Maroc : le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU demande la libération immédiate de Soulaimane Raissouni
Le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire demande au gouvernement marocain de libérer “immédiatement” le journaliste Soulaimane Raissouni, injustement incarcéré depuis deux ans et demi. Pointant des atteintes graves à ses droits humains, il considère que la détention du journaliste marocain, condamné à cinq ans de prison en février dernier, est arbitraire.
“L’avis du groupe de travail de l’ONU qualifiant d’arbitraire la détention de Soulaimane Raissouni ruine les tentatives de mystification des autorités marocaines sur ce cas. Ses conclusions sont d’autant plus importantes que les conditions de détention du journaliste, privé de ses documents et de ses effets personnels, ajoutent de la cruauté à l’arbitraire. Soulaimane Raissouni doit effectivement être libéré sans attendre.
Emprisonné depuis mai 2020, l’ancien rédacteur en chef du journal arabophone Akhbar Al Yaoum a été condamné en appel en février 2022 à cinq ans de prison ferme pour "agression sexuelle" contre un jeune militant LGBT+, des faits que lui et son comité de soutien contestent.
Dans son avis rendu public le 10 octobre, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) considère que l’arrestation et la détention du journaliste sont sans fondement juridique, ont été motivées par l’exercice d’une liberté fondamentale (celle de la liberté d’expression) et a fait l’objet de violation du droit au procès équitable. Le GTDA demande par conséquent au gouvernement marocain de “prendre les mesures qui s’imposent pour remédier sans tarder à la situation de Soulaimane Raissouni et la rendre compatible avec les normes internationales applicables, notamment celles énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte”.
Le GTDA estime que “compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, y compris le risque d’atteinte à sa santé, la mesure appropriée consisterait à libérer immédiatement Soulaimane Raissouni et à lui accorder le droit d’obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation, conformément au droit international”.
Les experts des Nations unies estiment que le motif réel de l’arrestation et de la détention du journaliste est la publication d’articles critiques envers les autorités, et non les infractions sexuelles pour lesquelles il a été condamné. Ils soulignent qu’au Maroc, “les journalistes, dont M. Raissouni, sont pris pour cibles en raison de l’exercice de leur liberté d’expression”.
Ils rappellent également la cabale médiatique dont a fait l’objet Soulaimane Raissouni bien avant son arrestation, cabale orchestrée par des médias proches du pouvoir : ils notent dans leur rapport que “plusieurs sites d’information proches des services de renseignement auraient appelé à l’arrestation de M. Raissouni, notamment Chouf TV et Barlamane, qui seraient fréquemment impliqués dans la diffamation d’opposants politiques et de journalistes”. Un procédé classique au Maroc lorsqu’il s’agit de détruire une voix discordante, qui plus est réputée pour sa crédibilité et son indépendance.
Dans sa réponse adressée au groupe de travail le 31 janvier dernier, le gouvernement marocain a esquivé les accusations. Au lieu de répondre sur le fond, les autorités se sont contentées de souligner que la Constitution et la législation nationale consacrent pleinement les libertés d’expression et d’opinion et garantissent leur libre exercice.
Cet avis a été rendu alors que la santé mentale et physique du journaliste, déjà dégradée notamment par sa grève de la faim observée entre avril et août 2021, est plus que jamais en danger. En effet, suite à un transfert surprise de la prison de Casablanca vers celle de Ain Borja, le 25 mai, dans des conditions indignes, notamment avec un placement à l’isolement dès son arrivée, Soulaimane Raissouni a décidé de s’isoler du monde et de couper tout contact y compris avec sa famille et ses avocats.