Malgré le verdict, toujours pas de justice pour Hrant Dink
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Selon toute vraisemblance, le verdict du procès des dix-huit co-accusés de l’assassinat de Hrant Dink sera prononcé le 17 janvier 2012, comme l'a annoncé le juge Rüstem Eryilmaz après avoir soufflé le chaud et le froid durant plusieurs mois.
« Quelles que soient ses décisions, on n’attend plus grand chose de ce tribunal, a déclaré Reporters sans frontières. Cinq ans après la mort de Hrant Dink, il s’est montré impuissant à faire la lumière sur toutes les complicités au sein de l’appareil d’Etat et à remonter jusqu’aux commanditaires de ce crime. Nul ne peut considérer que l’affaire est résolue. Jusqu’au dernier moment, des éléments de la police et de l’appareil judiciaire auront même fait obstacle à l’enquête. La clôture de ce procès signe l’échec prévisible d’une justice qui ne s’est pas donné les moyens de parvenir à la vérité. »
« L’espoir que justice soit enfin rendue à Hrant Dink est mince : tout reposera désormais sur la volonté et la capacité du parquet à réunir suffisamment d’éléments pour ouvrir un nouveau procès, a poursuivi l’organisation. Les zones d’ombre abondent dans cette affaire et une nouvelle instruction est absolument indispensable. Au côté de la famille et des collègues de Hrant Dink, nous restons plus mobilisés que jamais pour que l’abandon de cette parodie de procès signe un nouveau début pour l’enquête. »
Même si le procès se conclut, l’enquête menée par le parquet d’Istanbul se poursuit en effet, et les avocats de la famille Dink nourrissent l’espoir qu’elle progresse enfin. Elle a connu un important rebondissement début décembre, lorsque la Haute Instance des télécommunications (TIB) s’est enfin décidée à verser au dossier le registre des appels téléphoniques passés autour du lieu du crime le 19 janvier 2007.
La plus grande vigilance s’impose cependant. Encore une fois, seuls les avocats de la partie civile ont fait progresser l’enquête, envers et contre les manœuvres d’obstruction de la police d’Istanbul. Ils ont en effet établi que cinq numéros ont émis des appels vers les téléphones de deux accusés, Mustafa Öztürk et Salih Hacisalihoglu, alors qu’ils se trouvaient à proximité du lieu du crime. Au moins quatorze autres personnes ont aussi eu des contacts réguliers avec eux depuis d’autres endroits. La police d’Istanbul avait pourtant remis un rapport selon lequel aucune des 6235 conversations téléphoniques listées par la TIB n’était en relation avec les 19 co-accusés.
« Même nous, avec le peu de moyens et de temps dont nous disposons, sommes parvenus à établir ce lien, a souligné l’avocate de la famille Dink, Fethiye Cetin lors de la 24e audience du 10 janvier 2012. Le rapport de la police d’Istanbul prouve bien qu’elle a tout fait depuis le début pour étouffer l’affaire. »
Au sein de l’appareil d’Etat, l’impunité prévaut toujours. Le lancement annoncé d’une enquête sur trente hauts fonctionnaires, en février 2011, apparaît pour ce qu’il est : un effet d’annonce à l’intention de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui avait critiqué l’inaction de la justice turque dans cette affaire.
En septembre 2011, le parquet a prononcé un non-lieu dans l’enquête visant deux agents des services de renseignement (MIT), qui avaient menacé Hrant Dink lors d’une conversation à laquelle il avait été invité en 2004. Le journaliste avait raconté comment Özel Yilmaz et Handan Selçuk lui avaient conseillé d’être « prudent » et de ne pas « dépasser les limites ». Mais le MIT a mis trois ans et demi à admettre qu’il s’agissait bien de deux des siens, et ce n’est qu’en janvier 2011 que les services du Premier ministre ont donné leur aval pour une enquête judiciaire. Le parquet a fait valoir que la procédure n’ayant pas été finalisée dans le délai imparti, il y avait prescription.
Dans leur plaidoirie lors de la dernière audience, les avocats de la famille Dink ont réitéré leur demande de voir jugés de hauts responsables de l’Etat, tels que l’ancien chef des renseignements de la police nationale Ramazan Akyürek, accusé d’avoir recruté comme informateur et protégé le prévenu Erhan Tuncel. L’un des organisateurs présumés de l’assassinat, Yasin Hayal, a quant à lui fait état de pressions émanant de l’Etat et de menaces de la part de certains gardiens de la prison de Tekirdag (Nord-Ouest), où il est détenu.
Le procès d’Ogün Samast, le jeune tireur condamné pour homicide en juillet 2011, se poursuit dans un autre volet de l’affaire, où il est accusé d’appartenir à l’organisation terroriste présumée Ergenekon. La prochaine audience se tiendra le 26 avril 2012.
(Photo: AFP)
Publié le
Updated on
20.01.2016