Mécanismes de protection : un rapport de RSF analyse les programmes de sécurité des journalistes dans cinq pays d'Amérique latine
Garantir un environnement sûr pour les journalistes reste un défi majeur pour les démocraties d'Amérique latine. Depuis 2000, au moins 338 journalistes ont été tués dans la région, soulignant le besoin urgent de mécanismes de protection pour contrer la violence systémique. Dans un nouveau rapport, Reporters sans frontières (RSF) a analysé les programmes de protection des journalistes au Chili, en Équateur, au Guatemala, au Paraguay et au Pérou, réaffirmant ainsi son engagement à faire face à l'escalade des menaces qui pèsent sur les journalistes.
Les mécanismes de protection sont des initiatives prises par les États pour protéger les personnes qui courent un risque en raison de leur travail journalistique ou de leurs efforts pour lutter contre la corruption, le crime organisé et les abus des autorités. Des pays comme la Colombie, le Mexique, le Brésil et le Honduras ont déjà mis en place de tels mécanismes, comme le montre le rapport de RSF publié en février 2022. Plus récemment, l'Équateur et le Pérou ont lancé leurs initiatives, tandis que le Guatemala tente de mettre en œuvre une politique de protection après des années d'hostilité à l'égard des médias. Des projets de loi sont également à l'étude au Chili et au Paraguay.
Malgré ces progrès, de nombreux programmes manquent de ressources et de capacités pour apporter un soutien efficace. Les retards, les budgets limités et l'absence de protocoles clairs les empêchent de répondre aux menaces et de demander des comptes aux auteurs.
“La violence contre la presse en Amérique latine a atteint des niveaux alarmants. Les gouvernements doivent être institutionnellement prêts à protéger les journalistes à risque et à prévenir des tragédies évitables. RSF surveille activement les mécanismes de protection dans la région et, avec ce rapport, a émis des recommandations pour les programmes nouvellement créés ou en cours de développement au Chili, en Équateur, au Guatemala, au Paraguay et au Pérou. Ces mécanismes ne sont pas seulement essentiels pour la sécurité des journalistes, ils sont vitaux pour préserver la démocratie en Amérique latine.
Faits marquants par pays : Défis et progrès
Guatemala
L'environnement médiatique du Guatemala reste précaire. Les promesses d'établir un programme de protection des journalistes, faites après la guerre civile, entre 1960 et 1996, ne se sont pas encore concrétisées. Les progrès sont lents depuis la démission du président Otto Pérez Molina en 2015, et la situation s'est aggravée sous la présidence d'Alejandro Giammattei. Le président Bernardo Arévalo, en poste depuis janvier 2024, s'est engagé à rétablir les protections pour les journalistes, mais le faible soutien du Congrès et la résistance du système judiciaire - en partie influencés par les administrations précédentes - sapent ces efforts.
Équateur
Le mécanisme équatorien, créé en 2023 après l'assassinat très médiatisé du journaliste Fernando Villavicencio, souffre d'un sous-financement chronique et d'un manque de soutien institutionnel. Le refus d'allouer un budget spécifique pour 2024-2025 l'a rendu dépendant de l'aide extérieure. Le mécanisme est en outre entravé par une mauvaise coordination entre les départements gouvernementaux, ce qui entraîne des retards et des échecs dans la mise en œuvre des mesures de protection.
Pérou
Le Pérou a mis en place un mécanisme de protection en 2021 sous la pression des Nations Unies, mais il reste inefficace en raison d'un financement limité, d'un personnel insuffisant et d'un manque de cadres de coordination juridique. Ces faiblesses sont aggravées par l'administration de la présidente Dina Boluarte, qui a soutenu des politiques portant atteinte à la liberté de la presse, y compris des tentatives de criminalisation des journalistes couvrant des manifestations.
Paraguay et Chili
Au Chili, l'assassinat en 2022 de la journaliste Francisca Sandoval a mis en lumière les risques croissants auxquels sont exposés les professionnels des médias. Un projet de loi sur la protection des journalistes a été adopté par la Chambre des représentants en mars 2024, mais est resté bloqué au Sénat en raison de problèmes de financement et de cadre juridique. De même, le Paraguay est confronté à des problèmes de sécurité des journalistes, avec plus de 600 cas de violence documentés depuis les années 1990. Un projet de loi sur les mécanismes de protection est retardé au Sénat depuis 2023, car il se heurte à la résistance d'un climat politique conservateur.
Les dix recommandations de RSF pour des mécanismes de protection des journalistes efficaces
- Des cadres judiciaires solides
- Coordination institutionnelle
- Définitions inclusives des groupes cibles
- Protection complète
- Protocoles spécifiques pour les journalistes
- Approches sensibles au genre, à la race, à l'ethnicité et à la diversité
- Budgets permanents et flexibles
- Personnel technique bien formé
- Participation de la société civile
- Crédibilité et transparence active
Lire le rapport complet ICI.