Malaisie

Pas de censure du réseau au programme pour le moment en Malaisie, mais les blogueurs et journalistes en ligne sont harcelés et les autorités multiplient les déclarations de méfiance vis-à-vis des nouveaux médias. La royauté reste un sujet tabou. La crédibilité, apanage des nouveaux médias Les sites d'informations et les blogs ont fleuri comme une alternative à des médias traditionnels sous contrôle du pouvoir. Les nouveaux médias ont gagné une véritable crédibilité. Parallèlement, un journalisme en ligne de qualité, qui aborde des sujets importants, a vu le jour, sur des sites comme NutGraph, Malaysian Insider et Malaysiakini ou sur des blogs comme Articulations, Zorro Unmasked, People’s Parliament et Malaysia Today. L'opposition a très vite utilisé ces nouveaux médias, mais le gouvernement et le parti au pouvoir ont suivi. Le parti Barisan Nasional a créé une unité spéciale chargée de diffuser ses idées sur le Net. Internet a créé de nouvelles opportunités pour tous les acteurs politiques. En leur permettant d’atteindre une audience hétéroclite, elle remet en question les barrières de la censure traditionnelle. En revanche, les autorités ont multiplié les déclarations qui remettent en cause la légitimité des nouveaux médias. Des blogueurs et sites harcelés Le pouvoir montre une certaine exaspération vis-à-vis des blogueurs et des sites indépendants. Il cède parfois à la tentation de les poursuivre, en ayant recours aux armes légales dont il dispose. Une trentaine de lois peuvent être utilisées pour contrôler les médias et Internet. Parmi elles : la loi sur la sécurité intérieure (Internal Security Act, ISA), qui permet de maintenir un détenu en prison pendant deux ans sans jugement, la loi sur la presse et les publications de 1984, la loi sur les communications et le multimédia de 1998, et la loi sur la sédition (Sedition Act). Cette dernière punit l’incitation à la haine ou à la « désaffection » à l'égard des autorités malaisiennes ou entre "races" et classes sociales, le fait d'altérer l'ordre établi, ou de remettre en question tout droit ou privilège de la souveraineté. Toute personne inculpée risque jusqu'à 5 ans de prison et 5000 ringgits d'amende. Le site Malaysiakini est sous le coup d'une enquête de la Commission des communications et du multimédia pour la publication de vidéos jugées choquantes par les autorités. Selon le rédacteur en chef du site, elles couvraient simplement des événements d'intérêt général, en l'occurence des manifestations. Malaysiakini est très populaire, avec 37 millions de pages vues chaque mois, par 1,6 million de visiteurs uniques. Le blogueur Raja Petra Kamaruddin, plus connu sous l'acronyme RPK, qui anime le site d’informations Malaysia Today, est victime d'un harcèlement judiciaire. Bête noire des autorités, dont il a dénoncé à de nombreuses reprises la corruption, il est poursuivi pour sédition après avoir sous-entendu que le Premier ministre et sa femme étaient impliqués dans un meurtre dans une affaire de trafic d’armes. Les autorités menacent désormais de lui retirer sa citoyenneté malaisienne et de lancer un mandat d'arrêt international à son encontre. En novembre 2009, le tribunal avait « suspendu » son procès en lui accordant une décharge car il ne pouvait pas être localisé. Mais les chefs d’inculpation existent toujours et il peut être arrêté à nouveau à tout moment. Un autre blogueur, Khairul Nizam Abdul Ghani, a été accusé d’insulter la royauté et doit être jugé fin mars 2010. Technicien informatique freelance, il avait posté sur son blog adukataruna.blogspot.com des commentaires critiques vis-à-vis du sultan Iskandar Ismail de l’Etat de Johor, décédé en janvier dernier. Il risque jusqu’à un an de prison et une amende. Il a pourtant présenté des excuses et a retiré l’article incriminé de son blog. En mars 2009, huit internautes ont été poursuivis pour avoir insulté le sultan de l’Etat de Perak, touché par une crise politique. L’un d’eux, l'internaute Azrin Mohammed Zain, a été condamné à une amende de RM 10,000 (2000 euros) en vertu de la loi sur les communications et le multimedia de 1998. Les sept autres sont en attente de leur jugement. L'avocat P. Uthayakumar, membre de la Force d’action pour les droits des Hindous (HINDRAF), détenu depuis décembre 2007 au nom de la loi sur la sécurité intérieure, a été libéré en mai 2009. Les autorités lui reprochaient d’avoir publié sur son site Internet (http://www.policewatchmalaysia.com), une lettre au Premier ministre britannique, Gordon Brown, lui demandant de soutenir l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, condamnant les “atrocités et les “persécutions” perpétrées par le gouvernement malaisien à l’encontre de la minorité hindoue et de renvoyer l’affaire devant la Cour pénale internationale. Pas de censure au programme ? La proposition du ministre de la Culture et de la Communication d’instaurer un filtrage du Web a été rejetée par le gouvernement en août 2009 après des manifestations dénonçant cette initiative. Le ministre prenait pour exemple le logiciel de filtrage « Green Dam » des Chinois. Et comme excuse le besoin de « maintenir l’harmonie raciale dans une nation multiculturelle ». Les autorités ont réitéré ces derniers mois la promesse faite en 1996, lors du lancement du Multimedia Super Corridor, une zone spéciale économique et technologique, de ne pas censurer Internet. Elles l’ont rappelé dans une lettre adressée à Reporters sans frontières en juin 2009, en expliquant que la censure ne fonctionnait pas. Mais tout en alertant les citoyens des « activités en ligne immorales » et en leur conseillant de se laisser « guider par leurs valeurs culturelles et morales » dans le cyberespace.
Publié le
Updated on 20.01.2016