.
48 heures
C’est le temps qui s’est écoulé entre les révélations de l’organisation Amnesty International du 22 juin selon lesquelles il avait été ciblé par le logiciel de surveillance de la société NSO (vendu aux seuls Etats) et la première accusation d’espionnage. En effet, le 24 juin, la justice marocaine a annoncé avoir ouvert une enquête sur Omar Radi qu'elle suspecte de bénéficier de « financements de l'étranger » en lien avec des « services de renseignement ».
3 incriminations différentes
Onze jours plus tard, dans la soirée du 5 juillet, il est interpellé pour “ivresse publique et violences” et placé en garde à vue, après une altercation avec deux journalistes de Chouf TV (un site d’information réputé proche du pouvoir marocain) qui, selon son avocat, "le traquaient, le filmaient et l'intimidaient depuis plusieurs jours". Le 28 juillet, il subit un énième interrogatoire, pour un nouveau motif, cette fois sur la base d’une plainte émise émise par l’une de ses anciennes collègues pour “viol” et “harcèlement sexuel”. Omar Radi assure qu’il s’agissait d’une “relation consentie”. Cela fait vraiment beaucoup en si peu de temps.
12 convocations et 1 interpellation
Entre le 24 juin et le 28 juillet, soit sur une période de cinq semaines, Omar Radi a fait l’objet de 12 convocations pour les imputations d’espionnage et de réception de fonds en contrepartie de renseignements, et d’une interpellation pour “ivresse publique et violences”.
Près de 100 heures d’interrogatoires
Au total, depuis sa première convocation le 24 juin 2020, Omar Radi aura subi 97 heures d’interrogatoire par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ).
4 semaines
A l’issue de quatre semaines de harcèlement policier et judiciaire pendant lesquelles des infractions diverses et graves lui ont été opposées, Omar Radi est incarcéré le 29 juillet 2020.
4 procédures depuis décembre 2019
Omar Radi est dans le collimateur de la justice marocaine depuis 2019. Le 26 décembre, le journaliste est envoyé une première fois derrière les barreaux pour un tweet, publié huit mois plus tôt, qui dénonçait la condamnation à de lourdes peines de militants du Hirak. Remis en liberté provisoire le 31 décembre 2019, il est condamné, après plusieurs renvois d’audience, le 17 mars 2020 à quatre mois de prison avec sursis et 500 dirhams d’amende (47 euros) pour “outrage à magistrat”.
2 procès en 48 heures
Son procès pour « viol » et « réception de fonds étrangers dans le but de porter atteinte à la sécurité intérieure de l'État» s’ouvrira le 22 septembre devant le tribunal de Casablanca. Un deuxième procès pour « ébriété sur la voie publique », « injure » et pour « avoir filmé quelqu’un sans son consentement », assorti de « violence » a été fixé au 24 septembre. Soit deux procès en 48 heures.
De 10 ans de prison à la perpétuité
Si Omar Radi est reconnu coupable d'atteinte à la sécurité nationale, il encourt une peine de prison allant de quinze ans à la prison à vie. S'il est reconnu coupable d'agression sexuelle, il risque jusqu'à dix ans de prison.
3 campagnes diffamatoires
Dès la parution du rapport d’Amnesty International, plusieurs médias marocains connus pour être proches des services de renseignement ont relayé des accusations diffamatoires, selon lesquelles le journaliste aurait reçu des financements étrangers. Le 16 juillet, un manifeste de 110 journalistes professionnels a appelé les autorités marocaines à prendre des mesures contre ces « médias de diffamation » qui calomnient impunément des « voix critiques » comme le journaliste Omar Radi.
133e
C’est le rang du Maroc sur 180 pays dans le dernier Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF.